Encore plus que d’habitude, en mai, écoute ce qu’il te plait !
| 01- BILL FRISELL - THOMAS MORGAN . Epistrophy - OUI !
| 02- MARK DRESSER SEVEN . Ain’t nothing but a cyber coup and you - OUI !
| 03- BRUN COURTOIS FINCKER - LES DEMONS DE TOSCA . Opus I
| 04- THE BABA ANDREW LAMB TRIO . The Night of the 13th’Moon - OUI !
| 05- MARC DUCRET . Lady M
| 06- VEIN feat. NORBOTTEN BIG BAND . Symphonic Bop
| 07- SYLVAIN CATHALA SEPTET . Cullinan - OUI !
| 08- GREG BELISLE-CHI . Book of hours
| 09- LINDA MAY HAN OH . Aventurine
| 10- DOUGLAS / CAINE / CYRILLE . Devotion - OUI !
| 11- LUNDGREN / CHEEK / WARBURTON / ROSSY . Ballad for Bill
| 12- LES CHAPEAUX NOIRS . Alma
| 13- TRISTAN MELIA . No Problem
| 14- PATRICK ARTERO . Family Portrait
| 15- TERRAZA BIG BAND - One day wonder
| 16- LEO DUPLEIX . Piece for electric guitar quartet
| 17- ROMAIN COLLIN . Tiny lights, Genesis
| 18- MEAJAM . L’envol
ECM
Bill Frisell : guitare
Thomas Morgan : contrebasse
Deux ans après la sortie de leur première collaboration discographique en duo, voici revenir Bill Frisell et Thomas Morgan, toujours captés en public au Village Vanguard en 2016. Que dire ? L’alchimie entre les deux musiciens les autorise à fréquenter des paysages musicaux inaccoutumés et des mondes saisissants tant ils scintillent d’un éclat délicat que l’on rencontre rarement. La technique de Bill Frisell, affinée au fil des ans, celle de Thomas Morgan qui nous a semblé innée la première fois qu’on l’a vu jouer, font émerger une musicalité sans mesure. Qu’ils linéarisent leur propos en collant à la mélodie ou qu’ils se concentrent sur des points d’accroches angulaires, c’est toujours dans le sens d’un goût sûr qu’ils exposent leur cheminement. Les titres de cet album, une sorte de playlist imprévisible, se prêtent parfaitement au jeu de ces introspectifs notoires qui usent discrètement au détour d’une phrase d’un humour bienvenu. Leurs soli sont rarement solitaires et le plus souvent ils se déroulent dans un espace empathique tenant d’une conversation ouverte qui laisse la musique aller là où bon lui semble. Avec une approche globale des morceaux assez iconoclaste, ils donnent de la sorte une nouvelle vie à des titres que certains pourraient penser rebattus. Entre jazz, rythm & blues, folk et americana, Bill Frisell et Thomas Morgan développent, en toute intimité, une de ces musiques que l’on rêve secrètement d’écouter un jour. Et dans un siècle, si quelqu’un demande à écouter un duo jazz guitare/contrebasse, les spécialistes répondront soit Jim Hall / Ron Carter (Live at the Village West), soit Bill Frisell / Thomas Morgan au Village Vanguard.
