| 00- RADKA TONEFF . Live in Hamburg - OUI !
| 01- PAUL COMBS . Unknown Dameron
| 02- PEG CARROTHERS . Beyond the blue horizon
| 03- TU DANSES ? TRIO . Songs of praise - OUI !
| 04- ANDERS LØNNE GRØNSETH / MULTIVERSE . Theory of anything
| 05- MARK TURNER MEETS GARY FOSTER - OUI !
| 06- FABIAN ALMAZAN . This land abounds with life
| 07- FRED HERSCH & THE WDR BIG BAND . Begin again - OUI !
| 08- DAVE LIEBMAN & RICHIE BEIRACH . Eternal voices
| 09- ERLEND APNESETH TRIO with FRODE HALTLI . Salika, Molika - OUI !
| 10- THE VERVE JAZZ ENSEMBLE . Night mode
| 11- HELLSKOTTA . Badibado
| 12- TROPICAL JAZZ TRIO
| 13- THE PETE MCGUINNESS JAZZ ORCHESTRA . Along for a ride
| 14- SATOKO FUJII . Stone
| 15- JEKITIBA
| 15- SHENYA STRIGALEV - FEDERICO DANEMANN . The change - OUI !


  RADKA TONEFF . Live in Hamburg

Odin Records

Radka Toneff  : voix
Steve Dobrogosz : piano
Arild Andersen : contrebasse
Alex Riel : batterie

Radka Toneff, musicienne norvégienne d’origine bulgare, est morte d’une overdose de barbituriques dans une forêt proche d’Oslo le 21 octobre 1982. Elle avait 30 ans. Elle n’a laissé à la postérité que quatre albums. Celui enregistré en concert qui est réédité aujourd’hui est le dernier. Il permet de voir l’étendue du talent d’une jeune femme qui mêlait les genres bien avant que ce soit la mode. Qu’elle se serve chez le sirupeux Michael Franks, chez Ornette, Archie Shepp ou Bob Dylan et Patti Austin, elle pose sur chaque titre une vision musicale personnelle forte. Techniquement impeccable, avec une souplesse rythmique qui pourrait en désespérer plus d’un, elle utilise tous les registres de sa voix, de la diaphanéité la plus évanescente à la force brute et pare sa musique d’une dimension émotionnelle à certains moments presque intimidante. Accompagné par un trio à la musicalité plus qu’éloquente, Radka Toneff, de sa voix presque éraillée, délivre dans cet enregistrement un set d’une densité inaccoutumée et cela nous aurait vraiment plu d’être présents au Onkel Pös Carnegie Hall de Hambourg le 10 mars 1981. Notons, pour vous donner envie (plus encore) de découvrir cette chanteuse à la carrière trop tôt interrompue, que son chef d’oeuvre « Fairytales », en duo avec Steve Dobrogosz, le disque de jazz le plus vendu en Norvège, a été réédité l’année passée. Une bonne idée pour nous puisque notre vinyl n’avait plus un sillon indemne et une chance pour vous que vous ne devriez pas laisser passer.

Yves Dorison


The life and times of Radka Toneff


  PAUL COMBS . Unknown Dameron

Summit Records

Paul Combs : saxophones, arrangements
Derek Cannon : trompette
Melonie Grinnell : piano
Ken Cook : piano
Bill Cunliffe : piano
Kamau Kenyatta : piano
Jeff Denson : contrebasse
Alex Frank : contrebasse
Rob Thorsen : contrebasse
Charles Ruggiero : batterie
Richard Sellers : batterie
Alex Aspinall : batterie
Danielle Wertz : voix

