Au menu : Noël BALEN, "Django Reinhardt, le génie vagabond" (livre) / Daniel ERDMANN - Samuel ROHRER - Franck MÖBUS - Vincent COURTOIS / Arturo O’FARRILL & The Afro Latin Jazz Orchestra / PRINT & Friends.
Un livre et trois disques pour conclure ce mois de septembre 2015...
Il ne se passe pas une année sans un lot d’hommages à Django Reinhardt, sur disque(s) ou en concert(s). Le plus souvent, c’est pour nous reservir une énième déclinaison du "jazz manouche revival". Avec ce livre, Noël Balen, contrebassiste tombé dans l’écriture, nous apporte un éclairage pertinent et précis sur ce que fut la carrière de ce "génie vagabond" disparu bien trop tôt à 43 ans. Cet ouvrage que certains on peut-être déjà lu dans sa version précédente (parue en 2003) est une biographie qui prend de la hauteur. Certes, la chronologie est respectée mais avec souplesse. On ne peut que s’attacher à ce personnage fantasque, souvent insouciant mais Noël Balen se garde bien de romancer ou de dramatiser même lorsqu’il évoque le terrible incendie de la roulotte en 1929, accident qui fit perdre au guitariste l’usage de deux doigts de la main gauche... et rendit ensuite son style inimitable. Ce qu’on constate en particulier, c’est que Django a toujours cherché à aller de l’avant sans se figer dans un moule (inimaginable pour un gitan !) comme le prouvent ses expériences avec la guitare électrique, à la recherche d’un nouveau son. On ne peut donc que conseiller la lecture de ce très bon livre à tous les amateurs (et musiciens) pour tordre le coup aux conceptions souvent trop passéistes de l’art de Django.
La riche discographie qui complète cet ouvrage permettra, en outre, de se (re)plonger dans la musique de ce génie à l’âme vagabonde.
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Si les quartets étaient carrés, ça se saurait. La certitude, c’est que les meilleurs sont faits avec des musiciens carrés qui affectionnent de contrecarrer l’évidence, qui acceptent l’unicité plurielle ; à quoi bon jouer si ce n’est pour engendrer autre chose qu’un territoire clos ? Ce quartet ne se délimite donc pas, tout comme sa musique. C’est un bouillon de culture. Et quand ça bout, ça déborde. D’où l’inutilité de poser des frontières, des bordures, des miradors. Quoi que l’on fasse, si la musique doit passer, elle passera. Et les idées avec. C’est bon d’avoir des idées. Ca fait rêver. Et c’est possiblement ainsi que Thomas More a édicté le néologisme suivant : utopie. Daniel Erdmann, Samuel Rohrer, Frank Möbus et Vincent Courtois le savent d’instinct et n’hésitent aucunement. Ils assoient leur musique sur un terreau propice, grouillant d’idées, d’idéaux. Ils cultivent en finesse des fruits mélodiques gorgés de mystère, un mystère tel une prescience humainement palpable, audible et réconfortante. C’est bien là le sens profond de l’utopie d’ailleurs : donner du réconfort. Sans idées, pas d’espoir. Sans espoir, aucun réconfort. Ce quartet est humainement terrestre. Sa musique nous offre en partage le possible qui, par définition, est illimité. A cet aune, décidément, la quadrature du quartet carré a carrément du plomb dans l’aile. Mais on ne touche pas aux ailes car c’est du désir et de l’échange que naissent les idées qui donnent corps aux « ten songs about real utopia ».
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En juin 2014, nous avions écouté avec le plus grand intérêt et un plaisir non-dissimulé "The Offense of the Drum", le précédent disque d’Arturo O’Farrill et son Afro Latin Jazz Orchestra, un de nos cinq albums préférés de cette même année (voir les Étoiles de 2014 !). Ne tournons pas autour du tambour, ce nouvel album est tout aussi réjouissant et passionnant. Suivant le cours de l’histoire, Arturo O’Farrill a saisi l’occasion du rapprochement des USA avec Cuba pour aller enregistrer ce disque à La Havane en associant à sa formation une cohorte de musiciens locaux. L’histoire du Latin-Jazz est bien évidemment liée aux initiatives des précurseurs que furent Dizzy Gillespie ou Charlie Parker. Au fil des plages, les références à ces géants ne manquent pas, en particulier dans l’Afro Latin Jazz Suite qui rend aussi hommage à Chico O’Farrill, le père d’Arturo qui joua jadis avec le Bird. Au saxophone alto, Rudresh Mahanthappa apporte sa vision de soliste contemporain pour embraser cette suite.
L’intelligence de l’écriture d’Arturo O’Farrill tient dans une parfaite connaissance du jazz et des musiques cubaines qui lui permet de réaliser une remarquable association de swing, d’audaces orchestrales et de musique populaire cubaine sans céder à la facilité. Il est évident que l’orchestre suit parfaitement son leader dans son projet et apporte à cette musique tout son éclat. Tout est cohérent, même l’intégration des scratches de DJ Logic dans Vaca Frita ou les quelques parties chantées qui ne manquent pas de profondeur.
