Ce n’est pas tous les jours que Dave Douglas passe par la Saône et Loire ; le pérégrin ne pouvait pas rater ça.
Samedi 1er février 2025
A la suite de cette chronique, vous trouverez l’interview de Dave Douglas réalisée par Loleh Dorison, interview succinte faite par mail car le trompettiste avait un emploi du temps extrêmement serré.
Dave Douglas - trompette
Camila Meza - guitare
Kate Gentile - batterie
Premier concert de l’année un premier février (qui n’est pas un nombre premier) avec le trio de Dave Douglas au Crescent pour fêter la trentième année d’existence du club mâconnais ; les festivités durent un mois, dans nos régions on ne se mouche pas du coude sans raison. Accompagné par la guitariste chilienne Camila Meza et la batteuse Kate Gentile, le trompettiste posa le cadre dès l’entame. Son jazz prit la forme d’un néoclassicisme impertinent et généreux lorgnant vers ses racines mais ne dédaignant pas de discourir librement dans les marges. A ce petit jeu, la guitariste fut particulièrement fine ; la profondeur sonore de son instrument, augmentée de quelques boucles et de légères distorsions lui permit d’introduire des climats contrastés d’une aérienne densité (?!). Quant à Kate Gentile (qui avançait masquée), la précision et la dynamique de son jeu, sa variété aussi, firent qu’elle habita l’espace sans excès et toujours avec une justesse quasi diabolique. Le leader, lui, joua comme Dave Douglas autant qu’il accompagna ses acolytes, car la grande beauté de ce trio résida dans l’équilibre entre les parties comme dans le souci d’organiser un discours partagé et homogène empreint d’une audacieuse créativité. Des compositions originales et des standards, notamment un Take the A train palpitant et un Something to live for chanté avec nuance par la guitariste, constituèrent une playlist attrayante qui séduisit le nombreux public (une habitude au Crescent) du club ; au rappel, le trio acheva le dit public avec un We shall overcome insondable, là encore chanté par Camila Meza, et précédé d’un laïus humaniste fédérateur de Dave Douglas. Je note au passage que ce dernier fut tout au long de la soirée disert et jovial, voire mutin et très connecté au public ; ça fait toujours plaisir. C’était un 1er février (le dernier de l’année), jour qui vit en 1896 la création de La bohême à Turin, mais aussi jour qui vit naître Langston Hughes (1902-1967).
Vous considérez-vous comme un jazzman ou comme un musicien ?
Un musicien.
Pourquoi avez-vous choisi la trompette et pas un autre instrument ?
C’est un mystère pour moi.
Quelles sont vos principales influences ?
La vie et la famille.
Quelle est votre plus grande inspiration ? D’autres formes d’art ?
Ma plus grande source d’inspiration est la planète Terre, puis toutes les formes d’art et de culture.
Votre musique improvisée vous a rapporté plusieurs prix. Qu’est-ce qui vous attire tant dans cette dimension du jazz ?
Très honnêtement, je n’ai pas l’impression d’avoir fait un choix. Je suis là où la musique
me mène.
De quelle collaboration êtes-vous le plus fier ? Y a-t-il un musicien qui a eu plus d’impact sur vous que d’autres ?
La collaboration entre la composition et les musiciens est ce que j’apprécie le plus. Il n’y a pas un musicien en particulier qui m’ait inspiré plus qu’un autre.
Comment décidez-vous avec qui collaborer ?
C’est un mystère pour moi.
Vous êtes connu pour avoir plusieurs projets à la fois. Êtes-vous un bourreau de travail ou un passionné que rien ne peut arrêter ?
Est-ce que ce sont les deux seuls choix qui s’offrent à moi ? Parce que je vois les choses différemment. Je travaille un peu tous les jours. J’ai eu la chance d’avoir pu le faire en continu jusqu’à présent.
Pourquoi avez-vous décidé de fonder votre propre label ? Liberté ou besoin de contrôle ? Les deux ? Ou autre chose ?
En 2004, il était temps pour moi de prendre en main ma propre direction artistique.
Vous n’avez jamais cessé d’enseigner. Qu’aimez-vous le plus dans l’enseignement ou l’éducation en général ?
Ce que j’aime, c’est observer ce que les jeunes musiciens ont à dire.
Vous avez récemment joué avec Louis Sclavis et quelques-uns des plus grands improvisateurs français ? Quel intérêt porter-vous à la scène française ? Est-elle très différente de la scène américaine ?
J’aime Louis depuis longtemps. J’aime la tradition musicale française qui est très différente de la mienne.
Compte tenu de la conjoncture politique aux États-Unis et du fait que de nombreuses démocraties dans le monde connaissent la même tentation, que peuvent faire les artistes ? Comment sont-ils affectés par cette situation ?
Oh, nous devons accepter la valeur concrète des arts et des sciences humaines. Nous observons et reflétons le monde. Notre culture commune et notre humanité ne peuvent nous être retirées. Nous devons partager cet espace privé avec les autres musiciens, poètes, dramaturges, architectes, danseurs. Peut-être plus important encore, nous devons partager avec les auditeurs et le public. C’est ainsi que nous survivrons ensemble.
Enfin, y a-t-il une question que nous ne vous avons pas posée et à laquelle vous aimeriez répondre ?
Oui, quelles sont les conditions les plus propices à la réalisation de votre art ?