Le chanteur Pierre de Trégomain en quartet se produisait avant le trio Prysm qui invitait Manu Codjia à la Maison de Radio-France, il y a quelques semaines...
Pierre de Trégomain Quartet / Prysm + Manu Codjia à Radio France :
Les chanteuses ne manquent pas dans l’image que l’on nous donne du jazz vocal français. Parmi les voix les plus en vogue, citons Mina Agossi, Youn Sun Na, Laïka Fatien, Claudia Solal... Les chanteurs de jazz sont, par contre, un peu plus rares et souvent moins mis en évidence sur les scènes. N’oublions pas cependant l’existence de quelques brillants représentants : Vincent Puech, Thierry Péala (pour lequel des oreilles attentives méritent d’être ouvertes à son dernier disque Move Is) et, à une échelle, plus européenne David Linx, Gabor Winand, et Ernie Odoom (à découvrir sur le disque Ferris Wheel du trio du tromboniste Glenn Ferris).
Il faudra désormais ajouter à cette liste Pierre de Trégomain, qui se produisait le 19 novembre dernier en première partie de concert à la Maison de la Radio. Son quartet était constitué du pianiste Arnaud Gransac qui excelle dans ses chorus et arrangements, du contrebassiste Bruno Schorp aux lignes de basses profondes et admirables et du batteur Benoist Raffin à la finesse de jeu exemplaire.
Dans ce quartet très soudé formé en 2005, Le chanteur élabore un univers musical singulier qui lui a permis de remporter en août 2008 le Premier Prix du concours Crest Jazz Vocal. Son premier disque My Cold Song, publié en 2010, est un hommage au chanteur Klaus Nomi.
Pierre de Trégomain se distingue par la clarté de sa voix fluide et soignée au timbre très personnel, une technique irréprochable et un phrasé be bop bien articulé aux scats joliment maîtrisés. Ses compositions chargées d’émotion mêlent avec intelligence mélodie swingante, improvisations sophistiquées et textes poétiques. Après avoir suivi les enseignements de Thierry Péala, Mark Murphy et Michelle Hendricks, P. de Trégomain choisit le chemin de l’exigence artistique et sort des clichés à standards trop entendus chez certaines voix féminines.
Voilà un nouveau venu au talent bien prometteur dans la petite sphère du jazz vocal masculin qui, on l’espère, fera beaucoup parler de lui dans les prochaines années. Pour les curieux qui souhaitent découvrir l’univers subtil de ce chanteur à ce jour encore trop discret sur les scènes françaises, le disque a reçu un accueil enthousiaste à sa sortie et ne devrait pas faire de déçus.
En deuxième partie, Xavier Prévost accueillait le groupe Prysm augmenté du guitariste Manu Codgia. Créé en 1994, Prysm fut l’un des trios à la formule classique piano contrebasse batterie les plus en vogue sur la scène française dans les années 90. Une tournée américaine leur a permis d’enregistrer un disque live chez Blue Note parmi les cinq qui constituent leur discographie actuelle.
Après avoir donné beaucoup de concerts, ce trio collectif décida de faire une pause en 2001 et les trois musiciens (Pierre de Bethmann (piano), Benjamin Hénocq (batterie) et Christophe Wallemme (contrebasse) se sont consacrés à des projets plus personnels. Loin de là l’idée que leur musique pourrait être révolue ! La renaissance du trio a donné lieu à un enregistrement live publié en 2011 dans lequel les trois compères décident de reprendre d’anciennes compositions (sur ce point, pas de nouveauté) pour les transformer, leur donner d’autres couleurs et peut-être un autre sens (là est toute l’originalité de leur réapparition sur scène) avec l’aide de deux invités. La nouveauté est souvent perceptible à la fin des thèmes avec les accords soignés du Fender Rhodes, les quelques effets électriques de fond apportés par le contrebassiste et surtout les improvisations décollantes de l’excellent Manu Codjia.
Dès les premiers thèmes, on reconnait l’univers très singulier dans lequel nous avait laissé le trio à la fin des années 90, avec notamment "Temps dense", "Secret World" et "Reflection". La richesse rythmique de l’accompagnement du batteur ne manque pas, les idées dans les improvisations de De Bethmann non plus. Il est difficile de ne pas rester concentré sur l’élégance de son phrasé atypique et rapide. Quant au contrebassiste, on admire les couleurs chaleureuses de son jeu et la facilité avec laquelle il accompagne ce trio d’exception dont les prestations sur scène valent la peine d’être vues.
Eh oui ! Il faut les voir pour constater que la nouvelle rencontre de ces trois jazzmen de renom était évidente.
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Discographie sélective :
Pierre De Trégomain :
Prysm :
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