Contrebassiste, compositeur et improvisateur né à San Francisco en 1934, Barre Phillips est décédé le 28 décembre dernier aux Etats-Unis à l’âge de 90 ans. Sa disparition a créé un choc immense dans le cercle des musiques créatives. Installé dans le sud de la France — à Puget-Ville dans le Var — depuis 1972, il avait travaillé avec des artistes aussi différents que Leonard Bernstein, Coleman Hawkins, Evan Parker, Robert Kramer, Chris McGregor, Lee Konitz, Michel Doneda, le groupe Gong, Archie Shepp, Bill Dixon, Derek Bailey, Paul Bley, Carolyn Carlson, Joëlle Léandre, Ornette Coleman, Annick Nozati ou Keiji Heino. Nommé Chevalier des Arts & des Lettres en 1988, Barre avait trois enfants musiciens, la chanteuse Claudia Phillips, le guitariste Jay Crawford et le contrebassiste Dave Phillips.

Le long entretien — en français ! — qu’il nous avait accordé à Mulhouse en août 2000, puis à travers différents échanges de courriels en 2019, est proposé dans les colonnes de CultureJazz en trois parties.

Dans la première partie de cet entretien, Barre Phillips évoquait ses rencontres avec Ornette Coleman, le New York Philharmonic Orchestra, Jimmy Giuffre, Coleman Hawkins, etc.

https://www.culturejazz.fr/spip.php?article4310

Musique Action, Vandœuvre-lès-Nancy 2016
Musique Action, Vandœuvre-lès-Nancy 2016

On retrouve le contrebassiste à New York au milieu des années 60…

À cette époque du ‘Black Is Beautiful’, le fait d’être blanc t-a-t’il posé des problèmes ?

Ça commençait à chauffer sérieusement avec les Black Panthers et tout ça, les émeutes dans le quartier de Watts à Los Angeles et plus tard à New York en 66, c’était chaud. Je jouais en trio avec [le pianiste] Roland Hanna, on accompagnait la chanteuse Gloria Lynne dans un théâtre de la 72e rue, il fallait que les gars m’accompagnent quand je descendais chercher un café et prendre un sandwich, sinon c’était très dangereux. Mais entre les musiciens en ce qui me concerne, sauf une ou deux crises d’hystérie d’un musicien noir, je n’ai jamais eu de problème. Et pourtant, avec ce trio accompagnant cette chanteuse ces années-là on a beaucoup voyagé et joué à droite et à gauche dans les enclaves noires. On avait un agent de Boston qui organisait des tournées pour des longs week ends, avec parfois Miles [Davis], Monk, [l’organiste] Richard Groove Holmes, des chanteuses… J’ai été amené à bien connaître le comédien et présentateur Redd Foxx, un très grand humoriste qui a fait un peu plus tard une grande carrière à la télé américaine avec tous les trucs noirs, comme Bill Cosby. Finalement Redd Foxx a fait un tabac à Los Angeles, tout comme l’organiste Jimmy Smith qui faisait ça aussi avec Billy Hart à la batterie. Je trainais beaucoup avec Redd Foxx et Jimmy Smith quand on partait en tournée, j’étais leur « petit frère », et comme on allait beaucoup dans les clubs noirs et les scènes noires, ils ne voulaient pas que je sois emmerdé. Mais chez les musiciens, non, les musiciens voyaient clair. Dans ces années-là, on discutait beaucoup, fin 66 je jouais dans le sextette de Benny Golson, on faisait beaucoup de concerts dans le Sud, j’étais le seul blanc, dans les universités noires à Washington D.C., Jackson (Mississipi), Atlanta, des endroits où c’était très très chaud, on discutait énormément, évidemment je représentais les blancs, j’étais mis en position de me défendre, c’était très intéressant tout ça. Mais des problèmes directs, non, à part une ou deux exceptions.

avec Fred Van Hove & Conny Bauer, Anvers 2001
avec Fred Van Hove & Conny Bauer, Anvers 2001

À New York en 64, tu avais participé à « The October Revolution in Jazz » [1] ?

