Avec les disques de : Camille BERTAULT, Lars DANIELSSON – Marius NESET – Morten LUND, Jean-Marc FOLTZ – Stephan OLIVA, PING MACHINE, Laurent ROCHELLE OKIDOKI Quartet.
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La carrière débutante de la jeune Camille Bertault ressemble à un rêve éveillé ! Cette jeune femme ne rêve pas sa vie mais vit ses rêves et les fées se sont certainement penchées sur son berceau à sa naissance. Après 20 ans de piano classique au sein d’une famille qui la nourrit musicalement, Camille bascule dans le théâtre et le chant déjà étudiés. Et le projet de ce disque naît il y a deux ou trois ans avec le pianiste Olivier Hutman qui lui présente Gildas Boclé à la contrebasse et Antoine Paganotti à la batterie. En parallèle, Camille, à ses heures perdues dans les trajets en métro, improvise sur des solos de saxophone. Le succès arrive brutalement après le visionnage d’une vidéo où elle scatte sur Giant Steps de Coltrane et récolte en quatre jours plus de 700 000 vues grâce au partage sur les réseaux sociaux ! Le manager de Brad Meldhau en parle au directeur de Sunnyside à NewYork qui lui propose alors de prendre en main son disque enregistré au Studio du Petit Pont près de Paris.
Camille ou les quatre éléments réunis ! L’air pour le grand souffle d’air frais sur le jazz vocal français avec une voix nette et attachante, l’eau pour le torrent débordant de vie qu’elle incarne, le feu pour le tempérament qu’elle laisse entrevoir et la terre pour ses compositions solides enracinées dans les traditions dont elle s’abreuve. Un disque particulièrement séduisant pour sa fraîcheur et les textes malicieux tous dits en français sur des compositions personnelles avec des titres souvent pleins d’humour comme Tatie Cardy, ou sur des morceaux plus ou moins connus comme « Empty Pockets » de Herbie Hancock qui devient Quoi de Plus anodin, ou « The Peacocks » de Jimmy Rowles qui devient Cette Nuit, Camille confiant son affection pour ce morceau interprété par Stan Getz et Bill Evans. Des jeux de mots également comme A La Mer Tume que Nougaro n’aurait pas renié ! Double Face, En Vie ou Course sont eux efficacement scattés, tandis que personnellement, c’est Enfant adapté du « Infant Eyes » de Wayne Shorter que je trouve sublime, avec une voix qu’elle étire à l’infini, le point d’orgue de ce disque admirablement servi par le trio qui l’accompagne auquel elle laisse souvent une jolie place. On pense souvent bien sûr aux Double Six de Mimi Perrin. Un disque en tout cas à mettre sur le trajet du travail matin et soir dans sa voiture en chantant à tue-tête avec Camille ! Il n’ y a pas qu’elle qui est "barje" comme elle se plaît à dire ! Allez vite l’écouter au Caméleon dans le 6ème à Paris où elle chante souvent le mercredi, avant que la demoiselle happée par le succès ne s’envole vers d’autres scènes !
.::Florence Ducommun: :.
Prenez trois musiciens présents à Copenhague n’ayant jamais joué ensemble en trio et n’ayant rien préparé. Mettez-les dans un studio ans une après-midi. Appuyez sur Rec, sans garantie aucune, et laissez faire. Enfin, laissez-les faire. Lars Danielsson n’est pas un inconnu, Morten Lund est une référence dans le milieu mais est encore méconnu chez nous, tout comme le jeune Marius Neset que nous avions découvert à Jazzahead il y a cinq ans et qui a gagné en maturité, c’est le moins que l’on puisse dire. Et cela fonctionne. La connexion se fait avec une aisance déconcertante et la session accouche d’un CD étonnamment concluant, qui nous laisse un sentiment de pertinence musicale assez rare, avouons-le. À l’évidence, ils ont griffonné quelques thèmes simples sur un bout de papier avant de se lancer. Qui ne le ferait pas ? Après quoi l’improvisation s’installe pour ainsi dire naturellement. À croire qu’ils jouent ensemble au quotidien et peuvent aller à l’aveuglette sans se perdre. Et on ne s’ennuie jamais. Nous croirions même les avoir déjà écoutés tant l’homogénéité du trio est patente. Épatant et vivement recommandé.
.::Yves Dorison: :.