Serait-ce le disque de jazz mainstream de cet Appeal du disque ? Oui. De qui parlons-nous donc ? De Tadley Ewing Peake Dameron, plus communément prénommé Tadd. Mort prématurément en 1965 d’un cancer, il a, au milieu du XXème siècle, influencé plus d’un jazzman passé depuis à la postérité, Miles parmi tant d’autres. Dans ce disque, le saxophoniste Paul Combs, également auteur d’un ouvrage érudit sur le pianiste (Dameronia, The life and music of Tadd Dameron, University of Michigan Press), est allé chercher des thèmes composés par le natif de Cleveland mais peu ou pas enregistrés. Vous ne trouverez donc pas dans cet album « Tadd’s delight » et « If you could see me know », pas plus que « Good bait » ou encore « Lady bird ». De ces thèmes méconnus et toujours très mélodiques joués par le saxophoniste et différentes formations, on peut dire qu’ils portent indubitablement la patte de l’auteur et arrangeur brillant qu’il fut. Une esthétique encline à la subtilité, un swing aérien (Benny Golson et le Jazztet ont bien retenu la leçon), des concepts harmoniques novateurs et des nuances orchestrales inusuelles à l’époque où il les pensa, tout cela permet aux musiciens qui officient dans ce disque de faire un hommage respectueux et très musical à celui que Dexter Gordon appelait « the romanticist ». Et dans le cas de Tadd Dameron, l’élégance et l’aspect copurchic de ses compositions ne sont pas surannés, loin s’en faut. A redécouvrir par le biais de ce disque et, bien sûr, avec ses propres enregistrements.

Yves Dorison


http://paulcombs.com/Word_Press/


  PEG CARROTHERS . Beyond the blue horizon

Vision fugitive

Peg Carrothers : voix
Bill Carrothers : piano
Dean Magraw : guitares
Billy Peterson : contrebasse

La promo de ce disque dit, étrangement, que Peg Carrothers n’est pas une chanteuse de jazz, pas même une chanteuse. Elle serait seulement une femme qui chante. Mais une femme qui chante, n’est-ce pas une chanteuse ? Même si elle a déjà enregistré par le passé ? Un peu fumeux tout cela. Pour un peu, l’on oublierait presque de parler du disque. Avec un playlist hétéroclite qui pioche dans les standards typiquement jazz, le great songbook américain et la pop, la femme de Bill arrive, avec sa voix diaphane, à faire passer un message délicat, évanescent, presque spectral qui est loin d’être désagréable à écouter. Tout n’est que douceur et retenue, dans une sorte de mélancolie des grands espaces où le temps s’est arrêté de passer depuis belle lurette. L’ensemble est minimaliste et presque immatériel. Peg Carrothers, monsieur et leurs acolytes, arrivent finalement à magnifier cette petite musique de l’intime qu’ils travaillent au corps, dans ses moindres recoins, avec une habilité insigne qui ne manque pas de classe. On se laisse bercer sans effort par ce chant féminin bien accompagné, le chant d’une chanteuse qui chante comme une femme qui chante et qui est chanteuse… Et d’ailleurs, son mari n’est pas pianiste. Il joue du piano…

Yves Dorison


https://www.bridgeboymusic.com/peg/index.htm


  TU DANSES ? TRIO . Songs Of Praise

Jean-Marc Baccarini  : saxophones ténor et soprano
Philippe Canovas : guitare
Christian Mariotto : batterie
Patrice Taboni  : Djidiridoo

Fatto In Casa

Se frotter à J.C n’a jamais été une sinécure et peut même s‘avérer un chemin de croix pour qui ne sait pas s’y prendre. Ce d’autant plus que J.C est jugé insurpassable : agenouillés certains le prennent même pour un dieu. Mais que serait l’œuvre d’un homme si elle était finie et close ? Nous sommes grès au trio Tu danses ? de prendre là où ils l’entendent l’œuvre d’un musicien qui ne fut après tout qu’un homme. Ainsi la forme orchestrale de ce trio est la négation du quartet historique coltranien, exit contrebasse et piano. Nous rapprocherons alors cette relecture de l’interaction, lointain cousin du trio de Bill Evans mais indéniable parent des trios sans basse de Paul Motian autre exemple du jouer ensemble. Et le saxophone dans tout ça me direz-vous et bien ce n’est pas un crime de dire que la technique instrumentale de Jean-Marc Baccarini est par nature différente de celle de Coltrane dont la justesse au ténor et encore plus au soprano n’était pas infaillible mais là n’était pas l’essentiel tant l’intention musicale, la force tellurique des idées étaient primordiales chez Coltrane (pour s’en persuader on peut réécouter par exemple les concerts de Juan les Pins), toute stricte imitation serait alors immanquablement vouée à l’échec. L’écueil est ici évité avec talent mais encore faut-il trouver une voix, un son propre à soi, une unité qui ne peuvent s’acquérir qu’avec le temps. L’intention du trio est primordiale, la guitare inventive de Philippe Canovas, proche de Bill Frisell et la batterie de Christian Mariotto proche d’Elvin Jones jouent un rôle fondamental dans cette relecture du corpus coltranien période 1963-1966. Ce chemin on ne peut le trouver qu’avec la maturation, l’humilité et le calme nécessaires comme pour les cathédrales auquel cas on aboutit au saccage. Guitare, batterie, saxophone et djidiridou sur quelques plages, instrument à vent vieux de 20000 ans originaire d’Australie partagent dans cet enregistrement la vision d’un au-delà coltranien. Ainsi il n’existe pas de finitude, pas de monde fermé ou il s’effondrait alors sur lui même comme autant de flèches, l’humain a toujours regardé les étoiles brisant les plafonds de verre ou de pierres et nous pouvons affirmer sans crainte qu’il existe bien un avant et un après J.C. La preuve par ce disque.

