Vu le nombre de Cds reçus pour cette rentrée, pas sûr que la Covid est ralenti la production de Cds !!!
| 00- J.D. ALLEN . Toys /
| 01- DOMINIK WANIA . Lonely shadows
| 02- MAT NAJEAN BIG BAND . Panorama
| 03- OJKOS . Alea jacta est
| 04- KEN STEELE & PETER CURTIS . Steele in love
| 05- CAT TOREN’S HUMAN KIND . Scintillating beauty - OUI !
| 06- MARIUS NESET & DR BIG BAND . Tributes
| 07- ANTOINE PIERRE URBEX ELECTRIC . Suspended
| 08- JEAN FRANCOIS PAUVROS . A tort et au travers
| 09- ADONIS ROSE . Piece of mind, live at Blue Llama
| 10- LOUIS MATUTE . How great this world can be
| 11- MARIA PIA DE VITO . Dreamers
| 12- RAY RUSSELL . Fluid architecture
| 13- MICHAEL WOLLNY . Mondenkind
| 14- KENNY WASHINGTON . What’s the hurry
| 15- TERJE RYPDAL . Conspiracy
| 16- ERIC REVIS . Slipknots through a looking glass - OUI !
| 17- YVES ROUSSEAU SEPTET . Fragments - OUI !
| 18- LIEBMAN / BRECKER / COPLAND / DRESS / BARON . Quint5t
| 19- MATT HAVILAND . Something to say
| 20- BALDYCH / COURTOIS / TELDERMAN . Clouds - OUI !
Savant Records
J.D. Allen : saxophone tenor
Ian Kenselaar : contrebasse
Nic Cacioppo : batterie
JD Allen est un musicien discret. Cela ne l’empêche aucunement de poursuivre le chemin qu’il se trace et qui confirme, d’enregistrement en enregistrement, qu’il est un artiste sur lequel on peut compter. Dans ce trio sans soutien harmonique, sa personnalité s’impose sans fard mais avec force. En s’appuyant sur une rythmique à la puissance nuancée, il laisse parler sa fluidité et la met au service d’un swing efficace et inspiré. Doté en outre d’un vibrato remarquable, il sait narrer sa musique avec une originalité patente en n’éternisant pas ses phrases, donnant ainsi une forme de nervosité souple à son discours. Quelque part en Sonny Rollins et John Coltrane, JD Allen et sa rythmique (Ian Kenselaar et Nic Cacioppo, tous deux excellents en remplacement de Gregg August et Rudy Royston appelés vers d’autres cieux) oscillent entre avant-garde et tradition et nous livrent des mélodies pures exprimant avec justesse une sombre gravité et un lyrisme en demi-teinte. Approchant la cinquantaine et revenu de tout, JD Allen ne s’occupe plus que de sa musique. Il la creuse encore et encore et la laisse parler pour lui en toute sincérité, entre braises incandescentes et quête de sérénité.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/cross.damon.3/
Ecm
Dominik Wania : piano
Formé à la musique classique, le pianiste polonais Dominik Wania ne fait rien pour nous en dissuader, même (ou surtout) quand il enregistre pour Ecm. Cela ne nuit cependant en rien à ses qualités d’improvisateur, ce qu’il démontre brillamment dans ce disque qui pourrait selon nous devenir une référence incontournable du catalogue de Manfred Eicher. L’ensemble de la musique jouée dans cet album donne une impression de mouvance liquide dans laquelle évoluent les arabesques que le pianiste dessine au gré de sa fantaisie. Avec un sens du rythme superfétatoire, Dominik Wania alterne les ambiances au sein même d’un discours dont le chatoiement n’est pas la moindre des qualités. En toute honnêteté, nous avons plus souvent songé que nous écoutions un disque de musique classique plutôt qu’un disque de jazz. Et cela ne nous a pas dérangés plus que cela. Quand la musique est belle, peu importe son genre supposé. Dominik Wania possède un univers qui lui est propre et il sait parfaitement traduire musicalement les émotions contenues qu’il recèle.r Son sens de l’espace et sa respiration pour le moins originaux l’atteste tout au long de cet album auquel l’on s’attache sans même s’en rendre compte.
