Avec les disques de : Yonathan AVISHAI Modern Times, Eve BEUVENS, Itamar BOROCHOV, Macha GHARIBIAN, Benny GOLSON, Hanna PAULBERG Concept.
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Second chapitre du Modern Times du pianiste Yonathan Avishai. Ce disque vraiment enchanteur commence dès la courte introduction de deux minutes par un solo du batteur Donald Kontomanou souligné d’un wood-block qui donne le ton : entrez dans le défilé, suivez nous dans cette fête de Mardi Gras colorée ! Cette fois, le trio du premier Modern Times s’agrandit en quintet avec en plus du batteur susnommé et de Yoni Zelnik à la contrebasse, le clarinettiste et saxophoniste alto Cesar Poirier et le percussionniste cubain Inor Sotolongo. De courtes pièces ou suites, composées par le pianiste, sauf la très réussie reprise de Django de John Lewis, légères et très mélodieuses ( L’arbre et l’Ecureuil ), rythmées et joyeuses pour la plupart. On y entend du blues, des rythmes cubains ( Simgik ), de la musique de la Nouvelle Orléans, on est plongé très vite dans une ambiance festive au swing communicatif ( Once Upon a Time ). La principale qualité de ce pianiste discret né en Israel et installé en France depuis quinze ans, est justement ce jeu qui va avec sa nature et déjà remarqué dans le premier opus de Modern Times : élégant, aéré, avec un art du silence, de l’espace et de la note juste. ( Quel magnifique Diminuendo ! ). Le contrebassiste Omer Avital et le trompettiste Avishai Cohen qui l’ont choisi comme pianiste ne s’y sont pas trompés. Si on y ajoute le jeu posé et plein de grâce de Yoni Zelnik teinté de mélancolie comme dans Death of a River, le talent et l’écoute de Donald Kontomanou qui use des cymbales avec un drive absolument épatant ( Zelda ), et qu’on y adjoint les instruments à vent de César Poirier et les percussions sobres d’Inor Sotolongo ( simples woodblocks, tambourins, bongo et quelques gris-gris ), l’ensemble s’envole ! "Less is more", telle est la devise de Modern Times ! Les mélodies chantent et deviennent presque de petits poèmes ( Poem for Ornette Coleman, Sandrine’s Garden ). Le piano n’est jamais omniprésent et laisse beaucoup de place aux autres instruments, comme à nouveau dans le brillant Zelda. Enfin le titre éponyme en quintet, entraînant et tourbillonnant achève un disque joliment abouti !
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Heptatomic, pour ceux qui ne l’auraient pas deviné, c’est un septet belge et c’est de la bombe ! ( un peu facile, je le concède...). Au piano, Eve Beuvens qui a écrit les onze compositions, accompagnée de Laurent Blondiau à la trompette et bugle, Grégoire Tirtiaux aux saxophones alto et baryton, Sylvain Debaisieux au saxophone ténor, Benjamin Sauzereau à la guitare, Manolo Cabras à la contrebasse et Lionel Beuvens, son frère, à la batterie. Une jolie brochette d’excellents musiciens ! Le trompettiste par exemple dirige le fameux Mâäk quintet et fait aussi partie du MicMâäk, énorme big band franco-belge de seize musiciens auquel appartient aussi Grégoire Tirtiaux. Les autres sont très actifs sur la scène franco-belge et sont chacun dans leur domaine des têtes chercheuses dans le domaine de l’improvisation.
La première composition Winter Evening est allée se planter comme une flèche dans mon cœur en entendant le son de la trompette de Laurent Blondiau. Et la suite n’a pas démérité, bien au contraire. Silly Sally continue dans la même veine lyrique emmenée cette fois par la guitare. Dusk également. Leur naturel "free" revient vite au galop avec plusieurs compositions comme La Lettre du Scribe à la Joconde où la scie musicale apporte une note céleste, ou bien The Swan and I ou encore Scratching Mermaids. Les Roses de Saadi est une petite merveille de romantisme qui commence avec un joli duo trompette guitare et dont les épines sont bien douces. Le tonique Watergames donne une belle place aux saxophones avec en particulier le final hypnotisant du saxophone baryton de Grégoire Tirtiaux. Le disque se termine avec le piano solo d’Eve Beuvens, douce conclusion un peu nostalgique de cette pianiste qui montre tout le long un grand sens des arrangements entre les sept instruments. Les ruptures de rythme et de style tout à fait intéressantes laissent surgir différents tableaux aussi remarquables les uns que les autres ; Bref, c’est vraiment une belle découverte que je vous conseille !
