Il y a des soirs où votre serviteur est incapable de pénétrer la musique qu’on lui joue.
Mercredi 13 novembre 2024
Or Bareket : contrebasse
Godwin Louis : saxophone alto
Jeremy Corren : piano
Savannah Harris : batterie
Roy Haynes (1925-2024), sérieusement, lâcher sèchement les baguettes six mois avant de faire les cent ans un mercredi 13 alors qu’il était né un vendredi 13 (lucky guy…) ? Il a flirté avec la faute de goût sur ce coup-là, même si elle ne compromet aucunement son illustre carrière. C’est ainsi, requiescat in pace. La semaine dernière, c’était Lou Donaldson (1926-2024). Ces deux-là ne seront pas emmerdés par Donald, mais les nonagénaires du jazz devraient surveiller leurs abattis car la faucheuse pète la forme. Or Bareket n’a pas encore cette angoisse, ni ses accompagnateurs, ceux qui étaient avec lui au Crescent de Mâcon l’autre mercredi car, c’est-pas-dieu-poss’, ils sont tous odieusement jeunes. Ils firent du jazz new-yorkais d’aujourd’hui et le contrebassiste était le leader. Je ne l’aurais pas su, je l’aurais vite compris car, au premier rang, le volume sonore de son instrument m’assomma avec vigueur et ne me permit d’ailleurs pas de lire correctement l’entière finesse de son jeu. Ses complices furent tout aussi bons que lui, mention spéciale à Savannah Harris dont la précision et la retenue éclairèrent un ensemble trop touffu pour mes oreilles pourtant habituées depuis des lustres à moult vicissitudes sonores, voire soniques. Le premier set fut un long flux musical, pas tranquille pour deux sous, d’une densité que je tolérai tant bien que mal. Il me sembla toutefois qu’un soupçon d’âme étoffa le dernier morceau. Après la pause, j’endurai le premier titre et m’éclipsai au milieu du deuxième, convaincu que cette musique brillant par son absence de mélodies franches ne m’atteindrait pas. J’avoue là mes limites. J’ai besoin d’autre chose que de science musicale et d’imparable technique quand je suis au concert. Je veux vibrer, être ému par une humanité musicale qui embrasse l’auditoire. Le plus ennuyeux, si j’ose dire, c’est que le compositeur n’a certainement pas manqué de mettre ses propres émotions dans sa musique, d’y travailler dur. Où donc se situe ce hiatus qui musela ma capacité d’empathie ? Il est plus que probable que je ne le sache jamais. Les musiciens n’y furent pour rien, ils firent avec un indéniable talent leur musique, nourrie d’un interplay de qualité et de soli irréprochables. Tiens, le 13 novembre 1872, Claude Monet peignait « impression, soleil levant », tableau aujourd’hui considéré comme la toile fondatrice de l’impressionnisme ; mes impressions d’un soir furent plutôt brumeuses. Allez ! The best is yet to come. Toujours.