Yves Dorison
https://culture.pl/en/artist/dominik-wania
Juke Records
Cait Jones : chant
Noé Codjia : trompette
Edouard Wallyn : trombone
Mat Najean : saxophone
Bastien Brison : piano
Romain Vuillemin : guitare
Edouard Pennes : contrebasse
David Paycha : batterie
Mat Najean pourrait avoir une centaine d’années mais les photos contredisent cette assertion. Avec ses collègues (aussi vieux que lui…), il nous embarque pourtant dans un univers swing qui nous rappelle une époque que nous n’avons pas connu, vu qu’on n’était pas né et qu’on est pas tout jeune. C’est vous dire. Lui et ses collègues sont-ils fan d’anthropologie musicale ? Allez savoir. Toujours est-il que la musique qu’ils offrent en partage n’est faite que de compositions originales et qu’elle reflète, à la manière de, une esthétique qui n’a plus vraiment cours de nos jours. Rien que pour cela, le disque vaut le détour. Les Ellington et autres Basie ou Goodman sont des références évidentes. Il y a pire, non ? Le groupe quant à lui s’amuse sur ces morceaux arrangés avec goût et l’on sent bien que les musiciens prennent un vrai plaisir à jouer ensemble dans cette ambiance-là. L’intervention sur quelques titres de la chanteuse new-yorkaise Cait Jones apporte joliment de l’eau à un moulin qui tourne déjà parfaitement rond sans elle. Mais pourquoi se priver quand on peut toujours en rajouter ? A écouter par ceux qui ont bloqué le compteur il y a longtemps et par ceux qui sont naturellement curieux de tout.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/matnajeanjazzband/
Odin Records
Henriette H. Eilertsen : flute & alto flute (solo on track 9/10)
Rakel E. Paulsen : flute
Marie Rotevatn : clarinette / clarinette basse
Tina L. Olsen : saxophone baryton
Richard Köster : trompette (solo on track 5)
Jakob E. Myhre : trompette (solo on track 8)
Lyder Ø. Røed : trompette (solo on track 4)
Johannes F. Solvang : trombone
Andreas Rotevatn : trombone (solo on track 1/6/8)
Steffen Granly : tuba
Kristoffer Håvik : rhodes / moog (solo on track 3)
Arne Martin Nybo : guitare
Mike McCormick : guitare / Laptop (laptop solo on track 9)
Alexander Hoholm : basse
Knut K. Nesheim : vibraphone, percussion
Henrik Lødøen : batterie
Ojkos ? Orkesteret for jazzkomponistar i Oslo, en norvégien dans le texte. Soit seize musiciens compositeurs, réunis depuis 2018 sous la houlette d’Andreas Rotevatn. Prêts à tout pour défricher ce qui peut l’être encore, ils font preuve dans ce disque d’une bonne dose d’inventivité. Le résultat est franchement intéressant. On ne sait pas vraiment de quoi il s’agit, du jazz ou autre chose, un genre à part ? Quoi qu’il en soit, c’est une musique qui ne manque pas de sophistication, dans la composition comme dans le traitement, et qui s’avère au final assez simplement lisible. Inspirée par Stravinsky, Davis, Quincy Jones ou encore Avicii (un DJ décédé), elle déroule des climats changeants et toujours mélodiques qui séduisent aisément. Sa particularité réside dans la façon de procéder de tromboniste qui dirige l’ensemble. Après l’enregistrement en studio, il revient sur le matériel enregistré et ajoute ce que les musiciens ne peuvent pas faire en direct. C’est ainsi que l’on croise la voix Charles Manson bidouillée à l’autotune et d’autres sonorités issus de l’imagination fertile du musicien précité. Ce n’est certes pas révolutionnaire. Les Beatles sont parmi les pionniers, ou encore Teo Macero avec Miles, époque « On the corner », entre autres. Mais il faut bien dire ici que l’enregistrement ainsi peaufiné est très attractif.
