Où l’on retrouve avec bonheur un de ces trios qui traversent les années grâce à leur excellence
Jeudi 31 octobre 2024
Samuel Blaser : trombone
Marc Ducret : guitare
Peter Bruun : batterie
« Vilaine veille de Toussaint ne présage rien de bien. » Le dicton du jour a eu tort ; à sa décharge, il ne savait pas que j’allais assister au concert d’un trio quinze ans d’âge composé de Samuel Blaser, Marc Ducret et Peter Bruun, ce que l’on nomme également un trio de solistes, représentés par un trombone inventif à la rondeur toujours inspirée et facétieuse, capable du meilleur et du meilleur en toute circonstance, une guitare acérée aux soubresauts souvent surprenants traversée par une pulsion organique presque indicible et une batterie aérienne qui donne par son jeu arachnéen au silence tout son sens avec un sens de la geste ébouriffant. Unis jusqu’à la soudure, les trois acolytes parcoururent leur répertoire en fouillant sur les pupitres et se livrèrent dans une interaction jouissive aux délices de l’exigence ultime. D’aucuns dans l’auditoire furent possiblement étonnés, mais tous adhérèrent au mouvement symbiotique qui emplit l’espace. Un traditionnel transalpin ponctua leur trajectoire globale d’un soupçon de joliesse mélodique, une once de blues aussi, quelques sonorités guitaristes fricotant avec le rock interpelèrent l’oreille mais toujours traversés par leur originalité native. J’en conclus ipso facto qu’emprunter les chemins de traverses ne les empêcha nullement de traverser les chemins, histoire que la géographie musicale qui en naquit fut un piège à surprises, ce que l’on appelle aussi brouiller les cartes ; mais pourquoi eut-il fallu qu’ils suivissent les balises ? Je vous le demande. Et l’avant-garde devait-elle assurer ses arrières ? Autant lui demander d’être sage et consensuelle. Une chose est certaine à l’heure où j’écris ces lignes, ce trio helvético-franco-danois est une entité respirante, au sens où l’entend Marielle Macé quand elle écrit respirer est un échange permanent avec le dehors donc, une espèce de conversation paysagère, « un débat ». On respire moins l’air qu’on ne respire avec lui. Et elle ajoute respirer est une affaire de corps entier. Cqfd. Il fut donc logique que l’auditoire et votre serviteur ressortissent de ce concert gonflés à bloc car la musique ouverte souffle en toute occasion un vent de liberté. C’était un 31 octobre, jour de naissance d’Edgar Melvin Sampson (1907-1973), jazzman passé à la trappe (ils sont nombreux) demeurant néanmoins et à jamais le compositeur du standard Stompin’ at the Savoy. Ce jour vit aussi naître le photographe Helmut Newton (1920-2004) dont l’attractivité terrestre fut presque exclusivement réservée aux femmes. La visite de sa fondation à Berlin vaut le détour et d’ailleurs elle fête ses 20 ans cette année.