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L’amoureuse de la trompette que je suis ne résiste pas à l’immense plaisir de vous inciter à découvrir Itamar Borochov, trompettiste d’origine israélienne de 32 ans résidant à New-York depuis 2007, dans ce second disque sorti en octobre sur le label Laborie Jazz. Il entame actuellement une grande tournée européenne qui l’a vu passer ce jeudi 17 novembre 2016 à Marseille au Cri du Port où j’ai pris au passage une grande claque ( un retour de boomerang ?) si je peux utiliser ce terme pour vous transmettre ma sidération à son écoute. Encore plus intense qu’à l’écoute du disque. Aussi forte que lorsque j’ai entendu la première fois les trompettistes de sa génération que sont Ambrose Akinmusire et Avishai Cohen. Fortement imprégné de spiritualité et très croyant, Itamar Borochov marche dans les pas de Coltrane, Pharoah Sanders ou Sun Ra pour ne parler que d’eux. Et l’émotion dégagée emmène l’auditeur très loin, sans aller jusqu’à parler d’expérience mystique ( comme dans Adon Olam, l’un des hymnes les plus familiers dans l’éventail de la liturgie juive ).
Dans ce nouveau disque avec lui : son frère Avri Borochov à la contrebasse, Jay Sawyer à la batterie et Michael King au piano ( remplacé formidablement par Shai Maestro à Marseille ). La voix habitée presque humaine de la trompette nous happe dès Tangerines en introduction. Et nous voilà embarqués. C’est Shimshon séduisant la Dalila que je suis. Trop tard pour reculer, Eastern Lullaby continue son entreprise de fascination amplifiée par la rythmique de la batterie. D’une enfance à Jaffa ( Jaffa Tune ), on saute à la rue new-yorkaise préférée du trompettiste Jones Street, où sa nature hard-bop ressort joliment. L’émotion monte sur l’air composé pour son frère Avri ( Avri’s Tune ). Oui, Ça va bien et même très bien quand on entend ce morceau, furieusement rythmé par le batteur, tout comme dans Wanderer Song. En concert, rajoutez l’élégance d’Itamar Borochov qui officie à la trompette ( dans le sens de "célébrer" une dernière Prayer, telle une bénédiction ), le sourire perpétuel et la souplesse de jeu d’Avri Borochov, la force tranquille telle une montagne de Jay Sawyer et la musicalité du piano et vous vivrez vraiment le grand frisson. Précipitez vous donc pour écouter ce quartet ou acheter ce superbe disque !
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Pianiste et chanteuse.
Orientale par son inspiration, classique par sa formation, jazzy par son séjour à New-York, ainsi peut être définie dans un premier temps la pianiste-chanteuse Macha Gharibian. Mais on pourrait de la même manière dire qu’elle est la fille de Bratsch (c’est vrai par son père), de Rachmaninov et de Kenny Barron. Ce qui est sûr, c’est qu’elle est la somme de ses influences multiples revendiquées.
Son dernier album Trans Extended est à cette image. Mais que reste-t-il du jazz dans tout cela- pourrait-on se demander ?
La voix précisément, son usage qui certes n’hésite pas à emprunter parfois des accents pop quasi “pink floydiens" (There was…) mais qui parvient tout aussi bien à emboîter le sillage de Patricia Barber (Let The Word…) On l’aura compris, la surprise fait partie du voyage car elle n’est pas tant dans la variété des compositions elle-même que dans celle qui menace de les faire bifurquer à tout moment. Et ce n’est pas l’une des moindres qualités de celle qui se définit comme pianiste et chanteuse et non comme chanteuse de jazz. D’ailleurs le voudrait-elle que la réalité rappellerait à l’auditeur le nombre de titres purement instrumentaux (Mount Kurama, Leaving) ou dans lesquels la voix vaut pour le chant (M.Train). Elle sait laisser la musique parler à sa place.
Bien servie, il est vrai, par ses autres compagnons de route discrets mais efficaces et qui contribuent tout autant à cette coloration jazzy qu’aux sorties de route impromptues.