Yves Dorison
https://www.billfrisell.com/
http://thomasmorgan.net/
Clean feed
Mark Dresser : contrebasse, McLagan tines
Nicole Mitchell : flute, flute alto, piccolo
Marty Ehrlich : clarinette, clarinette basse, saxophone alto
Michael Dessen : trombone
Joshua White : piano
Jim Black : batterie, percussions
Keir GoGwilt : violon
L’aventure, c’est l’aventure ! Mark Dresser est aussi créatif qu’irrévérencieux et toujours à l’affût. Avec ce septet de défricheurs invétérés, il arrive à réunir l’avant-gardisme et le jazz en toute simplicité. La musique ici présentée est puissamment évocatrice. Les recherches sonores et rythmiques constituent son ossature. Les textures qu’elles développent sont vibrantes et pétries d’émotions presque sous-jacentes. Elle respire par bien des registres qui vont de l’improvisé exploratoire (très) au tribal en passant par cette forme de jazz mingusienne dont on ne lassera jamais. Tout ceci se dilate et se contracte dans une sorte de lyrisme à géométrie variable qui interpelle l’auditeur et peut fricoter, de temps à autre, avec l’harmolodique de son altesse Ornette. Pour faire bonne mesure et finir de convaincre les éventuels réticents, Mark Dresser intercale entre chaque composition de petits soli improvisés de contrebasse avec un ensemble de baguettes graduées inventées par Kent McLagan (luthier et contrebassiste) qui lui permettent, là encore, d’aller au devant de l’improbable. Ajoutons pour clore les débats qu’à 66 ans, le contrebassiste de Los Angeles continue un parcours qui sonde toujours plus en profondeur les tenants et les aboutissants de sa création avec une rigueur et une exigence en tout point remarquables. Réalisé avec un septet haut de gamme, ce disque en témoigne de manière magistrale.
Yves Dorison
BMC
Vincent Courtois : violoncelle
Robin Fincker : saxophone ténor
Seb Brun : batterie
Originellement conçu autour de l’Opéra de Puccini, le projet au line-up en permanence changeant est devenu avec le temps un laboratoire d’idées transformées, et toujours transformables, en sons. Enregistré en concert. La seule constante du projet est l’ordre dans lequel sont joués les morceaux. Dans cette occurrence du projet, Vincent Courtois a fait appel à Alex Bonney pour la production sonore du CD avec une idée de re-création. Au final, l’ensemble possède toutes les qualités que l’on apprécie chez ces musiciens. Réactivité, inventivité et liberté. Il en découle une musique souvent impétueuse où chacun propulse sa singularité en osmose avec les autres musiciens. Ils s’interpellent, ils s’interrogent, ils s’exclament, ils se confient, ils avancent, pour se sentir être au plus près de ce qu’ils sont dans l’instant musical. En maniaques du libre échange musical, ils nient le cadre, le bousculent, le contournent, lui en font voir de toutes les couleurs rythmiques, de toutes les irisations mélodiques. Ils exigent beaucoup d’elle, la musique, et s’ils se contrôlent, c’est pour mieux s’offrir à elle avec vigueur et altruisme, à corps ouvert, dans l’insondable caverneux des mélodies comme dans la sereine limpidité des instantanés climatiques. Organique au sens primitif du terme, le résultat de leur commerce humain et musical érige l’écoute en vecteur incontournable et essentiel de leur idéal commun pour un bon usage et une saine compréhension du mystère. Démoniaque !
Yves Dorison
Le Fondeur De Son 008
Baba Andrew Lamb : saxophone ténor
Yoram Rosilio : contrebasse
Rafael Koerner : batterie
Paris, Le Bab-ilo, 29 juin 2018 (43 mn)
Au bout du parc de Javel, on entendait une musique étrange, peu rythmée, polyphonique, non tempérée. Il fallut franchir un long tunnel sombre pour atteindre au quai. C’était des orientaux jouant du saxophone alto, lisant une partition. Je me trouvais dans un lieu du bout du monde : des tréteaux, des sortes de guinguettes, une scène, les gens arrivaient au crépuscule de l’été finissant ; rien n’avait lieu*.
La musique de “The Baba Andrew Lamb trio” est une musique du bout du temps.
Elle commence par des éclats de rythme, comme un échauffement, la basse subrepticement, puis affirmative, un solo de batterie s’installe et le saxo du lideur, qui donne une structure par l’articulation de la phrase.
Andrew Lamb (Clinton, North Carolina, 1958) joue naturellement la musique de son temps, le “free jazz”. En trois sets, porté par un son fort, puissant, décisif, il vagabonde dans les méandres des cris et des harmoniques, la véhémence tournant en elle-même. C’est une musique que l’on entend mal aujourd’hui, franche et directe, autoritaire dans sa réitération même, gyrovagante dans la recherche de la plénitude.