Pierre Gros


https://www.fattoincasa.fr/
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  ANDERS LØNNE GRØNSETH / MULTIVERSE . Theory of Anything

Pling Music

Anders Lønne Grønseth : saxophones, clarinette basse
Hayden Powell : trompette
Espen Berg : piano
Audun Ellingsen : basse
Einar Scheving : batterie, percussions

Enregistré lors de la même session que le disque précédent,"Theory of Anything" possède les mêmes qualités avec un je ne sais quoi en plus qui a trait à la tradition classique. Spontanéité, intuition et exploration sont les bases de cette musique apaisante. Ici, le groupe privilégie la couleur et la dynamique des formes. Les cinq improvisateurs embarquent l’auditeur dans des sphères tonales attrayantes, notamment grâce au développement collectif qu’ils mettent en place et à la qualité de leur interaction. Et c’est véritablement cette écoute remarquable qui leur permet d’aboutir à une homogénéité qui en laissera plus d’un pantois. La musique se déploie tout au long du disque avec une lenteur nécessaire au sein de laquelle s’expriment pleinement toutes les nuances harmoniques. Les mélodies ont l’apprêt d’un jazz traditionnel mais ne le sont pas réellement, comme si les musiciens marchaient avec les semelles du passé sur les sentiers d’une contemporanéité nettement audible. Le mélange qui en nait est improbable mais ne laisse pas d’être intrigant jusque dans les moindres recoins de sa subtilité native. Un disque fort recommandé.

Yves Dorison


https://www.facebook.com/algronseth


  MARK TURNER MEETS GARY FOSTER

Capri Records

Mark Turner : saxophone tenor
Gary Foster : saxophone alto
Putter Smith  : contrebasse
Joe LaBarbera : batterie

Un hommage à Wayne Marsh, Lee Konitz et Lennie Tristano, c’est l’objet de ce disque indispensable où Mark Turner rencontre le légendaire Gary Foster de trente ans son aîné et collaborateur de Marsh par le passé. Avec ce quartet sans instrument harmonique, la liberté de jeu des saxophonistes prend le dessus. Rien ne les empêche de croiser le fer sans restriction. Propulsé par une rythmique au groove aussi efficace que classique, les deux saxophonistes entrelacent les mélodies complexes avec toute la force de leurs inventivités respectives. Leur technique, toute en agilité et en ingéniosité les place dans un espace musical qui relève du phénoménal. Tout dans ce double CD démontre leur respect des figures tutélaires auxquelles Turner et Foster vouent un culte. Cela ne le bride pas pour autant et ils savent faire entendre le talent original qui nourrit leurs travaux depuis longtemps maintenant. Plus étonnant encore, à l’écoute, l’on n’imagine nullement la différence de génération qu’il y a entre les deux saxophonistes. Mais il faut dire que c’est un disque de musiciens experts, alors… Et l’on ne parle pas là de technique uniquement. Les quatre apportent lors de ce concert une créativité et un sens du collectif qui multiplie le plaisir d’écoute. Assister à ce concert ne nous aurait pas déplu, pour sûr tant l’excellence tutoie les sommets. Jouissif !

Yves Dorison

Quelques mots supplémentaires sur cet enregistrement qui s’apparente à un hommage à l’école tristanienne mais également à un enregistrement hautement recommandable « Nec Plus Ulra » de 1969 dans lequel nous retrouvons Gary Foster, Warne Marsh plus Dave Parlato (le père de Gretchen et futur bassiste de Frank Zappa) et le batteur John Tirabasso. Même type de formation donc et si l’on connaît l’admiration que porte Mark Turner à Warne Marsh on est bluffé par sa faculté à se fondre dans les pas de son illustre ainé tout en gardant une personnalité reconnaissable entre mille. Gary Foster lui n’a pas perdu une once de sa verve. Aussi nous ne serions que trop vous recommander l’écoute de ces disques certes de musiciens mais surtout pour passionnés musiciens ou pas.

