L’édition 2014 de ce festival à Vaulx-en-Velin (69) se démarque encore par la qualité et l’ouverture de sa programmation...
Encore une édition pour ce festival qui se démarque par la qualité et l’ouverture de sa programmation. On peut mêler les genres sans faire baisser le niveau ni inviter toujours les même artistes !
> Mardi 25 mars 2014
Léo Tardin, Dominik Burkhalter, les suisses, et Black Cracker, l’américain, sont réunis dans un trio.
Si Léo joue du piano et si Dominik frappe sur des fûts, donc Black "chante". Je mets des guillemets parce que, voyez-vous, avec les rappers, j’ai toujours un doute. Mais « le doute est à l’origine de toute grandeur ». Là, il y a des guillemets car René Char est l’auteur de ces mots. Le pianiste, d’abord en solo, rejoint par le batteur, installe une ambiance. J’avoue manquer d’adjectifs sur ce coup. Pas désagréable pour tout dire, pas remarquable non plus. Disons que cela n’empêche pas de discuter avec son voisin. Puis vient le dénommé Ellison Renee Glenn aka Cracker. Doudoune sans manche, bermuda, chaussettes hautes et Dock Martens rutilantes. Il vit entre Berlin et Lausanne et, nous dit sa biographie, est éloigné des conventions du genre. Il se fond dans le paysage musical des compères. Comment dire ? Je manque un peu de vocabulaire sur ce coup. C’est une ambiance dans laquelle nous avons quelque mal à entrer. Pas désagréable, pas remarquable non plus. Disons que cela n’empêche pas de discuter avec les collègues. Mais c’est pas mal, hein. Rendons-leur justice.
C’est juste un peu juste pour nous qui manquons cruellement d’adjectifs sur ce coup. Au moins, nous les avons découverts et écoutés. Un festival, c’est à cela que ça sert. Et A Vaulx Jazz, sur ce coup et sur bien d’autres encore, est un festival utile. Tiens, j’ai un adjectif.
Robert Glasper, je ne vous le présente pas car on ne le présente plus. Lui, il aime bien les anoraks et les bonnets. Plus sérieusement, nous savons ce dont il est capable dans le genre qu’il a pour ainsi dire créé. Cette musique urbaine à laquelle il a insufflé une réelle originalité, elle est ce qu’elle est. C’est un groove puissant ennobli par les claviers créatifs du natif de Houston. Le groupe est soudé et, là encore, un rapper est invité : Yasmin Bey aka Mos Def. Bon, nous ne savions pas qui il était. Mais A Vaulx Jazz est un festival utile ; nous sommes donc un peu moins con aujourd’hui.
Une chose est sûre, après sondage dans les premiers rangs, c’est sur son nom que le salle s’est remplie. Et comme elle est bien pleine, on se dit que le rapper a son utilité. Comme Glasper et lui se connaissent depuis longtemps, çela fonctionne tout à fait correctement. Mais nous avons un problème avec Robert. Le problème avec Robert nous gâche chacun de ses concerts. Il a une coiffure repérable entre toutes. Le problème, il joue du saxophone et chante. De fait, soyons franc, ce n’est pas le musicien qui nous gêne. Que nenni. C’est le traitement qu’il fait subir à sa voix. Benjamin Casey aka Duffy Duck, c’est trop pour nous. Mais peut-être qu’on peut peu. Ça se peut. Une chose est sûre au moins, Duffy Duck, on n’a jamais pu le saquer. C’est épidermique. Depuis toujours. Comme Depardieu ou Christine Angot, George Bush et le Shah d’Iran. Ça nous colle des boutons, ça nous gâche le plaisir.
Robert GLASPER : clavier, Fender Rhodes / Derrick HODGES : basse électrique / Mark COLENBURG : batterie / Casey BENJAMIN : voix, saxophone / Yasiin BEY aka Mos Def : voix
> Jeudi 27 mars 2014
Allez, soyons franc. Il y a deux ans, en ces mêmes lieux, nous nous étions fermement emmerdés avec l’ami Bill et son projet dont j’ai bien évidemment oublié le nom. Enfin quoi, des images de l’Amérique profonde étaient projetées et la musque ne nous avait pas saisis. Allez savoir pourquoi.
Toujours est-il que nous étions par avance dubitatif, ce en quoi nous avions tort. Ce trio qui tourne lui aussi autour des traditionnels de la contrée se démarque par la liberté qui l’habite.
Chacun des musiciens prend sa part de plaisir à décortiquer et reconstruire ces mélodies connues sur lesquelles on n’est pas foutu de mettre un nom. C’est irritant, j’avoue. Mais la musique de Bill, elle, est reconnaissable entre toute. Un son, une manière très personnelle d’aborder la mélodie, la capacité de créer des paysages sonores originaux, ont assis sa notoriété, ce qui est parfaitement mérité.
