Rabih Abou-Khalil, M. Richard Abrams, Fröhn, Guinga, Steve Lacy, J. Le Masson, Joe McPhee, Sainkho Namtchylak, Daniel Pabœuf, Spokfrevo Orchestra, Vassilis Tsabropoulos : écoutes et regards...
Au menu pour ce mois de rentrée... toujours de la diversité et c’est tant mieux !
> Rabih Abou-Khalil : "em português"
> Muhal Richard Abrams : “Vision Towards Essence“
> Fröhn : "Fröhn"
> Guinga : "Dialetto Carioca"
> Steve Lacy Quintet : “Esteem“
> Jobic Le Masson Trio : "Hill"
> Joe McPhee, Lisle Ellis & Paul Plimley : "Sweet Freedom, now what ?"
> Sainkho Namtchylak "feat. William Parker & Hamid Drake " (DVD)
> Daniel Pabœuf Unity : "...Unity"
> Spokfrevo Orchestra : "Passo de Anjo ao vivo"
> Vassilis Tsabropoulos / Anja Lechner / U.T. Gandhi : "Melos"
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> ENJA ENJ-9520 2 - distribution Harmonia Mundi
Rabih Abou-Khalil : oud, compositions / Ricardo Ribeiro : vocals / Luciano Biondini : accordion / Michel Godard : tuba, serpent, bass / Jarrod Cagwin : drums, percussion
Enregistré en septembre 2007.
Rabih Abou-Khalil est un musicien nomade. De disque en disque, il transporte son oud et ses compositions dans un univers qui diffère sensiblement du précédent. Après un hommage aux femmes, publié l’an passé, il met en valeur un jeune chanteur qu’il a découvert à Lisbonne : Riccardo Ribeiro. Nous voilà donc invités à voyager entre le Portugal et le Moyen-Orient en excellente compagnie puisqu’on retrouve les fidèles compagnons de Rabih : Michel Godard (jamais sans son serpent !), et Jarrod Cagwin (batterie et percussions). Bien que ce disque ne se réfère guère à la tradition du fado, le saudade, cette mélancolie propre à la musique portugaise est renforcé par la présence de l’accordéon de Luciano Biondini, l’italien de ce groupe péri-méditerranéen. Un beau disque toujours superbement enregistré par Walter Quintus, le sixième maillon de cette chaîne...
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> Pi Recordings PI 23 - distribution Orkhêstra
Muhal Richard Abrams (piano solo).
Enregistré au Guelph Jazz Festival (Canada) le 11 septembre 1998.
Paru il y a plusieurs mois, près de dix ans après son enregistrement en public, cet impressionnant récital du pianiste Muhal Richard Abrams (le fondateur de l’AACM de Chicago en 1965) est son premier solo publié depuis… 1978 ! À une époque où les pianistes enregistrent à tour de bras, ce disque est bien plus précieux que sa seule rareté. Il s’agit d’une œuvre réellement imposante, pensée, construite et improvisée avec un sens affirmé de l’architecture musicale. Le pianiste utilise tout le clavier, jouant sur les différentes strates, travaillant particulièrement les plus profondes — graves — et faisant superposer les nappes en un flux et reflux incessant. Une pulsion sous-jacente constante, rythme intérieur plutôt que tempo marqué, maintient constamment l’auditeur en attente, tandis que se succèdent notes perlées, parfois cristallines, et grondements en grappes presque débordantes. Une œuvre, dénuée de toute joliesse, qui s’impose par sa force.
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> EPM 986 552 - distibution Socadisc
Jean-Brice Godet : clarinettes / Frantz Loriot : alto / John Cuny : piano, claviers / Gaël Ascal : contrebasse, basse / Eric Dambrin : batterie, voix, mélodica // + invités : Caroline Pallarès, voix et Matthias Malher, trombone. (enregistré en février 2007)
Cet album à la réalisation très soignée permet de découvrir une formation qui sait associer écriture contemporaine et une relative facilité d’écoute. On est frappé tout d’abord par les alliages de timbres. Comme dans le quintet d’Olivier Calmel (autre formation française originale de qualité), le violon alto (Frantz Loriot) occupe ici une place de choix associé aux clarinettes de Jean-Brice Godet. Sur des compositions originales, le quintet joue souvent aux confins de la musique de chambre contemporaine mais la pulsation n’est jamais très loin (voire très présente dans la structure de En moins d’une minute). Avec Les lignes de la main sur un texte de Julio Cortazar dit, chanté, vocalisé par Caroline Pallarès, on oscille entre musiques populaires et clins d’œil à l’École de Vienne sans perdre l’équilibre. Une formation qu’il faudra découvrir sur scène !