Décidément, cette formation s’impose comme une des plus enthousiasmantes du moment : un vrai bonheur !
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Rien n’est plus naturel que les grands espaces. C’est leur primitive homogénéité qui le démontre. A vivre, ils sont ce qu’est la surprise renouvelée définissant leurs attraits. Les parcourant, l’on entrevoit toujours, à un moment ou à un autre, la complexité qui a conditionné leur naissance, la multiformité qui les éclaire et l’authenticité ainsi dégagée. L’atmosphère du leurs territoires est liée à leurs trajectoires, aux surfaces qu’elles dévoilent, aux ombres qu’elles laissent tapies. L’ennui, dans ces contrées est une notion ignorée. Les grands espaces sont un tout. Le tout est un ensemble aux rythmes mêlés. A bien le regarder, l’on conçoit que sa trame est une ossature flexible sur laquelle le distinct définit ses perspectives. Le trouble naît par l’abîme architectural qui se déploie quand des intervalles émergent les contours autres de la musique des formes. Les grands espaces qui m’accaparent en ce moment se nomment « Transformations ». Leurs concepteurs ? Print & friends. C’est un recueil d’images ouvertes, une imagerie efflorescente, un panthéisme chromatique à grand spectacle pour rêveurs impénitents. C’est l’exact opposé de la pensée unique. C’est un outrage à la fadeur ; parce que la vie est une équation à X inconnues.
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Noël BALEN : "Django Reinhardt, le génie vagabond" (livre)
> Editions du Rocher - réédition 2015 (première édition en 2003). 290 pages ; 19,90 €
Daniel ERDMANN - Samuel ROHRER - Franck MÖBUS - Vincent COURTOIS : "Ten songs about real utopia"
> Arjunamusic AMAC-CD707 / Kompakt-La Baleine (parution le 02/10/2015)
Daniel Erdmann : saxophone ténor / Samuel Rohrer : percussion / Frank Möbus : guitare / Vincent Courtois : violoncelle
01. Song For Christophe S. / 02. Both sides / 03. Song against patriotism / 04. The fountain / 05. Even more romantic schoolgirl song / 06. No nr two / 07. There will be blood / 08. Porteur de vie / 09. Trouble intérieur / 10. Zone of lost children // Enregistré par Gérard de Haro aux studio La Buissonne (Pernes-les-Fontaines – 84) en juin et septembre 2014.
Arturo O’FARRILL & The Afro Latin Jazz Orchestra : "Cuba : The Conversation Continues"
> Motema 234084 / Harmonia Mundi
Arturo O’Farrill : piano, direction musicale / Ivan Renta, Peter Branin, David DeJesus, Alejandro Aviles, Jason Marshall : anches, flûtes / Senecka Black, Jim Seely, , John Bailey, Jonathan Powell : trompettes / Tokunori Kajiwara, Rafi Malkiel, Franck Cohen, Ray David Alejandre, Earl McIntyre : trombones / Greg August : contrebasse / Vince Cherico : batterie / Tony Rosa, Carlos Maldonado, Adel Gonzalez Gomez : congas, percussions /+/ Nombreux invités parmi lesquels : Rudresh Mahanthappa : saxophone alto / DJ Logic : platines / Renée Manning : voix / Michele Rosewoman : piano / etc.
CD 1 : 01. The Triumphant Journey / 02. The Afro Latin Jazz Suite, Movement I : Mother Africa / 03. The Afro Latin Jazz Suite, Movement II : All of the Americas / 04. The Afro Latin Jazz Suite, Movement III : Adagio / 05. The Afro Latin Jazz Suite, Movement IV : What Now ? / 06. Guajira Simple / 07. Alabanza / 08. Blues Guaguancó
CD 2 : 01. Vaca Frita / 02. Just One Moment / 03. El Bombón / 04. Second Lina Soca (Brudda Singh) / 05. There’s a Statue of Jose Martí in Central Park // Enregistré à La Havane (Cuba) en décembre 2014.
PRINT & Friends : "Transformations"
> Connexe Records CR004 / Muséa
Sylvain Cathala : saxophone ténor, compositions / Stéphane Payen : saxophone alto / Alain Vankenhove : trompette / Sébastien Llado : trombone, tuba / Gilles Coronado : guitare / Benjamin Moussay : fender rhodes / Jean-Philippe Morel : contrebasse / Franck Vaillant : batterie
01. Enée’s Story / 02. Phases of Gravity / 03. Round The Shrine / 04. Eternal Whispers / 05. The Frozen God // Enregsitré à Montreuil (France) les 21 et 22 mai 2014.