On a joué en duo avec Jimmy Giuffre, plus quelques trucs au Village Gate, mais j’étais timide, et je suis longtemps resté en marge… Quand Archie [Shepp] m’a appelé pour jouer au Newport Festival en 65, on se connaissait, on a travaillé tous les jours pendant un mois pour apprendre la musique et la préparer, mais c’était juste pour le festival. Le Jazz Composer’s Orchestra [2] et les autres trucs qui jouaient dans ce festival, c’était l’après-midi, il y avait 20 personnes dans le public. Peut-être qu’Archie le savait, mais nous on ne savait pas que c’était enregistré. J’ai su plus tard que tous les ans une compagnie enregistrait les concerts et si un autre producteur voulait avoir la bande il fallait négocier. Cette année-là, c’est Mercury qui avait enregistré et c’est Impulse qui a décidé de voir si ça marcherait avec ces jeunes (Shepp, [Bobby] Hutcherson, Joe Chambers et moi ) et le disque « New Thing At Newport » (NDLR : sur une face le John Coltrane Quartet, et sur l’autre le quartette de Shepp). Ça a pas mal marché pour eux je crois ! C’était en plein air, il y avait une estrade et des chaises pliantes dans le champ, et un chapiteau pour les artistes. On était tous dans le chapiteau, [Steve] Swallow était là avec Carla [Bley] et toute l’équipe, et il me voit avec des cordes métalliques, il me dit : « Ah toi aussi tu joues avec ces saloperies, le son n’est pas bon, ce n’est pas de la basse, etc. », on se taquinait. On discutait des valeurs respectives de l’acier et du boyau en s’amusant, et Steve a dit : « Chiche, je vais essayer », et on a échangé les cordes de nos contrebasses. Mais c’était à notre tour, le groupe de Shepp, de monter sur scène et il a fallu que j’aille jouer avec les cordes en boyau de Steve Swallow, ce qui m’a un peu gêné. C’étaient les vieux qui jouaient avec des cordes en boyau, les cordes métalliques sont arrivées en 65. Quand j’ai rencontré [Gary] Peacock, il jouait comme Scott LaFaro avec les deux cordes graves en métal et les deux aiguës en boyau fileté nylon, c’était une phase intermédiaire, Charlie Haden [3] joue encore dans cette configuration-là, mais c’est très difficile à l’archet, quasiment impossible.

Raguse 1995
Raguse 1995

Quel est le dernier groupe auquel tu as participé avant de quitter les States ?

C’est le groupe de Benny Golson, mais c’était surtout la musique de son pote, le tromboniste Tom McIntosh, très bon arrangeur et compositeur, une très belle musique. Benny travaillait alors dans les studios à New York comme compositeur pour le cinéma, il avait monté le New York Jazz Sextet composé de Freddie Hubbard, Tom McIntosh, Hank Jones, Ron Carter et Mickey Rocker. Au moment de faire leur première tournée, personne n’était disponible, ça s’est donc fait avec Jimmy Owens, Tom, Benny, Roland Hanna, Freddie Waits et moi. C’est Tom McIntosh qui m’avait téléphoné, j’étais content de jouer avec eux, ce fut mon dernier gig avant de quitter les States.

Quels étaient tes bassistes préférés à l’époque ?

J’admirais Richard Davis, qui était le seul à jouer à l’archet et en pizzicato d’une manière très accomplie, David Izenzon n’était pas un musicien de jazz, il ne jouait pas en pizzicato dans la tradition. J’avais été impressionné par Scott LaFaro, que j’avais rencontré en 55-56 alors qu’on travaillait plusieurs semaines dans un club dans le Nevada. Je ne savais pas qui il était — étrangement on n’a parlé ni de contrebasse ni de musique, mais de filles, on courait après les filles ! —, son jeu était évidemment très impressionnant, mais je n’ai jamais cherché à le copier. Quand j’ai rencontré Gary [Peacock], il m’a dit qu’il avait partagé un appart’ avec Scott LaFaro, ils avaient travaillé la basse ensemble et Gary m’a expliqué un peu comment ils procédaient à l’époque, c’était vraiment des maniaques de voir toutes les possibilités de renversements d’accords et d’arpèges sur la touche. J’ai entendu Scott LaFaro dans un très beau groupe de Stan Getz avec Walter Norris au piano et Billy Higgins à la batterie. C’était le bras de fer entre Scott et Getz, je crois qu’il avait pris cette section rythmique pour un engagement de quelques semaines au Black Hawk à San Francisco, rien de plus, mais Scott lui menait la dragée haute, pas méchamment, il voulait jouer, mais il jouait tellement comme un fou que Getz ne comprenait plus rien, il n’avait jamais entendu un bassiste qui le poussait comme ça. Le premier bassiste que j’ai vraiment écouté, c’est Pops Foster, ce fut mon tout premier modèle, et après çà il y eut Paul Chambers, mais je n’ai jamais essayé de faire exactement comme eux. J’ai simplement essayé de comprendre et d’être en admiration.

avec Arne Van Don Gen & Maggie Nicols, Anvers 2001
avec Arne Van Don Gen & Maggie Nicols, Anvers 2001

Pour quelles raisons as-tu décidé de t’installer en Europe ?