Philippe Paschel
* La Javeloise. On peut y arriver prosaïquement en venant du pont du Garigliano, rive gauche.
http://babilo.lautre.net/htm/babilo.html
Illusions et Seven Songs - L’Autre Distribution
Marc Ducret : guitares, composition
Léa Trommenschlager : soprano
Rodrigo Ferreira : contre-ténor
Sylvain Bardiau : trompette, bugle, trombone à piston
Régis Huby : violon, violon ténor
Liudas Mockunas : saxophones
Catherine Delaunay : clarinette, cor de basset
Samuel Blaser : trombone
Bruno Ducret : violoncelle
Joachim Florent : contrebasse
Sylvain Darrifourcq : batterie
Baroque... Est-ce ainsi qu’on pourra qualifier cette musique ? Baroque, pas tant par sa référence à l’œuvre de William Shakespeare qui nous ramène au début du XVIIème siècle mais par son esthétique insolite, fantasque, originale, voire excentrique pour qui chercherait à l’écouter comme étant "du jazz". C’est que Marc Ducret (comme David Chevallier, autre gutariste sans doute moins radical) est toujours aussi insaisissable. Après avoir pris à bras le corps des écrits de Vladimir Nabokov pour élever sa série des Towers (en cinq volumes), il construit une sorte d’oratorio mutant assez inattendu pour une voix soprano (Léa Trommenschlager), un contre-ténor (Rodrigo Ferreira) et un ensemble acoustique/électrique où il retrouve des complices habituels (Samuel Blazer, Régis Huby...), son fils Bruno au violoncelle et les redoutables Joachim Florent (contrebasse) et Sylvain Darrifourcq (batterie). Conservant son goût prononcé pour la narration musicale et les contrastes atmosphériques, le guitariste-compositeur construit cette œuvre à partir du monologue de Lady Macbeth à l’acte V de la pièce. Tout cela est tragique, évoque le remords et les idées qui tournent en boucle, l’angoisse, le sentiment d’irréparable. Par une mise en forme éclatée en petites séquences contrastées, des solos, des duos, des phases où l’ensemble atteste de sa puissante créative, Marc Ducret relève un nouveau défi avec la rigueur esthétique qui fait toute sa singularité. Un disque puissant et peut-être extravagant mais jamais déroutant.
Thierry Giard
Double Moon – Challenge Records
Florian Arbenz : batterie
Thomas Laehns : contrebasse
Michael Arbenz : piano
Norrbotten Big Band dirigé par Joakim Milder (14 musiciens)
En 2013, nous avions découvert le trio Vein, sympathiques helvètes qui s’affichaient comme des péquenots endimanchés un peu rougeauds pour le disque "Vote for Vein". L’humour affiché était une bonne ouverture pour l’écoute de leur musique en trio de piano aussi appétissante qu’un Vacherin fribourgeois. Très accueillants, les trois compères invitent volontiers des solistes de passage qui se trouvent ainsi en bonne compagnie, Dave Liebman (à Paris en 2013 encore, lire Philippe Paschel) ou plus récemment Andy Sheppard lors d’une virée britannique et d’autres encore. Comme ils ne se refusent rien (Ah ! Ces suisses !), ils se sont pris d’amitié avec un big band suédois, le Norrbotten Big Band. Ils ont le jazz en langue commune et le même goût apparemment pour la distanciation esthétique. Ainsi, ce Symphonic Bop n’est ni symphonique (c’est bien un big band parfaitement et chaleureusement ventilé) ni vraiment Bop pour qui penserait y retrouver les fondamentaux parkeriens. On reste indiscutablement dans l’esprit du jazz mais avec une liberté stylistique assez élastique. Ça swingue parfois bancale, ça groove sans risquer l’essoufflement, ça joue sans se soucier des apparences ou des conventions des genres. Une décontraction qui est possible seulement quand les musiciens dominent leur sujet et c’est bien le cas dans cet ensemble de six compositions touffues mais jamais étouffantes. Une association qui défie les contraintes géographiques pour constituer une entité parfaitement soudée qui poursuit son parcours commun sur les scènes européennes au delà d’un enregistrement qui n’a rien d’anecdotique.