Les accents pop du guitariste David Potaux-Razel ajoutés aux improvisations du tromboniste Mathias Malher n’hésitent pas à s’emparer d’un titre qui semblait entièrement voué à la mélodie. Dans un autre morceau (Marmashen) les saxophonistes, Alexandra Grimal, Tosha Vukmirovic enchaînent sans transition rythmes jazz et musique klezmer (Amarcord, Leaving).
Au total, un jazz singulier au croisement du classique, de l’ethnique et de la pop music.
Et la voix de Macha Gharibian dans tout cela qui plane tout simplement avec assurance au-dessus de ces contrées musicales, terres de contrastes.
.::J-L.L.: :.
Benny Golson aura 88 ans le 25 janvier prochain et il souffle encore. Moins qu’avant certes, mais plus que beaucoup d’autres au même âge. Parfaitement entouré, écoutez le boulot de Buster Williams tout au long du disque, il délivre son message sans surprise notable. Mais il y met du cœur et ses compositions sont comme toujours aisément identifiables dès les premières mesures. Là quand même, c’est la classe ! En bavard impénitent, il se fend d’un message (plage 9) sur sa conception du jazz (mais comme on l’a déjà entendu sur scène, on n’est pas surpris) avant d’achever la galette sur une composition de son batteur. Vous l’avez compris, rien d’extraordinaire dans ce CD sinon la longévité du ténor et son désir de jouer le jazz, son jazz, dans une ambiance ronde et chaleureuse. Écoutez-moi ça au coin du feu en trempant une madeleine dans le café, vous m’en direz des nouvelles.
.::Y.D.: :.
Ah les filles qui jouent du jazz ! Encore un talent à connaître avec cette excellente saxophoniste norvégienne qui a eu vingt-neuf ans le 13 novembre dernier. Fille du chanteur folk et du musicien de jazz Håkon Paulsberg, elle vit à Oslo et a été diplômée du conservatoire de Trondheim en 2011. Amenée très tôt au jazz en écoutant Stan Getz, Hanna Paulsberg a créé son quartet en 2010 avec Oscar Grönberg au piano, Trygve Waldemar Fiske à la contrebasse et Hans Hulbækmo aux percussions. Remarqués avec leur premier disque Waltz for Lili en 2012, puis le second Song for Josia en 2014, ils se produisent un peu partout en Europe et on aimerait bien les écouter en France [1] ! Car en effet, il y a une fraîcheur toute juvénile dans cette formation, malgré tout bien maîtrisée et bien construite, avec un sens de l’interplay tout à fait remarquable. Il faut dire que le batteur malgré son jeune âge de vingt-six ans fait partie du groupe Atomic, l’un des plus importants groupe de jazz scandinave, où il a remplacé en 2014 Paal Nilssen-Love. Il fait aussi partie du Trio Moskus, l’un des jeunes groupes les plus prometteurs en Norvège. Le pianiste de vingt-neuf ans est leader sur un trio qui porte son nom et le contrebassiste du même âge a aussi son quartet Waldemar 4. Bref, ce jeune monde joue et bien !
Six compositions originales de la saxophoniste et quarante minutes de plaisir : un sens de la mélodie immédiatement perceptible dans le titre éponyme, qui retient aussitôt l’attention par sa musicalité. Et qui n’empêche pas le pianiste de prendre une grande liberté faisant plaisir à entendre. Un son de ténor bien rond, presque pulpeux, très féminin je trouve, qui n’hésite pas à provoquer ses compagnons et à les amener à sortir de leurs gonds dans le titre suivant. Coup de cœur pour le sensible Ayumi avec sa petite ritournelle addictive. Mise en bouche avec la contrebasse dans A Hundred Years, la plus longue composition et la plus richement écrite. Pause mélancolique pour Hotel Papa Charlie qui m’a beaucoup touchée, avant de repartir à danser sur l’entraînant Catalan Boy. De la richesse et beaucoup de maturité au total dans ce disque attachant. Un disque de femme pour les femmes ? On attend l’avis des messieurs !
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Yonathan AVISHAI Modern Times : "The Parade"
> Jazz & People - JPCD816008 / Harmonia Mundi
Yonathan Avishai : piano, compositions sauf 8 / César Poirier : clarinette et saxophone alto / Inor Sotolongo : percussions / Yoni Zelnik : contrebasse / Donald Kontomanou : batterie
01. Le Nouveau Monde / 02. Poem For Ornette Coleman / 03. L’arbre et l’écureuil / 04. Once upon a time / 05. Zelda / 06. Que tal / 07. Simgik / 08. Django (John Lewis) / 09. Death of a river / 10. Sandrine’s Garden / 11. Picnic / 12. The Battle / 13. Diminuendo / 14. The Parade // Enregistré récemment en France par Philippe Teissier du Cros.