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> EGEA SCA 131 - dist. DG diffusion
Guinga : guitare et vocal (sur 1 titre) / Paolo Sergio Santos : clarinette / Jorginho du Trompete : trompette / Lula Galvao : guitare // invité et co-producteur : Gabriele Mirabassi : clarinette
Carlos Althier de Souza Lemos Escobar, alias Guinga (c’est tout de même plus bref !), est un excellent guitariste-compositeur qui a déjà réalisé huit albums sous son nom. Avec la complicité du clarinettiste italien Gabriele Mirabassi, invité sur trois titres et co-producteur, il peut publier aujourd’hui ce bel album qui se présente comme un livret cartonné selon les habitudes du label EGEA.
Fidèle à sa culture brésilienne, il compose des mélodies basées sur les rythmes carioca sans recours aux percussions d’où une atmosphère de musique de chambre veloutée mais jamais mièvre. La sonorité du trompettiste (Jorginho do Trompete) et son phrasé très limpide fascinent dans ces pièces très aérées. Quelque part entre Villa-Lobos, Egberto Gismonti et Jobim avec des clins d’œil au jazz (Mingus samba), cette musique mérite plus qu’une simple écoute : elle contient des perles fines !
L’histoire ne dit pas si ces compositions ont des vertus thérapeutiques ou antalgiques pour calmer les patients de Guinga car... il est, aussi, dentiste !
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> Atavistic ALP260CD - distribution Orkhêstra
Steve Lacy (ss), Steve Potts (ss, as), Irene Aebi (cello, vln), Kent Carter (b), Kenneth Tyler (dm). // Enregistré à la Cour des Miracles, Paris, le 26 février 1975.
Ceux qui assistaient aux concerts de Steve Lacy à l’époque, se souviennent peut-être que celui-ci posait un petit appareil à cassettes au milieu de l’orchestre et enregistrait la prestation. Après la mort du saxophoniste en 2004, sa veuve Irene Aebi a hérité de quelque trois cents cassettes de travail, et c’est l’une d’entre elles qu’on découvre publiée sur un CD avec un son live comme on dit, mais bien amélioré par la restauration et le mastering.
Même si l’œuvre de Steve Lacy est abondamment représentée en disques, un tel document — il devrait être suivi par d’autres — qui permet d’entendre, de l’intérieur, la musique en train de se faire, présente un intérêt que comprendra tout amateur. Relevons en particulier, durant un tel concert, la place importante laissée à Steve Potts, le compagnon parfait, alors en plein bouillonnement créatif.
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> ENJA 9516 2 - distribution Harmonia Mundi
Jobic Le Masson : piano / Peter Giron : contrebasse / John Betsch : batterie
Enregistré en février 2007 à Montreuil (France)
Il ne sont pas très nombreux les musiciens français qui, sous leur nom, ont vu leurs disques publiés par le label ENJA records que dirige Matthias Winckelmann. Jobic Le Masson est de ceux-là. Ce "quadra" est passé par la Berklee School of Music de Boston comme beaucoup de musiciens de sa génération. Seulement, lui, c’était pour devenir ingénieur du son... A l’issue des six années passées aux USA, il se consacre au piano avec comme références Thelonious Monk et Duke Ellington. Ce disque témoigne fort justement de cette influence très prégnante et pas seulement à travers Bemsha Swing de Monk qui conclut cette série de 11 plages.
En marge des trios qui font la une aujourd’hui souvent sur des répertoires "pop" et avec une certaine dose d’esbrouffe, celui que dirige Jobic Le Masson repose sur l’équilibre géométrique du triangle où chaque pôle est fondamental parce que les compositions permettent des respirations, ménagent des espaces (John Betsch, ex-complice de Steve Lacy, est remarquable !). Pas de démonstrations techniques mais un souci de jouer : c’est la musique qui gagne ici ! Un disque raffiné de musique vive.
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> HatOLOGY 602 (réédition) - dist. Harmonia Mundi
Joe McPhee : saxophones ténor et soprano, clarinette alto / Lisle Ellis : contrebasse / Paul Plimley : piano
(Enregistré en 1994 à Zürich)
Un disque sans batteur, sans percussion pour rendre hommage à Max Roach : l’entreprise est audacieuse. Ce qui porte le travail de Joe McPhee ici, c’est un engagement militant qui vient prolonger et réactiver, en termes différents, le message de Maw Roach dans "We Insist ! Freedom Now Suite.", un des disques les plus engagés/enragés de l’histoire du jazz.
En 1994, avec l’appui du producteur Werner X. Uehlinger, Joe Mc Phee, Lisle Ellis et Paul Plimley étaient parvenus à créer une musique simple et dense, libre mais totalement inscrite dans l’histoire du jazz, entre un spiritual (Singing with a Sword in my Hand) et des compositions originales plus sombres (The Peristance of Rosewood), du solo (superbe Prolepsis par le pianiste) au trio occupant tout l’espace. Une œuvre forte...