Thierry Giard
norrbottensmusiken.se . www.challengerecords.com/Vein-NBB
Connexe Records
Sylvain Cathala : saxophone tenor
Marc Ducret : guitare
Benjamin Moussay : Fender Rhodes
Guillaume Orti : saxophone alto
Bo Van Der Werf : saxophone baryton
Sarah Murcia : contrebasse
Christophe Lavergne : batterie
Nous disions du précédent disque en septet de Sylvain Cathala, « Hope », qu’il était riche en sonorités et sonnait comme un big band intime, qu’il recelait une énergie raisonnée et que les compositions étaient, pour le meilleur, écrites, maîtrisées, et porteuse d’un souffle musical imposant. Nous disions encore que le luxueux casting n’était pas pour rien dans la réussite du projet et que ce dernier donnait une ampleur supplémentaire au travail créatif de fond que mène le saxophoniste depuis un quart de siècle ou presque. Nous ne dirons pas autre chose de ce nouvel album, « Cullinan », puisqu’il a été enregistré le 30 juin 2016 en concert, soit le même jour et au même endroit que le précédent opus. Bien sûr les tenants de la facilité auditive rechigneront un peu, comme toujours, mais nous ne sommes pas responsables de leur étroitesse d’esprit. Les curieux et les aventureux, eux, vont se régaler à l’écouter de cette musique habitée par bien des chatoiements, des éclats multiples, ancrés dans des structures complexes qui constituent le nerf de son originalité. Nous ne pouvons évidemment que recommander cette suite logique tant elle offre une somme musicale parfaitement aboutie.
Yves Dorison
https://sylvaincathala.bandcamp.com/
Auto-production
Gregg Belisle-Chi : guitare, compositions
Dov Manski : wurlitzer
Matt Aronoff : basse
Michael W. Davis : batterie
Salué par nombre de ses camarades guitaristes, Greg Belisle-Chi fait partie de cette nouvelle génération qui semble être capable de tout ou presque. Dans ce troisième disque en leader (encore rendu possible par un crowdfunding), le guitariste propose une musique qui va du lyrisme pop-rock lambda aux dissonances post-modernes. C’est ouvert à tout vent, cela balance entre moments méditatifs et éruptions bruitistes avec une rythmique lourde sur laquelle la guitare appuie ses soli non sans savoir-faire. Il faut admettre que c’est plutôt original et que les compositions ne sont pas inintéressantes. Il nous a cependant manqué un petit quelque chose pour entrer pleinement dans cet univers. Nous ne saurions vous dire quoi. A découvrir néanmoins car porteur d’une esthétique particulière capable des créer des climats variés qui peuvent exacerber l’imaginaire de l’auditeur.
Yves Dorison
Biophilia Records
Linda May Han Oh : basses acoustique et électrique, compositions et arrangements
Greg Ward : saxophones alto et soprano
Fung Chern Hwei – violon
Sarah Caswell : violon
Bennie Von Gutzeit : violon alto
Jeremy Harman : violoncelle
Matt Mitchell : piano
Chess Smith : drums, vibraphone
Invenio (tracks 01, 07, 08, 10)
Gian Slater : Director
Louisa Rankin
Josh Kyle
Andrew Murray
Jonathan Skovron
Écrites, arrangées et réarrangées au fil des années, sur plus d’une décennie pour certaines, les compositions du nouveau disque de Linda May Han Oh offrent une vision de sa musique qui diffère de prime abord beaucoup de son précédent enregistrement (Walk against wind, Biophilia Records2017). S’il y a bien un trio piano/basse/batterie, il est accompagné d’un quatuor à cordes et sur quatre morceaux d’un ensemble vocal. Si l’esthétique du disque est marquée par la sonorité classique et contemporaine du quatuor, il n’en demeure pas moins que le jazz y trouve aussi sa place. Mûri et affiné sur le long terme, il promeut des ambiances dont les contours sont propices à la rêverie et à l’imaginaire. Jamais hermétiques, les mélodies s’élaborent sur des structures où l’expression de chaque musicien étaye la voie originale choisie par la compositrice. Chaque pièce donne le sentiment de balancer entre le monde classique et le monde improvisé, mais c’est si bien pensé que jamais on ne se lasse. N’oublions pas de signaler que la contrebassiste de Pat Metheny vient du classique. Elle dit d’ailleurs qu’elle voit nombre de similitudes entre classique et jazz. Ce disque très personnel, que l’on sent pétri de sincérité, en témoigne avec brio.