Pierre Gros


https://soundcloud.com/bk-music-pr/background-music-mark-turner-and-gary-foster


  FABIAN ALMAZAN TRIO . This land abounds with life

Biophilia Records

Fabian Almazan : piano, électronique, percussions
Linda May Han Oh : contrebasse, basse
Henry Cole : batterie
Megan Gould : violon
Monica Davis : violon
Karen Waltuck : alto
Eleanor Norton : violoncello

Natif de Cuba, élevé à Miami et résident aujourd’hui à Harlem, Fabian Almazan appartient à cette jeune génération de musiciens qui réinventent la tradition musicale de leur lieu de naissance. Pour se faire, il la mêle aux explorations les plus contemporaines du jazz d’aujourd’hui. Fabian Almazan le fait très bien, c’est le moins que l’on puisse dire. Accompagné par une paire rythmique que l’on peine à décrire tant elle est diabolique de précision, d’énergie maîtrisée et d’imagination, Fabian Almazan possède la chaleur bouillonnante, la vivacité et l’expansivité de ses origines. Ses qualités intrinsèques sont doublées d’une technique hors pair jamais envahissante alliée à un sens de la dramaturgie musicale époustouflant que l’on décèle immédiatement dans son écriture nourrie d’influences multiples, aussi bien classique que jazz et contemporaine. Animé par un feu intérieur communicatif, le trio excelle dans le débordement contrôlé et la tension ultime tout comme il sait être évanescent et souple dans les moments les plus intimistes. Les touches discrètes d’électronique participent à l’épaisseur du propos mélodique, le renfort d’un quatuor à cordes aussi. Ce disque très attachant ne rentre pas dans la case strictement cubaine mais plutôt dans un univers musical fédérateur, multiculturel, panaméricain qui transcende les genres et trouve son aboutissement dans une originalité réelle qu’il sera intéressant de suivre de près dans les années à venir.

Yves Dorison


https://www.fabianalmazan.com/


  FRED HERSCH & THE WDR BIG BAND . Begin again

Palmetto Records

Fred Hersch : piano
Paul Shigihara : guitare
John Goldsby : basse
Hans Dekker : batterie
Johann Hörten, Karolina Strassmayer, Olivier Peters, Paul Heller, Jess Neufang  : saxophones
Ludwig Nuss, Andrea Andreoli, Andy Hunter : trombones
Mattis Cederberg : trombone basse, tuba
Wim Both, Rud Bruynen, Andy Haderer, Ruud Breuls : trompettes

Pour ce disque enregistré à la fin du mois de janvier de cette année, Fred Hersch, dont le mérite artistique n’est plus à vanter depuis longtemps, s’est associé avec WDR Big Band de Cologne, l’un des grands orchestres le plus prisés d’Europe, auquel il a apporté sa musique. Et comme on peut toujours mieux faire, Vince Mendoza (déjà six grammy awards pour vingt-cinq nominations) était là pour arranger les compositions et conduire cet orchestre avec lequel il a collaboré par le passé (Randy Brecker, Joe Zawinul, Chano Dominguez,…). L’on dit communément de son travail qu’il est plein d’esprit, lyrique, et sophistiqué. Il était donc évident qu’il saurait se couler dans la musique toujours innovante du pianiste de Cincinnati. Ce que l’on écoute dans cet album, c’est donc la conjugaison de deux forces créatrices qui mettent en valeur les interprétations toujours expressives de Fred Hersch dans un format inhabituel pour lui. Les compositions sont toutes issues de précédents disques du pianiste, sauf une, et le rendu expert de l’ensemble, discrètement raffiné et toujours basé sur l’essence mélodique du compositeur, est humblement majestueux, si l’on peut se permettre. Les solistes ne sont pas en reste bien sûr et chacune de leurs interventions rehausse encore l’intérêt que nous portons à ce superbe enregistrement dont l’intelligence musicale ne peut que séduire l’auditeur. Begin again ? Quand ils veulent.

