L’esprit, celui d’un jazz inclassable et indémodable...

Attention disque majeur de cette fin d’année 2013 !

Ellery Eskelin, on connaît. Conception musicale faite de liberté, venue du blues et du be-bop mais aussi de la church music (mère organiste) avant de poursuivre vers une avant-garde et un jeu plus en dehors.
Rien de bien original finalement, un parcours classique pour un saxophoniste de jazz américain.

Ellery ESKELIN : "Trio New York II"
Prime Source CD7010 / earthlink.net

S’attaquer à des standards c’est s’attaquer à un espèce d’Everest, alors il faut être un grand, un très grand pour tenir la corde et ne pas tomber dans le pâteux voire le piteux comme on en entend si souvent. On trouve dans ce disque un musicien porté par un son, une flexibilité, une fausse nonchalance qui le rattache à cette tradition du jazz américain mais qui ne serait rien sans l’esprit qui l’accompagne. On imagine aussi le soin avec lequel il a dû choisir les chansons dans l’immensité du song book américain, 6 plages dont un Monk (We See). Bien sûr Ellery s’est entouré d’une équipe majeure et l’originalité de ce disque tient en partie aussi à Gary Versace, à son subtile jeu d’orgue Hammond auquel il applique des leçons venues des musiques les plus libres, d’harmonies inhabituelles plutôt que celles d’un Jimmy Smith. Dans ce contexte il serait futile de croire à un exercice gratuit in jazz mais plutôt au partage de cet état d’esprit qui définit cette musique, ce d’autant plus que Gerald Cleaver en maître tambour allie à merveille swing libre et free music.
Le miracle de ces mélodies mille fois jouées et dont on pourrait croire qu’elles ont donné tout ce qu’elles peuvent donner, est qu’Ellery en tire encore une substance qui nous émerveille, et qu’on peut et pourra les réécouter sans ennui gardant toute leur fraîcheur.
Standards oui mais encore... N’ayant peur de rien, Ellery et ses comparses déconstruisent et reconstruisent un We See, se lancent dans une relecture aventureuse de Just One of Those Things et à la manière des grands de la ballade, nous livrent un My Ideal somptueux d’inventions et d’intégrité, développant des lignes idéales. Ainsi dans cette démarche qui en soi ne se rattache à aucune école précise, on peut y voir l’ombre tutélaire d’un Lee Konitz, cette pratique insatiable des standards, à savoir les remettre une nouvelle fois sur la table, histoire de les tordre encore et encore.

À la lettre s’ajoute donc l’esprit, celui d’un jazz inclassable et indémodable qui se moque des modes.

Certes Ellery vient régulièrement en Europe mais on aimerait le voir encore plus souvent. Mais que font donc les programmateurs de clubs et festivals qui nous resservent chaque année les mêmes plats rebouillis, à bon entendeur salut !


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Ellery ESKELIN : "Trio New York II" - Prime Source CD7010

> à commander sur le site d’Ellery Eskelin / Label Prime Source.

Ellery Eskelin : saxophone ténor / Gary Versace : orgue Hammond B3 / Gerald Cleaver : batterie

01. The Midnight Sun (Hampton-Burke) / 02. Just One of Those Things (C. Porter) / 03. We See (T. Monk) / 04. My Ideal (R.A. Whiting-N. Chase) / 05. After You’ve Gone (T. Layton) / 06. Flamingo (T. Gouya-E. Anderson) // Enregistré aux Studios System Two Brooklyn -New York- le 31 janvier 2013

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