Yves Dorison
https://lindamayhanoh.bandcamp.com/album/aventurine
Greenleaf Music
Dave Douglas : trompette
Uri Caine : piano
Andrew Cyrille : batterie
Dans cet album, le duo Dave Douglas / Uri Caine s’enrichit avec l’arrivée d’un des maîtres contemporains de la batterie, Andrew Cyrille. L’étonnante interaction entre le pianiste et le trompettiste, basée sur une relation musicale déjà ancienne, se trouve ici sublimée par l’apport rythmique du batteur. Sur des compositions originales de Dave Douglas, écrites en hommages à lieux et des personnes, le trio explore sous tous les angles chaque morceau, chacun avec son langage musical, mais les trois avec un sens de l’écoute qui apparaît à bien des moments comme divinatoire ou presque. C’est intime et ouvertement spatial. Les couleurs abondent sans jamais saturer l’auditeur car la musique est toujours aérée, propice à la respiration. Ensemble, les trois créateurs, toujours avides de découverte et d’approfondissement, distillent un savoir musical d’une grande maturité qui donne au final à ce disque des allures de « classique du répertoire ». Enregistré sur son label, Greenleaf, cet album est une merveille qui démontre également que Dave Douglas, en faisant le choix d’une liberté artistique sans compromis, a acquis, pour lui comme pour ceux qui l’accompagnent, une légitimité méritée, et cela sur tous les plans.
Yves Dorison
Lundgren Music
Chris Cheek : saxophone
Gustav Lundgren : guitare
Tom Warburton : contrebasse
Jorge Rossy : batterie
Avec une sélection de Ballades allant de Tom Jobim à Quincy Jones et en passant par Jerome Kern, ce disque affiche clairement son parti-pris. Ici, tout n’est que douceur, avec du silence entre les notes et de l’espace afin que les thèmes respirent. Rien n’est révolutionnaire dans cet album où le guitariste quadragénaire partage avec Chris Cheek les soli, laissant de temps à autre à Jorge Rossi un espace personnel d’expression à la mesure du batteur. Enregistré à Barcelone (où le contrebassiste Tom Warburton vit), cet album nous a fait penser à l’esthétique Steeplechase des années quatre-vingt avec ces trios et quartets dont les castings étaient variables mais qui servaient toujours le jazz mainstream avec justesse et élégance. Très bien fait, véritablement agréable à écouter, bien posé sur un swing discret mais efficace, cet enregistrement réalisé par de talentueux musiciens fait passer à l’auditeur un moment de qualité.Laissez-vous tenter.