À Vaulx, si l’alliance violon / batterie / guitare pouvait a priori paraître incongrue, force nous a été de constater qu’elle fonctionne magnifiquement.
Un batteur dynamique, sans lourdeur, Rudy Royston, un violoniste sans limite apparente, Eivind Kang, ont donné à un guitariste souvent souriant (fait assez rare pour être remarqué) une réplique pétrie de finesse et de complicité.
Créatif en diable, le trio a offert une prestation en tous points remarquable, ciselée, surprenante et empathique.
Underground New-yorkais quand tu nous tiens. MM&W, pour les intimes, nous ont habitué au groove. Avec leur invité, Nels Cline, ils se sont livrés corps et âme à un univers plus expérimental, propice à l’éclosion d’ambiances d’une densité bitumineuse pour ne pas dire épaisse.
Loin de leurs prédécesseurs sur cette même scène, ils ont délivré le premier set dont nous parlons, avant dans un deuxième temps d’aborder la musique de John Zorn, ce dont nous laisserons l’illustrissime Marceau Brayard vous parler car nous, après ce premier set, nous sommes partis prendre un cachet d’aspirine. Mais nous n’avons rien contre John Zorn, n’est-ce pas ? Encore que le treillis nous file des frissons de mauvais augure. Assez digressé.
Nous disions que oui, définitivement, la musique de MM&W augmenté de Nels Cline, nous avait lassé. Et ce n’est pas le guitariste bruitiste qui a pu nous consoler car rien ne nous énerve plus que le bidouillage à outrance sur un manche garni de cordes censées développer (de temps à autre) des mélodies ou, du moins, des phrases musicales. Comme disait je-ne-sais-plus-qui, la surenchère cache la misère.
Alors après la finesse des idées friselliennes, Martin Medeski & Wood + Cline nous ont semblé bien pauvres.
La prochaine fois peut-être.
John MEDESKI : claviers / Billy MARTIN : batterie, percussions / Chris WOOD : basse, contrebasse / Nels CLINE : guitare
> Samedi 29 mars 2014
L’intention est là. Créer autour de l’œuvre de Fernando Pessoa une spectacle où musique et danse se côtoient harmonieusement. De fait, un vrai travail a été réalisé. La complicité des musiciens et de la danseuse est évidente, le plaisir qu’ils prennent à être ensemble aussi. Ce concert chorégraphique en six tableaux porte l’imaginaire vers des contrées intrinsèquement intimes où l’obscurité prédomine, obscurité dans laquelle le poète portugais aimait se perdre d’un hétéronyme à l’autre. Peut-être est-ce la raison pour laquelle nous n’avons que partiellement adhéré au spectacle.
Trop peu d’extraits de texte à notre goût et cette difficulté sensible à faire coller l’essence du poète au flux musical comme à la geste contemporaine de Karine Gonzalez ont perturbé notre sensibilité auditive et visuelle. Ceci étant dit, aucun ennui ne s’est glissé entre eux et nous. De très beaux moments d’osmose ont passé leur chemin et croise le nôtre. On aimerait revoir ce spectacle pour mesurer la portée de nos dires.
Julien LALLIER : piano, accordéon, compositions / Karine GONZALEZ : danse, chorégraphie / Joan ECHE-PUIG : contrebasse / Joce MIENNIEL : flûtes / Antony GATTA : percussions
Entrez dans l’autre dimension. David Dorantes est un virtuose de tempérament, Renaud Garcia-Fons aussi. Leur percussionniste, Javi Ruibal ne démérite pas, loin s’en faut, et possède en outre la qualité que nous préférons chez les agitateurs de baguettes et autres balais : la légèreté. Ajoutez sur le devant de la scène, Ursula Lopez, danseuse volcanique, et vous obtenez un spectacle ébouriffant d’inventivité, de virtuosité maîtrisée et de grâce chorégraphique âpre comme le soleil andalou au plus fort de l’été.
Une bonne baffe pour finir la soirée et le festival donc. Néanmoins (vous espériez vraiment vous en tirer comme ça ? ), nous avons un peu regretté que Dorantes et Garcia-fons se soient partagé la scène et le boulot, nuisant ainsi légèrement à la cohérence due l’ensemble. Des questions d’ego ? Allez savoir. Ceci dit, ils évoluent à un tel niveau d’excellence qu’on ne peut pas, décemment, leur en vouloir.
Et Ursula Lopez, croyez-moi, se donne à son art comme nulle autre et imprime en chaque spectateur une marque indélébile tant sa présence irradie. Elle est l’expression du flamenco dans toute sa féroce empathie avec le reste du monde, dans son désir igné de consumer la vie sans concession.
Rouge sang.
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