A la vue du line-up, croyez-moi, je n’ai pas hésité...
Mercredi 06 novembre 2024
Sylvie Courvoisier : piano
Patricia Brennan : vibraphone
Thomas Morgan : contrebasse
Dan Weiss : batterie
Il faut dire les choses comme elles sont. Sylvie Courvoisier, à elle seule, mérite le déplacement. Alors quand elle vint au Périscope l’autre soir avec Patricia Brennan au vibraphone (ce fut la première fois que je vis « une » vibraphoniste sur une scène jazz), Thomas Morgan et Dan Weiss, deux solistes pour une rythmique, je pensai illico presto qu’avec un pareil quartet (un moderne jazz quartet …) la semaison des graines de pavot allait sauvagement m’enfumer les neurones. Cela ne manqua pas et l’auditoire présent à cette fiesta pourrait le confirmer s’il squattait dans mes pénates. Je ne vous parlerai pas de structures et autres bidules technico-techniques alambiqués car cela m’emmerde. Je vous dirai juste qu’une composition de Sylvie Courvoisier, c’est une histoire faite avec des histoires, qu’elle pense à Baldwin, à Ornette ou à ses chats, une histoire très carrée dans sa rondeur. Là, je sens le point d’interrogation pousser dans votre cerveau. Alors voilà : si vous mettez un carré dans un rond, que ses quatre coins touchent le bord du rond, vous voyez bien qu’il reste quatre fois un peu d’espace et, comme un quartet est composé de quatre musiciens, chacun a sa place pour improviser au regard du rond central qu’il caresse du coin de l’instrument, histoire de le faire vibrer, de l’emplir de battements, d’oscillations, de palpitations et de frissons, qui le font vivre. Simple et efficace, non ? Enfin, pas vraiment simple, mais vraiment efficace. Imaginez donc que dans le rond central on mette un carré dans lequel un autre rond existe au sein duquel un autre carré contenant un autre rond… Je vous l’accorde, c’est un jazz que certains définiront comme assez cérébral. Sauf que les quatre artistes de « Poppy Seeds » savent mettre de l’humanité dans le concept, comme ils mettent de l’audace dans leur jeu, et les histoires qu’ils narrent en conversant de concert recèlent des richesses insoupçonnées, faites de références [entre deux digressions contemporaines j’ai cru voir le groovy Les McCann (1935-2023) sortir de sa tombe ou encore un bluesman chanter une ode à Ornette (1930-2015), j’en passe et d’aussi bonnes, come on baby…], d’éclats subis propices au sourire, de lignes nourries d’angles droits titillant la trompe d’Eustache, d’envolées vrombissantes furieusement libératoires, de silences épais et agiles à la fois… Je continue ou vous lâchez prise ? Je résume. La musique de ce quartet fut une poétique de l’imaginaire. Elle ne fut pas constituée d’alexandrins souples et prévisibles, ni de strophes onctueuses. Elle s’exprima en vers libres, inscrits dans le temps présent, elle souffla une vie grande ouverte sur la beauté, elle encensa les sens et leur essence avec aisance (je n’ai pas pu m’en empêcher…) et elle offrit en partage une belle tranche d’humanité. C’était un 06 novembre, jour qui vit en 2012 la réélection de Barack Obama. The times, they are a changing. Allez quoi ! Il faut qu’on sème, il faut qu’on s’aime...