La voix dans tous ses états au Crescent, en partenariat avec le festival Symphonies d’automne
Samedi 09 novembre 2024
Melissa Weikart : piano, chant
Trio Haïkaï
Heidi Heidelberg, Leïla Martial, Jessica Martin Maresco : chant
Une soirée exhaustivement dédiée à l’art vocal dans un club de jazz, ce n’est pas ordinaire. Le Crescent me l’offrit samedi dernier, en partenariat avec le festival mâconnais Symphonies d’Automne. Autre particularité de l’événement, le plateau fut exclusivement féminin. Là, on frôle le sensationnel, on touche à l’insolite, on s’immerge dans l’inusuel. En première partie de soirée, je retrouvai Melissa Weikart, son piano et sa voix. Je ne m’attarde pas sur sa prestation car je l’ai déjà vue et écoutée deux fois cette année, chroniquée [1] et interviewée [2]. Je dirai seulement que son naturel et son goût de la surprise, ajoutés à sa talentueuse originalité, donnèrent à sa prestation les atours de la nouveauté, que ce soit grâce à une chanson enregistrée avec une boîte à rythme ou l’idée subite de tripotailler les cordes de son piano pour remplacer une pédale de tape delay. Petit bémol indépendant de sa volonté, la salle fut brutalement rallumée dès la fin du dernier titre, la privant d’un rappel que le public souhaitait. Le fait avéré que ses mélodies me trottent ensuite dans la tête pendant deux jours est un autre problème, mais il ne concerne que votre serviteur.
La seconde partie de soirée de ce 09 novembre, jour où naquit Juan Luis Buñuel (1934-2017), vit débarquer sur scène un Objet Vocal Non Identifié. Heidi Heidelberg, Leïla Martial etJessica Martin Maresco, soit le trio Haïkaï (qui signifie comique). Bâti sur des haïkus surréalistes écrits dans les loges avant le concert, leur (dé)tour de chant, leur suite d’improvisations, donna à ouïr des choses insoupçonnées, les songeries d’un singe rond comme une bille, un peu de blanquette de Limoux, du caviar et du champagne, j’en passe, le tout interprété en toute versatilité sur un mode drolatique qui juxtaposa les effets de bouche au chant à proprement parler. Aidées de quelques accessoires à vocation musicale, elles établirent un lien direct avec l’auditoire qui en oublia même d’applaudir, ne sachant jamais si la pièce était achevée ou non. Complémentaires et virtuoses, espiègles et fines stratèges, elles donnèrent du plaisir autant qu’elles en prirent dans un espace temps né du rebondissement perpétuel qu’elles infligèrent à leurs désirs exploratoires. Ce qui eut pu paraître abscons ou décousu à mes oreilles fut au final limpide et musical, habilement joyeux et ludique, en un mot, captivant. Sachant que c’était une création, l’affaire fut donc magistralement menée et je ne m’en plaignis pas car, après tout, ou avant tout, la voix humaine est et sera toujours le plus bel instrument.
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