Pendant l’été 67, j’ai décidé de rester à Londres pour faire différentes recherches, après une tournée en Europe avec [le guitariste] Attila Zoller. J’avais déjà joué à Londres avec Giuffre et [le pianiste] Peter Niro, mais je ne connaissais rien du tout. J’avais croisé David Izenzon qui avait déjà séjourné à Londres et lui avais demandé comment me débrouiller, il m’avait donné le nom et le téléphone d’un journaliste. La tournée se terminant à Munich, j’arrive à l’aéroport de Heathrow avec la basse et la valise et je téléphone à ce gars pour lui dire que j’avais envie de rester un peu à Londres, il m’a donné une adresse et m’a dit de prendre un taxi. J’arrive vers midi et j’étais chez John Stevens [4], il habitait dans la banlieue loin du centre de Londres, il m’a dit que je pouvais rester là le temps que je m’organise mais qu’il devait partir jouer. « Tu peux venir si tu as envie de jouer », on a donc chargé la basse et la batterie pour aller à Soho, au Little Theatre Club, c’était le jeudi soir, c’est là que j’ai rencontré Derek [Bailey], Evan [Parker], Trevor Watts, j’ai tout de suite commencé à jouer en trio avec John et Evan. Je n’étais pas venu pour la musique mais j’étais content de jouer, je pensais rester deux mois à Londres mais je suis resté un an et demi.

avec Michel Doneda, Rive-de-Gier 1992
avec Michel Doneda, Rive-de-Gier 1992

La musique te semblait-elle très différente de celle pratiquée à New York ?

Pas au début, c’était normal car en 67 à New York on commençait à jouer hors tempo, à abandonner le tempo, en le citant de temps en temps peut-être, j’avais commencé à jouer avec [le clarinettiste] Perry Robinson, le langage commençait déjà à quitter Ornette. J’étais donc tout content de rencontrer des gars comme ça à Londres, il n’y avait pas d’argent, on jouait aux entrées, on avait peut-être dix shillings chacun mais ce n’était pas grave, c’était mieux que New York où il n’y avait rien du tout. On a donc commencé à faire des petits gigs en trio avec Evan et John Stevens et je me souviens très bien d’Evan me disant : « Ah c’est bien, ça fait deux ans qu’on attend un contrebassiste », ils avaient Jeff Clyne mais il était un peu dans le jazz conventionnel, Barry [Guy] est arrivé un peu plus tard. J’avais prévu de rester deux mois pour faire de la recherche psychique, mais deux mois n’étaient pas suffisants, ça m’a pris un an et demi finalement. On expérimentait psychiquement avec du LSD, il y avait un centre à Londres où ça se faisait et ça m’intéressait beaucoup, ça consistait à prendre des doses très contrôlées et très pures d’acide dans un environnement fait pour ça avec des scientifiques autour de R. D. Laing et des recherches qu’il avait faites avec l’acide, j’étais fasciné par ces expériences dans la zone du psychique. A la même époque, [le saxophoniste américain] Marion Brown qui était à Paris m’a appelé, on a joué en trio avec Steve McCall. En jouant au Centre américain à Paris en 68, l’assistant d’un film de Marcel Camus qui était un grand amateur de free jazz, Alain Corneau [5] — qui est un cinéaste confirmé aujourd’hui —, a emmené Camus en lui proposant de prendre du free jazz comme musique de son film « Le temps fou » [6]. Camus a marché et m’a même proposé un rôle dans le film, on a fait la bande sonore avec Marion, Steve, Gunter Hampel et Ambrose Jackson. Le disque à Newport avec Shepp m’a décidément ouvert beaucoup de portes en Europe, c’est avec Gunter [Hampel] que j’ai travaillé pour la première fois dans le théâtre, également avec Marion Brown et Steve McCall, pour Antoine Bourseiller. Il s’agissait de faire de la musique de théâtre en live, puis Bourseiller m’a demandé de faire la prochaine production en solo, c’est comme ça que je suis resté en France.

avec John Surman, Gand 1972
avec John Surman, Gand 1972

Comment s’est constitué The Trio, avec John Surman et Stu Martin ?