Yves Dorison
www.gustavlundgren.com
www.lundgrenmusic.com
Jazz family
Lionel Ehrhart : basse, contrebasse
Victor Gachet : batterie
Léonard Kretz : saxophone ténor et soprano
Sébastien Valle : piano, claviers
Fondé en 2010, le quartette strasbourgeois Les Chapeaux noirs vient de sortir son dernier CD Alma (l’âme du groupe ?) qui séduira au-delà des frontières du jazz. Si les musiciens se revendiquent de la tradition bop, c’est à leurs yeux sinon pour la renouveler- ce qui serait un poil prétentieux- du moins pour proposer une musique originale. Composés et arrangés par le batteur Victor Gachet, on peut avancer que dans les divers titres de cet enregistrement, les mélodies s’ancrent dans la tradition et les arrangements plutôt dans son renouvellement. Pas n’importe lequel pour autant. Pas celui incarné par le courant -disons -de l’improvisation mais plutôt celui du jazz- rock aux accents électro. Rien n’est cependant figé ; les titres apportant leur lot de variations et donc de nuances. Solstice, plus jazz avec le sax soprano de Léonard Kretz ainsi que Greenlady avec le duo piano (Sébastien Valle) contrebasse (Lionel Ehrart) ou bien encore la ballade Avec Alma (tiens, il ne se s’agirait donc pas de l’âme !) exposée plus classiquement par le pianiste et le sax ténor. C’est davantage les grandes orgues (avec toujours Sébastien Valle aux claviers) du jazz rock qui s’annoncent avec L’ombre du son. Liquid dream est plus fusion avec tour à tour un sax, un piano jazz et une rythmique rock électrique. Il en va de même de Climax avec batterie et claviers tandis que Rita’s Dance emprunte aux rythmes latino. Titre Electro enfin avec un Timeless très énergisant, Belles de nuit condensant quant à lui toutes ces influences.
Jazz acoustique, électrique, électro, éclectique pour Les Chapeaux noirs, sans perdre leur âme, pour autant.
Jean-Louis Libois
https://www.cdzmusic.com/release/chapeaux-noirs/
Jazz Family
Tristan Mélia : piano
Thomas Bramerie : contrebasse
Cedrick Bec : batterie
No problem,belle profession de foi dans la musique, suppose l’auditeur potentiel . Et il a bien raison car le leader du trio, le pianiste Tristan Mélia l’annonce d’entrée de jeu par un avant-propos programmatique au recto duquel on peut voir le clavier du piano faire face à un horizon de verdure. Le jazz, c’est la vie. Et la vie, c’est le mouvement, le rythme, la légèreté a raison de dire ce pianiste de 23 ans ayant fréquenté les Conservatoires de Région du Sud de la France, rencontré le trompettiste Christophe Leloil ou bien le pianiste Giovanni Mirabassi. Ainsi le CD doit-il son titre à la composition éponyme du pianiste américain Duke Jordan. En guise d’introduction,nous trouvons cette version insouciante et enthousiaste où le trio rythmique bat son plein par le piano certes de Tristan Mélia mais aussi par l’entremise du superbe contrebassiste Thomas Bramerie et de son co-équipier Cédric Bec à la batterie . Plus rêveuse est la version donnée du thème Too young to go steady (McHugh / Adamson) immortalisé par John Coltrane, repris par Keith Jarrett … Les marques sont prises et dès lors le pianiste peut puiser son inspiration dans les standards tout en avançant ses compositions personnelles. L’ensemble, s’il ne danse pas comme chez Michel Petrucciani, lui emprunte cette manière de faire chanter son piano qui a illuminé le jazz pendant près de deux décennies. Et la contrebasse n’est pas en reste dans cet enchantement( ainsi dans P.P.P).
La valse du clown, C mineur semblent dire autre chose dans leur titre certes. Pas complètement dans leur musique. C’est ainsi que Dernier espoir reste enjoué tandis que Why Not Blues renvoie plus au genre musical qu’au spleen du compositeur. Plus mélancolique -peut-être- s’affiche le thème de Percy Faith, Maybe September. En fin de programme -ou presque- un dernier standard de Burt Bacharach (That’s What Friends Are For) confirme l’homogénéité de l’ensemble du CD.
Tandis que les compositions personnelles puisent leur inspiration dans les standards, ces derniers en viennent à se confondre avec elles. Bien joué !