Eve BEUVENS : "Heptatomic"
> Igloo Records - IGL264 / Socadisc
Eve Beuvens : piano, compositions / Laurent Blondiau : trumpet, bugle / Grégoire Tirtiaux : saxophones alto et baryton / Sylvain Debaisieux : saxophone ténor / Benjamin Sauzereau : guitare / Manolo Cabras : contrebasse / Lionel Beuvens : batterie
01. Winter Evening Walk / 02. Silly Sally / 03. Lettre du Scribe à la Joconde / 04. No Way out Running / 05. Scratching Mermaids / 06. Les Roses de Saadi / 07. Ware Games / 08. My T.T.T. / 09. The Swan and I / 10. Dusk / 11. If, Food, Love // Enregistré à Bruxelles (Belgique) en novembre, décembre 2016 et janvier 2016.
Itamar BOROCHOV : "Boomerang"
> LaBorie Jazz - LJ36 / Socadisc
Itamar Borochov : trompette, voix sur 9 / Michael King : piano / Avri Borochov : contrebasse, oud (8 et 9), sazbush et voix (9) / Jay Sawyer : batterie
01. Tangerines / 02. Shimshon / 03. Eastern Lullaby / 04. Jones Street / 05. Adon Olam / 06. Jaffa Tune / 07. Avri’s Tune / 08. Ça va bien / 09. Wanderer Song / 10. Prayer // Enregistré récemment en France (Studio Sextan).
Macha GHARIBIAN : "Trans Extended"
> Jazz Village - JV9570132 / Harmonia Mundi
Macha Gharibian : chant, piano, Fender Rhodes, Wurlitzer / Théo Girard : contrebasse, chant
(2) / Alexandra Grimal : saxophones soprano et ténor (2, 6, 7, 12), chant (2, 10) / Matthias Mahler : trombone (1, 3, 4, 6, 7, 10, 12) / Fabrice Moreau : batterie (1, 4, 6,
8, 10, 11, 12) / Dré Pallemaerts : batterie (2, 3, 5, 7), kanjira (6) / David Potaux-Razel
: guitare (1, 2, 3, 5, 6, 10, 11) / Tosha Vukmirovic : saxophone ténor (1, 3, 6, 10), kaval (4, 9)
01. I Who Have Nothing / 02. M Train / 03. Let The World Re-begin / 04. Marmashen / 05. There Was a Child / 06. Saskatchewan / 07. Mount Kurama / 08. Anoushes / 09. Midnight Song / 10. Amarcord / 11. Leaving / 12. End of the Road // Enregistré par Gérard de Haro
et Nicolas Baillard au Studio La Buissonne, Pernes-les-Fontaines, France, du 11 au 14 janvier 2016.
Benny GOLSON : "Horizon Ahead"
> HighNote Records - HCD 7288 / Socadisc
Benny Golson : saxophone ténor / Mike LeDonne : piano / Buster Williams : contrebasse / Carl Allen : batterie
01. Don’t Get Around Much Anymore / 02. Jump Start / 03. Horizon Ahead / 04. Mood Indigo / 05. Domingo / 06. Lulu’s Back in Town / 07. Night Shade / 08. Three Little Words / 09. Spoken Introduction / 10. Out of the Darkness and Into theLight // Enregistré à New York le 7 décembre 2015.
Hanna PAULBERG Concept : "Eastern Smiles"
> Odin - ODINCCD 9554 / Outhere distribution (parution le 13/01/2017)
Hanna Paulsberg : saxophone ténor, compositions / Oscar Grönberg : piano / Trygve Waldemar Fiske : contrebasse / Hans Hulbækmo : batterie
01. Eastern Smiles / 02. Hemulen På Byn / 03. Ayumi / 04. A Hundred Years / 05. Hotel Papa Charlie / 06. Catalan Boy // Enregistré en Norvège les 7 et 8 novembre 2015.
[1] Ce sera le cas le samedi 21 janvier 2017 à 17h30 à la Maison de Radio-France (Paris) en première partie de l’ONJ !