La scène londonienne était très active en 1967-68. J’ai rencontré John Surman, Mike Westbrook et toute cette bande-là, ils enregistraient beaucoup, John avait gagné des prix, c’était la nouvelle vedette du jazz anglais. Pour des raisons syndicales, je n’avais pas le droit de jouer avec eux dans les clubs, mais je pouvais enregistrer. J’ai aussi rencontré [Chris] McGregor, auprès de qui j’ai remplacé Johnny Dyani qui était mis à l’écart du groupe pendant six mois, je n’ai jamais su pourquoi, il y avait eu une faute grave quelque part, je faisais partie de la petite formation avec Mongezi [Feza], Dudu [Pukwana], Louis [Moholo] et Chris. Il y avait alors beaucoup d’activité à Londres, beaucoup d’évènements, de festivals de deux-trois jours, comme investir le Round House ou un autre lieu, beaucoup de musique, beaucoup de grands groupes d’improvisation, d’expérimentation, un peu comme ce que j’avais connu six-sept ans plus tôt à New York. J’ai joué avec le pianiste Peter Lemer, avec le saxophoniste George Kahn, j’étais agréablement surpris de la quantité des activités musicales, Cornelius Cardew faisait des trucs avec les musiciens de jazz. Quand j’ai rencontré Derek [Bailey] en 67, il travaillait encore comme musicien de fosse dans les théâtres, Tony Oxley était le batteur attitré du Ronnie Scott’s, Stan Tracey était là, un très grand pianiste jazz. Et donc en 69, mon ami Stu Martin est venu à Londres, je l’avais rencontré dans un gig de big band à New York en 64, il était en route pour la Hollande je crois. Il voulait jouer, j’ai appelé John Surman et on a joué toute l’après-midi et la moitié de la nuit dans la suite que Stu occupait dans un hôtel, où sa batterie était installée, on n’a fait qu’improviser, ce qui était nouveau pour Stu et aussi pour John je crois, mais dans le tempo. John était heureux car Stu et moi avions une bonne connivence rythmique pour jouer le groove, il a beaucoup apprécié ça et nous a proposé de jouer en trio au festival de Berlin et divers autres gigs en 69. Notre premier concert a eu lieu le jour de mon anniversaire, le 27 octobre 69, au festival d’Amougies en Belgique, à 4 heures du matin, juste après Captain Beefheart, presque avec Zappa qui avait la guitare à la main. Le premier concert eut lieu à Amougies, puis on est monté à Berlin et on a fait quelques clubs. John et moi on a commencé à écrire un répertoire, on a presque tout le temps joué en trio avec la formule thèmes et variations, la formule jazz qui se faisait beaucoup à l’époque. C’est le moment où j’étais en train de déménager sur Paris sur les conseils des gens que j’avais rencontrés dans le théâtre.

avec Peter Kowald, Berlin 1979
avec Peter Kowald, Berlin 1979

Comment s’est terminée cette aventure du trio ?

Ça s’est mal terminé, il y avait des tas de problèmes personnels entre John et Stu, on a monté une deuxième formule à quatre avec Albert Mangelsdorf, ça a duré un an et demi, c’est tout. C’est une longue histoire que je vais écrire dans mes mémoires, c’est trop long et trop personnel pour en parler comme ça.

avec Thierry Madiot, Raymond Boni & Jean-François Pauvros. Instants Chavirés, Montreuil 2006
avec Thierry Madiot, Raymond Boni & Jean-François Pauvros. Instants Chavirés, Montreuil 2006