Jean-Louis Libois
Tristan Mélia est jeune, moins d’un quart de siècle. Le jazz qu’il aime et qu’il joue est plus ancien que lui. Ce n’est pas important en soi si c’est bien pensé et réalisé. Pour nous, le seul fait qu’il ait débuté son disque avec le « No problem » de Duke Jordan, si injustement oublié de nos jours, nous a paru de bon augure. L’on sent bien tout au long de l’album que son héritage jazzistique lui tient à cœur. Cela ne l’empêchera pas d’évoluer. En attendant, accompagné par le toujours infaillible Thomas Bramerie et le batteur nîmois Cedrick Bec, il propose dans cet album un jazz fait de mélodies à l’incontestable lyrisme. Le trio ne surjoue jamais et sait être léger et précis dans la ballade. Les standards qui complètent les compositions du pianiste sont triés sur le volet et c’st une bonne chose. Tristan Mélia est un jeune talent à découvrir pour celles et ceux qui aime le jazz qui raconte des histoires où passe l’ombre tutélaire de Bill Evans et le souvenir de Michel Petrucciani.
Yves Dorison
Camille Productions
Patrick Artero : trompette
David Blenkhorn : guitare
Sébastien Girardot : contrebasse
Guillaume Nouaux : batterie
Don Vappie : voix
Dans ce nouvel album, le trompettiste rend hommage à quelques-uns des grands trompettistes de l’histoire du jazz (Louis Armstrong, King Oliver, Tommy Ladnier, Rex Stewart, Roy Eldridge, Cootie Williams, Buck Clayton, Joe Newman…) car c’est avec eux qu’il s’est construit en tant que musicien. Au plus d’eux en musique donc, mais avec sa propre personnalité et un accompagnement judicieux. Pas d’effets de manche dans cet album, juste l’essence d’un jazz multiple et d’une époque qui vit l’émergence de cette musique dont on ne peut se passer, quel que soit le mode d’expression dans lequel elle opère. Aussi, faire intervenir les poèmes de Langston Hughes entre chaque morceau est une belle idée car tout ce qui permet de sortir du néant les textes de ce poète noir américain majeur du XXème est une nécessité. Un album fait pour les fans du passé ? Pourquoi pas. Mais également un album utile pour faire découvrir aux générations actuelles d’où vient la musique qu’elles écoutent.
Yves Dorison
https://www.camille-productions.com/portfolio/artero-family-portrait/
Auto-production
Miho Hazama : direction
Michael Thomas, Roman Filiu, Troy Roberts, Lucas Pino, Andy Gutauskas : saxophones
Sam Hoyt, Alex Norris, David Neves, Josh Deutsch : trompettes
John Fedchock, Matt McDonald, Nick Vayenas, Jennifer Wharton : trombones
Alex Wintz : guitar
Luis Perdomo : piano
Edward Perez : basse
Jimmy Macbride : batterie
Samuel Torres : percussions
Roulez jeunesse ! Un big band de jazz moderne américain de plus, version côte est, ça ne peut pas faire de mal. Emmenez par le contrebassiste Edward Perez et le saxophoniste Michael Thomas, ce big band nouvelle génération de dix-huit musiciens propose une musique alerte plutôt classique mais ne dédaignant pas quelques incursions du côté du soleil d’Amérique du Sud. Moins innovant qu’un David Dominique, un ton en-dessous d’un Bernie Dresel, moins déjanté qu’un Ed Palermo, moins groovy qu’un Paul Dietrich, il ne démérite tout de même pas bien que son académisme, certainement un défaut de jeunesse, soit un frein à l’exubérance qui fait depuis toujours le succès des big band d’obédience classique et néo-classique. Ces jeunes-là sont encore un peu trop sages mais cela devrait s’arranger car le potentiel est très nettement audible. Et puis c’est leur premier disque, réalisé grâce au crowdfunding (il n’y a pas qu’en France que les musiciens galèrent), et comme c’est déjà une gageure de faire vivre un grand ensemble, on ne peut que qu’encourager leur très louable initiative.