> Pour information : Jean Buzelin avait chroniqué ce disque pour la revue "Jazzman" lors de sa sortie. Il lui avait attribué un "Choc". Avec le temps, la valeur ne s’est pas altérée, au contraire... !
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Un film de Guy Girard
> La Huit - DVD - Collection Freedom Now - distribution DG Diffusion
Sainkho Namtchylak : vois / William Parker : contrebasse / Hamid Drake : batterie et percussion
(Enregistré-filmé au festival Banlieues Bleues en mars 2004)
Entre les traditions vocales ancestrales héritées de sa Mongolie natale et les éléments contemporains de composition graphique qui sont les supports/repères de ses errances musicales, Sainkho Namtchylak dessine des tableaux musicaux d’une abstraction fascinante. Le plus étonnant vient de son association avec deux piliers de la musique noire libre : William Parker et Hamid Drake. Pas de choc des cultures ici : le frôlement des différences qui s’associent sans se mêler vraiment. Un collage plutôt qu’un mixage avec un sens de l’écoute vraiment unique de la part de l’équipe Parker-Drake.
Le film se déroule lentement, associant images de concert et séquences d’abstraction à partir d’un trajet en transibérien. Beau, sans doute, mais souvent glacial tout de même.
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> ! Editions ! - distribution Harmonia Mundi
Daniel Pabœuf : saxophones / Mistress Bomb H. : laptop, programmations, chant / David Euverte : Fender rhodes, claviers / Régis Boulard : batterie
Ambiance industrielle, atelier d’emboutissage, tôlerie, polissage, peinture et émaillage avec des périodes de séchage sans courants d’air, cool, cool... Avec Mistress Bomb H., la déesse du laptop (comprenez : ordinateur portable !), on fait dans le lourd. Daniel Pabœuf, saxophoniste breton très actif sur les scènes pop-rock-tendance nous emmène assez loin des Anches Doo Too Cool qu’il proposait naguère avec son complice Philippe Herpin. C’est la musique qu’on dit urbaine dans notre XXIème siècle et il y a là un savoir-faire indiscutable... On est en droit de préférer plus "rural" et authentique ! Affaire de goût.
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> Discmedi Blau DM 4505-02 - distribution DG Diffusion (CD et DVD)
Spok : saxophone alto et leader / + orchestre de 16 musiciens /+ des invités, selon les plages...
(Enregistré en public à Santa Izabel - Brésil - en 2007)
Ils sont fous ces brésiliens ! Comment est-il possible de jouer aussi vite, avec autant d’ardeur des arrangements incandescents tout en gardant le costume-cravate impeccable... et avec un casque sur la tête pour éviter les retours qui enlaidiraient le décor de scène quasi hollywoodien. Ce disque (et le DVD le montre plus encore) allie la générosité de la musique du Brésil avec la sophistication des big-bands hyper-professionnels. Derrière le côté kitch et bling-bling de l’apparence (...ils ont joué à l’Elysée, hasard ?), la musique peut se déguster sans états d’âme jusqu’au final où tout ce beau monde se lâche en invitant sur scène des musiciens du cru...
Hot !
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> ECM 2048 - distribution Universal
Vassilis Tsabropoulos : piano / Anja Lechner : violoncelle / U.T. Ghandi : percussion
(Enregistré en juin 2007 à Lugano - Suisse-. Produit par Manfred Eicher)
"Le plus beau son après le silence..." : vous vous souvenez de ce slogan lié au label ECM ? En voilà une nouvelle illustration avec un disque en duo et trio tout à fait remarquable par la qualité de l’interprétation et la pureté du son.
Connu pour sa carrière dans le cadre de ce qu’il convient d’appeler la "musique classique", le pianiste grec Vassilis Tsabropoulos prolonge dans Melos son cheminement vers les univers des musiques d’improvisation (le jazz est ici un filigrane discret) avec en fil rouge trois transcriptions d’œuvres de Georges Ivanovitch Gurdjeff, compositeur énigmatique de la première moitié du XXe siècle.
La finesse de ce trio, la sensibilité et la spiritualité qui se dégagent de ce disque tiennent évidemment à la qualité des interprètes. Avec la violoncelliste Anja Lechner (entendue aussi auprès de François Couturier), concertiste "d’ouverture" et le percussionniste U.T. Gandhi [1], rythmicien-coloriste, le trio (parfois duo) prend des couleurs uniques.
Si les amateurs de swing et de groove risquent d’ignorer ce disque, les curieux ouverts aux voies transversales trouveront là une musique de grande classe...
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[1] Batteur italien comme son nom ne l’indique pas (!) qui a travaillé, entre autres, avec le trompettiste Enrico Rava