L’une de tes rencontres décisives fut celle avec la chorégraphe Carolyn Carlson…

J’avais rencontré Carolyn en 72 grâce à Michel Portal qui avait reçu un coup de fil d’une productrice de danse lui disant qu’une nouvelle compagnie d’une chorégraphe américaine, qui était fantastique, cherchait des musiciens avec qui travailler. Michel m’a appelé car il ne parlait pas anglais, il m’a demandé de venir avec lui, on a fait le bœuf avec cette compagnie, mais rien ne s’est fait. J’avais rencontré Carolyn et on a sympathisé, en peu de temps elle m’a proposé de faire un duo avec elle pour la Fête de l’Huma en 72. C’était un duo construit, avec Carolyn on n’improvisait pas en public, sauf au cours d’animations dans la rue, on utilisait l’improvisation dans la création, comme outil de travail, mais avec elle c’est tellement organique, on sait où on est, on sait où on va, mais comment on y arrive ça n’est pas très grave, c’est un travail de composition et de chorégraphie. Quand elle a été nommée à l’Opéra de Paris, il a fallu qu’elle joue un spectacle très vite, ce qu’il y avait de prêt c’était un trio avec son partenaire de longue date et moi, une pièce qu’elle avait créée pour Sigma sur une musique de Pierre Henry. Mais finalement elle voulait changer la musique, on avait préparé ça en 72-73 et on a travaillé six ans à l’Opéra de Paris de 74 à 80. Ça a donc commencé par un trio. Sur le programme de l’Opéra c’était écrit : ‘Beethoven, Phillips, Stravinsky pour la musique’, je n’en revenais pas ! Pendant ces années avec Carlson, la moitié de mes activités était dans la danse, même si je continuais à sortir des disques, c’était une passion, j’adorais ça, surtout parce que je jouais sur scène avec eux, je bougeais, ça m’a beaucoup apporté. Dans le théâtre, ma relation avec Antoine Bourseiller a continué, en 69 il m’a demandé de venir travailler avec lui en solo, ce que j’ai fait avec grand plaisir, il avait fait une mise en scène d’Angelo de Victor Hugo avec des décors, des costumes, des éclairages complètement contemporains, et moi je jouais dans le fond de scène, il me disait : « Plus tu joues, mieux c’est pour moi ». Je ne parlais pas encore le français et j’ai pris le pari de ne pas apprendre la pièce, de ne pas trouver de traduction et de jouer musicalement avec le français. C’est Bourseiller qui m’a dit que je devais absolument faire des concerts en solo, il m’a organisé une tournée en France en 72-73, où je jouais des compositions dans la première partie et des improvisations dans le seconde. C’était après que John [Surman] avait quitté le trio et que le groupe était bien mort et enterré que j’ai eu cette proposition de travailler avec Bourseiller. Le fait d’être disponible aux aventures m’a amené beaucoup de choses sur le plan des rencontres de fil en aiguille, la comédienne dans le film de Marcel Camus était Juliet Berto, c’est elle qui m’a présenté à Robert Kramer que j’ai rencontré en 1980 et avec qui j’ai travaillé pendant presque vingt ans.

avec Dave Phillips, Le Mans 2010
avec Dave Phillips, Le Mans 2010

à suivre...

Propos recueillis et photographies : © Gérard Rouy

Discographie sélective : https://www.discogs.com/fr/artist/260604-Barre-Phillips

[1À New York en 1964, quatre ans après l’album “Free Jazz” d’Ornette Coleman, le trompettiste Bill Dixon, alors associé à Archie Shepp, essaie de rassembler les free jazz(wo)men en une Jazz Composer’s Guild. Puis il organise une série de concerts-manifestes sous le titre “The October Revolution in Jazz”. À la même époque, des musiciens s’organisent avec des objectifs similaires à Chicago (AACM), Saint Louis (BAG) et même en Californie (sous la direction de Horace Tapscott).

[2Le Jazz Composer’s Orchestra regroupa brièvement les membres de la Jazz Composer’s Guild, coopérative créée à New York en 1964 sous l’impulsion de Bill Dixon, et regroupant Carla et Paul Bley, Burton Greene, Mike Mantler, Roswell Rudd, Archie Shepp, Sun Ra, Cecil Taylor, John Tchicai… dont la musique était nommée dans la presse, The New Thing.

[3Charlie Haden est décédé le 11 juillet 2014 à Los Angeles.

[4À Londres à la fin de 1965, ayant décidé de se consacrer exclusivement à l’improvisation “libre” le batteur John Stevens joue six soirs par semaine dans un théâtre proche du Ronnie Scott’s Club. Dans ce Little Theatre Club vont s’organiser les idées nouvelles d’une génération montante de musiciens actifs sur la scène britannique du jazz et de l’improviation : Derek Bailey, Julie (ex-Driscoll) Tippetts, Chris McGregor, Evan Parker, Howard Riley, John Surman, Kenny Wheeler, les bassistes Barry Guy, Jeff Clyne… Ainsi naîtra une première version du Spontaneous Music Ensemble (SME) avec Paul Rutherford et Trevor Watts…

[5Alain Corneau est décédé en 2010.

[6La musique de l’album “Le temps fou” de Marion Brown pour Polydor constituait la bande sonore du film “Un été sauvage” de Marc Camus avec Nino Ferrer, Juliet Berto, Pierre Perret…