En toute honnêteté, la musique de Gershwin avec orchestre nous a depuis toujours indisposée (euphémisme). Fort heureusement, d’excellents jazzmen l’ont interprétée au sein de formations plus intimes, nous la rendant ainsi accessible. En 2016, Jean-Marc Foltz et Stephan Oliva la saisissent de l’intérieur (in utero) et dévoilent en elle une profondeur que nos modestes oreilles n’avaient pas eu l’heur de sonder. Les standards qu’ils convoquent, immergés dans un univers chambriste, acquièrent une délicatesse nouvelle. Leurs notes, avant que l’émotion nous épingle, sont des pensées en suspens, de sereines respirations, des regards perdus, d’ineffables silences, captivants. Tout n’est qu’essence, contours soulignés et sublimation mélodique. Musique minimaliste ? Non. Plutôt musique secrète, attentive au mystère gershwinien. Indispensable. Totalement.
.::Yves Dorison: :.
Gros coup de cœur pour ces deux disques de l’orchestre du guitariste Fred Maurin, sortis en même temps le 29 avril dernier sur le label allemand Neuklang. On ne peut parler de l’un sans parler de l’autre, quoique mon cœur penche plus pour la belle complexité d’Ubik. Parus plus de deux ans après l’excellent album live Encore (entendu avec passion pour ma part à Jazz sous les Pommiers 2013), ces deux opus sont une réussite majeure qui méritent qu’on s’y attarde. Tout les oppose ou presque, puisque la colonne vertébrale en est la même, à savoir les quinze musiciens qu’il serait trop long de nommer chacun, mais tous impliqués avec succès dans d’autres projets.
U-bi_k est une commande d’état, dont le nom n’a été trouvé qu’après, Fred Maurin affectionnant l’auteur de romans de science-fiction Philip K. Dick, en particulier dans son roman Ubik qui a la même dimension labyrinthique que son œuvre d’un seul tenant composée de 14 variations qui s’enchaînent. Et on peut appliquer au disque d’ailleurs la critique du Magazine Littéraire de l’époque ( Evelyne Pieiller) : « Ubik est un vertige contagieux. On lit Ubik et on devient bizarre. Le réel se dissout, l’imaginaire se répand partout (...) c’est éprouvant et c’est ineffaçable (...) il serait pâlot de préciser que c’est un chef d’oeuvre ». Tout est dit et à la première écoute, je me suis fait happer et l’ai écouté plusieurs fois en découvrant à chaque fois d’autres facettes passionnantes. Ce disque devient vite addictif, avec une section de cuivres ( ils sont cinq) absolument remarquable ( par exemple dans Ubik 2), mais tous participent au succès d’un ensemble parfaitement maîtrisé où chacun s’exprime et soutient l’édifice. Le mystère peut naître comme dans Ubik 3 ou 10. C’est puissant et magistral avec juste ce qu’il faut d’inquiétude pour faire battre le cœur. Mention spéciale au jeu percutant du pianiste Paul Lay qui a reçu cet hiver le prix Django Reinhardt (je pense à Ubik 8 en particulier).
A côté de cette œuvre foisonnante, Easy Listening comme son nom l’indique peut paraître plus facile d’accès. Disons qu’il est de facture plus aisée, mais non moins exigeant. Il se compose de trois morceaux relativement longs et d’un quatrième qui est la reprise magnifique d’« Alors Chut » appartenant au disque Des Trucs Pareils paru en 2011 (dont le nom est né de la réflexion d’un auditeur mécontent !). Il y a d’abord « Kodama », du nom des petits esprits vivant dans les arbres au Japon, morceau très coloré, multicouche pourrait-on dire avec le motif répétitif du vibraphoniste Stefan Caracci soutenu par le piano, qui finit dans un ralenti extatique sous l’influence du batteur Raphael Koerner. Suit l’inquiétant et difficile « Février », très long morceau de 17’30, écrit en fait en février 2012 avant même le disque Encore, comme un pont tendu entre les univers du disque de 2011 et celui de 2013. Tandis que dans « Pong », choisi pour l’impression de question-réponse, action-réaction entre les instruments (comme dans un des premiers jeux vidéo d’arcade de sport Atari), l’esprit de Steve Reich plane encore avec des instruments qui se superposent et se décalent sur le motif tenu par Fred Maurin.