Yves Dorison


http://fredhersch.com/
http://vincemendoza.net/
https://www1.wdr.de/orchester-und-chor/bigband/


  DAVE LIEBMAN & RICHIE BEIRACH . Eternal voices

Jazzline

Dave Liebman : saxophones
Richie Beirach : piano

Quand deux amis de cinquante ans s’attaquent à des compositeurs classiques sur la musique desquels ils improvisent, qu’advient-il ? Laissons la parole au pianiste :
« Comment honorer les compositeurs emblématiques d’il y a 400 ans tout en créant quelque chose de nouveau et de pertinent pour notre époque qui, espérons-le, durera éternellement, voilà le défi. »
Et encore : « L’improvisation jazz, au niveau auquel nous aspirons, est en réalité une question de confiance mutuelle, de sentiments collectifs inconscients et d’inconnu. Le risque est réel, nous sommes parfois au bord du précipice d’une catastrophe. Quelle direction prendre dans l’instant présent ? Pas le temps, pas la possibilité de répéter, de diriger, de forcer la musique du duo à une idée préconçue, on est parfois à un pouce du kitsch ! Surtout dans le langage diatonique limité mais élevé de Bach, Mozart et Beethoven. Comme tous les grands chefs-d’œuvre, la difficulté et la satisfaction personnelle vont de pair. La pression merveilleuse de faire un enregistrement qui vivra pour toujours centre certainement l’esprit et l’âme. Nous ne sommes pas effrayés mais attentifs aux opportunités du moment. »

Vous savez quoi ? Quel que soit notre respect et notre admiration pour ces deux géants du jazz, nous avons trouvé que deux CD, c’était long. Dommage pour nous. D’autres accrocheront sans peine à cet univers musical quasiment incritiquable.

Yves Dorison


http://davidliebman.com/home/
http://www.richiebeirach.com/


  ERLEND APNESETH TRIO with FRODE HALTLI . Salika, molika

Hubro Records

Erlend Apneseth : violon Hardanger
Stephan Meidell : guitare acoustique baryton, zither, live sampling et électronique.
Øyvind Hegg-Lunde : batterie, percussions
Frode Haltli : accordéon

Dans la tradition de son label, le violoniste norvégien réunit les opposés en mêlant l’archaïsme et le modernisme, le folklore traditionnel de son pays, l’improvisation expérimentale et l’électronique. On retrouve dans cet album cette étrange sensation de ralentissement de la temporalité et l’expression d’une spatialité autre qui caractérisent, nous semble-t-il le cœur musical de ce pays. La sonorité particulière du violon Hardanger n’y est pas pour rien et son mariage avec l’accordéon de Frode Haltli et la guitare baryton de Stephan Meidell aussi. Hélas, les « spoken words » nous sont totalement inaccessibles, barrière du langage n’aidant pas. Fort heureusement, les voix entendues portent en elles une charge émotionnelle qui peut faire oublier le signifiant au profit de l’imaginaire. La variabilité du mouvement rythmique et les textures tout au long de l’album définissent l’esthétique propre à chaque composition. Le sentiment d’évoluer oralement dans un moyen-âge futuriste est assez étonnant pour être notée. Parfaitement rendue, comme toujours chez Hubro, cette musique surprendra certains mais devrait cependant rencontrer l’aval de tous car sa richesse intrinsèque est évidente et, pour tout dire, passionnante. Un voyage conseillé donc. Mais est-ce encore du jazz ? Euh… On s’en fout.

Yves Dorison


http://erlendapneseth.com/

En savoir plus sur le violon Hardanger


  THE VERVE JAZZ ENSEMBLE . Night mode

LightGroove

Alexa Tarantino : flûte, flûte alto, saxophone alto
Jon Blanck : saxophones ténor & soprano
Tatum Greenblatt : trompette, flugelhorn
Willie Applewhite : trombone
Steve Einerson : piano & claviers
Elias Bailey : basse
Josh Feldstein : Batterie

