Où les festivités continuent avec du chant, encore du chant et s’achèvent avec une bonne dose de vitamines à l’orée du printemps.
Où les festivités continuent avec du chant, encore du chant.
> Mardi 19 mars 2013
Quand Gregory Porter a poussé la porte du jazz vocal masculin, un vent frais a soufflé sur cet espace plutôt confidentiel. Il faut dire que ce dernier est assez mal en point depuis quelques lustres déjà. Hormis l’immense Mark Murphy dont la légitimité ne peut être remise en cause, les quelques représentants du genre ne fédèrent pas l’enthousiasme des masses, c’est le moins que l’on puisse dire. Et voilà donc Colossus Porter qui débarque, secoue les tapis, ouvre grand les fenêtres, lave les rideaux et fait entrer la lumière.
Il a dans sa besace un jazz mâtiné de soul, des compositions originales marquées du sceau d’une forte personnalité, des reprises de standards aventureuses et une exceptionnelle vitalité qui le place immédiatement dans le hall d’entrée de la cour des grands, tout simplement.
Ce type a quelque chose en plus, à n’en pas douter, et je ne vous parle pas là de son éternel bonnet qui déchaîne en coulisses bien des interrogations et autant d’interprétations.
Non, ce mec possède ce truc à part qui fait que Joe Williams est Joe Williams ou que Johnny Hartman est Johnny Hartman. C’est dans la voix, dans la présence, dans le regard : une sorte de lumière chaleureuse. Dans le registre de la ballade comme dans l’exercice de haut vol, Gregory Porter emporte l’adhésion de presque tous. Un feeling et un sens du placement certains, un scat ravageur aux jaillissements féroces, un goût savant pour la délicatesse, lui permettent en toute occasion d’occuper la scène en captivant l’auditoire.
Le truc en plus, c’est un naturel désarmant qui place en exergue de son art vocal la sincérité. Bon d’accord, il gagnerait à changer de musiciens. Nul doute que cela va arriver d’ailleurs.
Que voulez-vous que je vous raconte au sujet de Dianne Reeves ? J’ai déjà tout dit et les autres aussi, je crois. Puissance et souplesse, justesse et émotion. La profondeur de sa voix, par moment abyssale, soutenue par un travail nuancé sur la couleur, la clarté de son élocution, l’éclectisme de son répertoire, sa capacité d’assimilation des genres, son talent d’improvisatrice, son professionnalisme, font d’elle, aujourd’hui plus que jamais, la vocaliste exceptionnelle de son époque.
En pleine maturité, je vous le dis, elle plane haut, très haut, dans l’espace réservé aux chanteuses que le temps n’oublie pas.
Son humilité et sa gentillesse ne sont pas feintes, sa simplicité et sa sincérité sont évidentes.
Nous nous inclinons respectueusement.
Merci.
Fin de nos pérégrinations vaudaises avec une bonne dose de vitamines à l’orée du printemps.
> Jeudi 21 mars 2013
Si vous avez jeté un œil sur la chronique du dernier Bearzatti dans nos colonnes (lire ici), vous avez noté qu’à la rédaction il y avait, sur la monkitude, un beau débat. Sur scène, il n’y a que des hauts avec Francesco. Normal avec les deux électrons soufflants que sont Bearzatti et Giovanni Falzone. Appuyés sur la rythmique complice de Zeno De Rossi et Danilo Gallo, au cœur d’un projet que certains pensent loufoque quand d’autres se pâment, Francesco Bearzatti ajoute à sa virtuosité et à sa culture musicale son talent d’arrangeur et son désir d’originalité. C’est osé, pensent bien des gens, de confronter Monk à Michael Jackson, Pink Floyd, Lou Reed et consorts.
Oui, mais le saxophoniste italien connaît sur le bouts des clefs ses fondamentaux, qu’ils soient jazz ou rock. Et comme il maîtrise l’art de la mesure autant que de la démesure, le goût du débordement contrôlé et le désir de partager, il peut à l’envi pulvériser les poncifs musicaux, désespérer les puristes et vivre en toute liberté sa passion pour la musique en captivant le public.
Après un concert parisien avec un trompettiste remplaçant, le frioulan a rappelé dare-dare son compère Giovanni Falzone, malade, pour assurer le show vaudais.
Bien lui en a pris car ces deux-là sont depuis des années ultra-compatibles et, dans ce type d’odyssée déjantée, mieux vaut un Ulysse bourré de médicaments qu’un capitaine de bateau de croisière, même italien.
Le concert commence gentiment, manière de chauffer les articulations, mais cela ne dure pas et la fièvre monte, n’en finit plus de grimper et de faire grimper aux rideaux le public, jusqu’au dénouement reedien qui, dans une boutade, fera dire au leader que le rock est mort puisqu’il n’y a que trois briquets dans la salle et moins de « clopinettes » encore.
Le public est debout. C’est un fait. Normal, c’est la fête. Walk on the wild side, ce pourrait être le sous titre expressif de ce projet qui démontre, mais le faut-il vraiment, que Francesco Bearzatti n’est pas un amuseur, mais bien un musicien original de haut niveau qui sait construire des univers musicaux fédérateurs en évitant les écueils du racolage car sa musique n’est que sincérité.
En première partie de soirée, Vincent Peirani et Émile Parisien ont présenté leur duo.
En dire du bien est aisé. Le saxophoniste et l’accordéoniste proposent une musique âpre, même dans la douceur, lumineuse et sans artefacts, en s’appuyant sur une variété de styles ébouriffante où leur virtuosité s’exprime sans emphase.
Ces deux-là sont faits pour s’entendre et nous pour les écouter.
Sûr qu’un duo comme celui-ci, s’il continue à éviter la complexité inutile va perpétrer la créativité d’un courant du jazz français qui compte en son sein un bonne part du gotha européen.
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