En conclusion, une incitation non seulement à écouter ces deux disques, mais une invitation aussi aux programmateurs à prendre le risque (très faible) de faire jouer plus souvent ces grands orchestres qu’on n’entend pas assez et qui nous donnent un plaisir inégalé à chaque fois ( je pense aussi à l’ONJ, à l’X’TET de Bruno Regnier, au Megaoctet d’Andy Emler...)
.::Florence Ducommun: :.
Voilà une jolie surprise avec le premier disque de 10 compositions du quartet toulousain Okidoki emmené par le saxophoniste clarinettiste Laurent Rochelle, sorti fin avril 2016 sur son label Linoleum. Entouré de Frédéric Shadoroff au piano, Olivier Brousse à la contrebasse et Eric Boccalini à la batterie, il a également invité la chanteuse bruxelloise Anja Kowalski sur trois titres chantés en anglais ou allemand, dont la superbe première composition Morgen qui s’impose dès la première écoute. Que dire qui n’ait pas été déjà dit par d’autres confrères ? Moins séduite par l’enlevé Airports, Cévennes ou le troublant et lancinant Synchronicity (avec une introduction qui donne la chair de poule), j’ai par contre été transportée de suite par les autres compositions : Okidoki précédé d’Okidoki Blues à la clarinette exclusivement, dans un univers jazz plus classique, tout comme le titre éponyme avec des échos entre le saxophone et le piano, qui sont pour moi les points culminants de ce disque, ainsi que le très mélodieux Echo bird, sing her song to me. Chanté par Anja Kowalski, c’est une petite merveille de poésie, où piano, clarinette basse et voix conversent. C’est la cas également du magnifique et touchant Zeit où le saxophone alto prend la place de la clarinette basse. Dans ce dernier, Anja Kowalski improvise en allemand, inspirée par un photomontage réalisé avec des photos de Judith Lorach sur Dreaming of Kumiko ( dans l’album "Les Amours Invisibles" paru chez Linoleum en 2012, superbe disque qu’on ne saurait trop recommander également !). Une œuvre qui m’a parfois fait penser à l’univers de Julian Julien, les deux musiciens se frottant tous les deux à l’univers cinématographique. La voix humaine très expressive de la clarinette basse dans ce disque prend très souvent aux tripes ! Le piano y a une place centrale, souvent lyrique, sans oublier une section rythmique essentielle. Le Temps Oublié achève un très joli répertoire original à découvrir en live cet été, en particulier à Marciac !
.::Florence Ducommun: :.
Camille BERTAULT : "En Vie"
Ce disque figure également dans la Pile de disques d’avril 2016 ...Lire ici ...
> Sunnyside - SSC 1438 / Naïve (parution 29/04/2016)
Camille Bertault : voix, compositions (sauf 1, 3, 5 et 9), textes / Olivier Hutman : piano / Gildas Boclé : contrebasse / Antoine Paganotti : batterie
01. Quoi De Plus Anodin (Empty Pockets)(H. Hancock) / 02. Course / 03. Infant Eyes (Wayne Shorter) / 04. En Vie / 05. Cette Nuit (The Peacocks) (J. Rowles) / 06. A La Mer Tume / 07. Double Face / 08. Tatie Cardie / 09. Prélude (Prelude To A Kiss) (Duke Ellington) / 10. Satiesque // Enregistré en mai 2015 à Maurepas (Yvelines, France).
DANIELSSON – NESET – LUND : "Sun blowing"
Ce disque figure également dans la Pile de disques de mai 2016 ...Lire ici ...
> ACT - ACT 9821-2 / Harmonia Mundi
Marius Neset : saxophone ténor / Lars Danielsson : contrebasse / Morten Lund : batterie
01. Little Jump ( Lars Danielsson) / 02. Sun Blowing ( Lars Danielsson) / 03. Up North ( Morten Lund) / 04. Salme ( Marius Neset) / 05. Folksong ( Lars Danielsson) / 06. No Idee ( Morten Lund) / 07. Blå ( Lars Danielsson) / 08. The Cost Of Living ( Don Grolnick) // Enregistré au Danemark en avril 2014.
Jean-Marc FOLTZ – Stephan OLIVA : "Gershwin"
Ce disque figure également dans la Pile de disques de mai 2016 ...Lire ici ...