Conduit par le batteur new-yorkais Josh Feldstein, ce septet livre là son sixième disque depuis sa création en 2006. Autant dire que la cohésion est une des vertus de cet ensemble. Il a aussi pour lui l’intelligence et la finesse dans son exploration des standards. Également très musical en toute occasion, quel que soit le genre abordé, ce septet offre des interprétations d’une grande limpidité et d’une fraîcheur qui satisfont l’oreille sans jamais la lasser. En garants de la tradition du jazz, les musiciens reprennent de grands noms tels, Benny Golson, Antonio Carlos-Jobim, Wayne Shorter ou encore Joe Morello, encore célèbre aujourd’hui pour sa participation au fameux quartet de Dave Brubeck qui enregistra « Take five » et « Time out ». Il n’y a rien de révolutionnaire dans cet opus bien sûr, mais là n’est pas le propos. Et vous ne perdrez pas votre temps en écoutant ce disque qui propose un jazz classico-moderne pour lequel le public existe bel et bien. D’ailleurs on en fait partie. Écoutez notamment leur version de « Whisper note » et vous serez convaincus.

Yves Dorison


https://www.verve-jazz.com/


  HELLSKOTTA . Badibado

Periferi Records

Erik Skott : guitare
Sofi Hellborg : saxophones et samples
Göran Abelli  : trombone
David Carlsson : basses et moog basse
Andreas Baw : batterie et samples

Swedish beatgroovejazz… C’est ainsi que se définit ce quintet. Il n’a pas tort d’ailleurs. On retrouve dans certaines des boucles du disque des bonnes vieilles méthodes qui nous rappellent Teo Macero. On sait le succès qu’elles connurent, notamment avec Miles fin des années soixante début des années soixante dix. Ceci dit, le quintet sait être créatif et son univers musical par moment décalé est agréable aux oreilles. Les influences de chacun des musiciens puisent dans différents types de musique tels que le jazz, l’afrofunk, la worldmusic, la musique classique et le hiphop. Avec tout ça, plus quelques boucles et autres samples, Hellskotta constitue un conglomérat musical plutôt original. On sent entre les syncopes rythmiques que le sens de la fête est bien une composante de l’ensemble et l’auditeur ne devrait pas s’en plaindre. On peut se laisser porter sans efforts par les flux sonores qui font la part belle aux mélodies. Avis aux amateurs éclairés qui aiment se frotter à toutes sortes d’influences musicales.

Yves Dorison


https://hellskotta.wordpress.com/


  TROPICAL JAZZ TRIO . P.CARATINI / A.JEAN-MARIE / R.RASPAIL

French Paradox

Alain Jean-Marie : piano
Patrice Caratini : contrebasse
Roger Raspail : ka, congas, djembé, percussions

Quand trois vieux briscards de la scène jazz, au sens élargi du terme, se retrouvent autour du soleil, cela donne un album serein et lumineux avec des œuvres de compositeurs Guadeloupéens, Martiniquais, Cubains, du jazz américain et des compositions du pianiste et du contrebassiste. Chacun des trois amis apporte sa patte personnelle, lustrée par les ans, et l’ensemble est un exemple de raffinement sans fioritures inutiles. Rythmée, bien évidemment, la musique du trio emprunte à tous les codes du jazz tropical sa substantifique moelle. L’ensemble est plus que solide et la légèreté de mise, si l’on ose dire. Le répertoire est savamment orchestré et ce disque épicé ravira les amoureux de cette musique aux saveurs caribéennes marquées.

Yves Dorison


http://www.caratini.com/programmes/page18/tropical_jazz_trio/index.html


  THE PETE MCGUINNESS JAZZ ORCHESTRA . Along for the ride

Summit records

Pete McGuinness : trombone, voix, direction, compositions et arrangements
Dave Pietro, Mark Phaneuf, Tom Christensen, Rob Middleton, Dave Riekenberg : saxophones
Tony Kadleck, Jon Owens, Bill Mobley, Chris Rogers : trompettes
Bruce Eidem, Mark Patterson, Matt Haviland, Jeff Nelson : trombones
Mike Holober : piano
Andy Eulau : basse
Scott Neumann : batterie

Encore un big band américain ! Dans la grande tradition du jazz bien léché. Tout est tiré au cordeau. Les harmonies coulent de source. Les mélodies se ramassent à la pelle. La playlist, un mélange de compositions originales et de standards, est efficace. Sur le « You must believe in spring » de Michel Legrand, Pete McGuinness chante et scatte avec une voix au voile léger qui swingue parfaitement et les arrangements le suivent avec une finesse non négligeable. Il y a du nerf quand il en faut et de la douceur au moment opportun. Professionnel en diable, l’orchestre évite les chausse-trappes du genre sans pour autant sortir vraiment du lot. Les solistes font bien leur travail. Bref, tout va pour le mieux dans cet espace musical idoine. Sauf que selon nous, il manque un peu de fantaisie à cet ensemble dont le talent est cependant évident. A vous de vous faire une idée.