Yves Dorison
https://www.terrazabigband.com/home
Nunc
Jean-Sebastien Mariage, Richard Comte, Simon Henocq, Lauri Hyvärinen : guitares
Voici ce que l’on nous dit de ce CD : « quatre guitares, chacune accordée dans un système qui lui est propre, en relation avec un nombre premier distinct, avec pour point de départ la tierce sol si entre les cordes IV et V de la guitare ; tierce majeure pythagoricienne (de ratio 81:64), tierce majeur juste (5:4), tierce « neutre » de ratio 11:9, et tierce « septimal » 9:7 ; quatre guitares pour quatre mondes tonales, ou l’essentiel se passe dans l’intervalle, dans la relation que les sons se créent par eux-mêmes. Un certain rapport architectural, ou chaque note pourra être posée « là », au milieu d’un microcosme qui la dépasse mais dont elle est rouage. Avec pour fil directeur l’idée de dévoiler une forme de joie simple et modeste des sons, qui pourront nuancer, colorer les espaces et les être ou/pour qui ils seront diffusés. »
Nous pensions bêtement nous trouvé face à un mur du son électrique, genre furieusement débridé noisy punky etc… Mais ce n’est pas ça du tout. Quelques notes par ci par là qui ont nourri un phénoménal ennui, le nôtre, jusqu’à l’indigestion. Sur ce coup-là, les limites de notre cerveau s’avèrent patentes. Pourtant, nous l’avons écouté de bout en bout. Réservés aux connaisseurs ?
Yves Dorison
https://www.facebook.com/leo.dupleix
XM Records – Revive Music Group
Romain Collin : piano, moog Taurus, effets vocaux
Matthew Stevens : guitare
Obed Calvaire : batteries acoustique et électronique
Kazuma Jinnouchi : arrangements
Nul n’est prophète en son pays, c’est bien connu. Encensé de l’autre côté de l’atlantique comme étant un compositeur visionnaire, Romain Collin est encore assez méconnu par chez nous. Son nouveau projet prévoit trois sorties de disques réparties sur un mois et demi (la genèse, le sang, l’or). Basé sur des récits écrits par le pianiste, chaque CD raconte un pan de l’histoire. Dans cette première livraison, le travail sur les textures évolue au sein d’atmosphères pop rock progressives qui nous font autant penser à Radiohead qu’à d’autres formations plus anciennes, du même cru, favorisant le concept d’une narration plus proche du storytelling cinématographique que de l’œuvre musicale strictement inspirée par une œuvre littéraire. Si l’ensemble est effectivement très travaillé et musicalement avancé, que les sonorités peuvent aussi plaisantes qu’à certains moments surprenantes cela n’a pas suffi pour nous faire pénétrer dans ce monde à l’imagerie post-romantique qui nous demeure inaccessible. Ce ne sera pas le cas de tout le monde, fort heureusement, et d’autres que nous serons ravis d’écouter cette musique. Nous n’en doutons pas.
Yves Dorison
IM Jazz europe
Xavier Faro : piano et compositions
Alain Angeli : saxes ténor et soprano
Fabrice Camboulive : contrebasse
Laurent Meyer : batterie
Porté par des ambiances au lyrisme marqué, le deuxième album du Groupe Meajam à des atouts à faire valoir. Les quatre musiciens ont presque une décennie de collaboration derrière eux et cela s’entend immédiatement et si la couleur globale du groupe se situe au carrefour de plusieurs styles musicaux, cela ne l’empêche pas d’avoir une voix personnelle. Les instrumentistes savent entretenir le propos musical en faisant la part du jeu et n’en faisant surtout jamais trop. Et nous sommes tous d’accord (enfin nous le croyons) pour affirmer que la subtilité n’est jamais de trop quand il s’agit de musique. Or donc, si vous aimez la musique métissée reflétant un certain romantisme jazz dans lequel l’interaction n’est pas un vain mot, vous apprécierez ce disque.
Yves Dorison