> Vision Fugitive - VF313012 / Harmonia Mundi (parution le 27/05/2016)
Jean-Marc Foltz : clarinettes / Stephan Oliva : piano
01. Somehow (Oliva) / 02. The Man I Love / 03. Fascinating Rhythm - Someone To Watch Over Me / 04. ’S Wonderful (Morning) / 05. My Man’s Gone Now / 06. A Foggy Date - Rhapsody In Blue Theme (Foltz - Gershwin) / 07. I Can’t Get Started / 08. Rhapsody In Blue Theme / 09. Summertime / 10. ’S Wonderful (Evening) / 11. Prelude N.2, Blue Lullaby / 12. I Love You Porgy // Enregistré aux Studios la Buissonne (Pernes-Les-Fontaines) en décembre 2015 par Gérard de Haro.
PING MACHINE : "Easy Listening"
Ce disque figure également dans la Pile de disques de mai 2016 ...Lire ici ...
> NeuKlang - NCD 4130 / Harmonia Mundi
Bastien Ballaz : trombone / Stephan Caracci : marimba, vibraphone, glockenspiel & autres percussions / Guillaume Christophel : saxophone baryton & clarinette basse / Jean-Michel Couchet : sawophones alto & soprano / Andrew Crocker : trompette, bugle / Fabien Debellefontaine : saxophone alto, clarinette & flûte / Florent Dupuit : saxophone ténor, flûte alto, flûte & piccolo / Quentin Ghomari : trompette & bugle / Didier Havet : trombone basse & tuba / Rafaël Koerner : batterie & percussions / Paul Lay : piano, synthétiseurs / Frédéric Maurin : guitare électrique, Max 7, composition & direction / Fabien Norbert : trumpette, trompette piccolo & bugle / Raphaël Schwab : contrebasse / Julien Soro : saxophone ténor & clarinette.
01. Kodama / 02. Février / 03. Pong / 04. Alors, chut (live) // Enregistré aux Studios Bauer de Ludwigsburg (Allemagne) le 19 septembre 2015 (1, 2, 3) et en concert au Petit Faucheux (Tours, France) le 23 mars 2013.
PING MACHINE : "U-bi_k"
Ce disque figure également dans la Pile de disques de mai 2016 ...Lire ici ...
> NeuKlang - NCD 4140 / Harmonia Mundi
Bastien Ballaz : trombone / Stephan Caracci : marimba, vibraphone, glockenspiel & autres percussions / Guillaume Christophel : saxophone baryton & clarinette basse / Jean-Michel Couchet : sawophones alto & soprano / Andrew Crocker : trompette, bugle / Fabien Debellefontaine : saxophone alto, clarinette & flûte / Florent Dupuit : saxophone ténor, flûte alto, flûte & piccolo / Quentin Ghomari : trompette & bugle / Didier Havet : trombone basse & tuba / Rafaël Koerner : batterie & percussions / Paul Lay : piano, synthétiseurs / Frédéric Maurin : guitare électrique, Max 7, composition & direction / Fabien Norbert : trumpette, trompette piccolo & bugle / Raphaël Schwab : contrebasse / Julien Soro : saxophone ténor & clarinette.
01. Ubik 1 / 02. Ubik 2 / 03. Ubik 3 / 04. Ubik 4 / 05. Ubik 5 / 06. Ubik 6 / 07. Ubik 7 / 08. Ubik 8 / 09. Ubik 9 / 10. Ubik 10 / 11. Ubik 11 / 12. Ubik 12 / 13. Ubik 13. / 14. Ubik 14 // Enregistré aux Studios Bauer de Ludwigsburg (Allemagne) les 20 et 21 septembre 2015.
Laurent ROCHELLE OKIDOKI Quartet : "Si tu regardes"
Ce disque figure également dans la Pile de disques d’avril 2016 ...Lire ici ...
> Linoleum Records - LIN 4028 16 / L’Autre Distribution (parution 29/04/2016)
Laurent Rochelle : clarinette basse, sax soprano, compositions / Anja Kowalski : voix, textes / Frédéric Schadoroff : piano, effets / Olivier Brousse : contrebasse / Eric Boccalini : batterie
01. Morgen / 02. Airports / 03. Synchronicity / 04. Cévennes / 05. Echo bird sing her song to me / 06. Okidoki blues / 07. Okidoki / 08. Si tu regardes / 09. Zeit / 10. Le temps oublié // Enregistré récemment à Toulouse, France.