Yves Dorison


http://petemcguinness.com/


  SATOKO FUJII . Stone

Libra Records

Satoko Fujii : piano

La pianiste japonaise qu’un critique un jour a qualifiée « d’Ellington du Free jazz » livre avec cet album solo un moment de profonde introspection pour le moins fascinant et abstrait. Inspirée par la perte d’audition de sa grand-mère décédée qui lui disait qu’elle pouvait entendre en elle une musique inédite et indescriptible, la pianiste s’est demandé quelle musique nous entendrions si son ouïe ne fonctionnait plus. Elle utilise dans ce contexte toutes les parties du piano : le cadre métallique, les cordes, le corps même de l’instrument. Il sort de cette exercice une musique ou un ensemble de sonorités qui vont de l’insaisissable à l’abscons, du magique à l’énigmatique. Le silence œuvre pour une grande part entre les bribes de mélodies, les échos et les résonances. Fascinant dans son abstraction, disions-nous, cet album le sera pour certains. Les autres risquent d’opérer un rejet radical. Satoko Fujii propose là un univers narratif, à écouter ou à laisser, porté par une atmosphère unique entièrement tournée vers le méditatif et la quête d’un ailleurs musical éminemment personnel.

Yves Dorison


http://www.satokofujii.com/


  JEKITIBA

Aurasky Music

Rodrigo Vania : guitares
François Faure : claviers
Matthieu Eskenazi : basse
Jeff Ludovicus : batterie

La musique de ce quartet (encore inconnu de nos oreilles) se base sur des rythmes africains et brésiliens qui pourrait la rapprocher des musiques du monde. L’ensemble sonne néanmoins très jazz et, plus particulièrement, jazz électrique des années quatre-vingt, version west coast. Des sonorités claires, des compositions très mélodiques qui promènent sur des rythmes bien nets une forme de nonchalance qui s’accorde parfaitement avec le soleil et les palmiers du lieu précité mais qui peut de temps à autre prendre une soudaine ampleur et captiver l’auditeur. Travaillée au cœur, la musique de ce quartet est précise et fluide, ce qui n’est pas déplaisant, loin s’en faut. Un disque hybride bien construit avec des musiciens soucieux de ne pas trop en faire, ce qui est toujours une qualité que nous remarquons.

Yves Dorison


http://www.auraskymusic.com/artists/jekitiba


  ZHENYA STRIGALEV & FEDERICO DANEMANN . The change

Rainy days Records

Zhenya Strigalev  : saxophone
Federico Dannemann : guitare
Obed Calvaire  : batterie
Luques Curtis : contrebasse

Zhenya Strigalev aime être libre par dessus tout et sa musique traduit bien cette urgence fondamentale qui l’habite. Avec ce disque à la couleur rock, mais pas que, enregistré à Saint Petersbourg, il expose en compagnie du guitariste argentin Federico Danemann ses états d’âme avec une vigueur peu commune. Virtuose et inspiré, il l’est. Alors, et sans occulter aucun de ses dons, il est à même de porter loin l’exigence sur la forme comme sur le fond. Il en découle une musique à l’esprit combatif et festif, toujours prête à tutoyer l’ailleurs et à laquelle l’on trouve quelques affinités avec son altesse Jimi H., notamment dans sa capacité d’improbabilité exploratoire. Poussés par une rythmique taillée dans un granit éclairé de veines limpides, Luques Curtis et Obed Calvaire, lui et son comparse guitariste (aux accents de temps à autre Old Sco) tricotent un jazz d’aujourd’hui excessif, plein d’esprit, dont les mélodies gonflées à la vitamine post punk déraillent à merveille, éructent et éclatent de rire, ou de rage, quand ça leur chante. A la fin du long avant dernier morceau, sur un rythme reggae surgi de nulle part, il présente avec conviction ses musiciens comme s’il était sur scène… Sympathique et déjanté, ardent et fécond, joliment déraisonnable, ce CD au caractère bien trempé est fait pour toutes les ouïes avides de musique nutritive, engagée dans une création d’obédience libertaire.

Yves Dorison


http://www.zhenyastrigalev.com