Yves Dorison
Bella barktalk Records
Ken Steele : chant
Peter Curtis : guitare
Baba Elefante : contrebasse
Un crooner canadien, voix de velours et tout et tout ! Parfaitement inconnu de nos oreilles. Eh oui, plus on creuse, plus on creuse, euh… Bref, ce crooner-là, il n’est pas né de la dernière pluie et, à l’écoute de sa voix, on n’imagine pas le moins du monde qu’il a 91 ans… Accompagné par un guitariste à la technique et au feeling impeccables (qui donne également des récitals de musique classique), il fait défiler les standards avec une constance fort sympathique, des standards soigneusement choisis, des plus connus à d’autres plus confidentiels. Un discret contrebassiste se joint au guitariste et au chanteur sur la majorité des morceaux. L’ensemble est absolument classique, ce qui n’est pas un reproche. Et l’on se voit volontiers assis dans un club, tranquillement posé devant un verre, en train d’écouter ce trio délivrer la bonne parole d’un jazz au final assez intemporel. Et si Ken Steele, dans la plus stricte orthodoxie, fait le boulot avec une remarquable sobriété, son compère guitariste s’autorise quelques soli bien sentis du plus bel effet. Pour nous faire plaisir (enfin on croit) une version joliment sensible de « The more I see you » est incluse dans la playlist. Et nous, on aime beaucoup ce morceau. Un disque de qualité à découvrir, idéal pour ralentir le temps qui passe.
Yves Dorison
https://www.petercurtismusic.com
Panoramic Records
Xavier Del Castillo : saxophone
Yoshie Fruchter : oud
Cat Toren : compositions, piano
Jake Leckle : contrebasse
Matt Honor : batterie
Eivind Opsvik, Chris Gestrin : percussions
Cat Toren est une pianiste dont l’univers musical se démarque résolument des genres en n’étant que lui-même. Emprunte de spiritualité, sa musique évolue dans des sphères aux flux mélodiques intenses qui côtoient l’abstraction lyrique avec conviction. Dans son quintet, la présence d’un joueur d’oud bouscule les codes et donne une dimension autre au groupe qui aime à naviguer dans les méandres de tonalités sombres. Inspirée entre autres par deux citations de Martin Luther King, Cat Toren laisse sa musique grande ouverte sur l’improvisation collective et l’influence inhérente à chacun des musiciens est le fil conducteur qui offre à l’exploration ses meilleures chances d’aboutir à un ensemble unificateur. Cathartique par essence, la musique de Cat Toren se veut un baume sur les blessures (elle a d’ailleurs un diplôme de formation en guérison sonore) que le monde moderne nous inflige. A l’écoute, ce disque présente une forme musicale à combustion lente, comme un feu dans l’âtre qui crépite paisiblement mais ne cesse de surprendre par la soudaineté de ses éclats. Une belle découverte.
Yves Dorison
Act
Maris Neset : saxophones soprano et ténor
Danish Radio Big Band dirigé par Miho Hazama
Marius Neset confirme avec ce disque remarquable ses qualités de compositeur original toujours prêt à sortir des sentiers rebattus sans se départir pour autant de l’adn jazz qui est le sien. Avec le Danish Radio Big Band, qui demeure une des grandes formations emblématiques de la scène jazz européenne, le saxophoniste norvégien clôt une parenthèse danoise longue de dix-sept ans. On retrouve dans cet enregistrement son lyrisme et sa virtuosité échevelée caractéristique, mis au service de compositions complexes dans certaines desquelles les citations ne manquent pas (Meldhau, Queen, Grieg, Malher, Beethoven…). D’une tonalité joyeuse, sinon enjouée, ce bel album de jazz contemporain brille par ses structures très amples et met en valeur les solistes de l’orchestre autant que le leader et compositeur. A noter que la direction du Big Band a été confiée à une cheffe d’orchestre (également arrangeuse et compositrice), aussi jeune que Marius Neset, dont on devrait reparler dans les décades à venir.
Yves Dorison
http://www.mariusneset.info
https://www.mihohazama.com
Outnote Records
Antoine Pierre : batterie et compositions
Jean Paul Estévenart : trompette
Bram De Looze : piano
Bert Cools : guitare, électronique
Felix Zurstrassen : basse
Fred Malempré : percussions
Invités :
Bern Van Gelder : saxophone alto
Reinier Baas : guitare
Jozef Dumoulin : fender rhodes, électronique
Le jazz belge se porte bien et ce n’est pas une nouveauté. Antoine Pierre en est une des figures montantes (on se souvient de lui tout jeune derrière Philip Catherine au festival A Vaulx Jazz en 2011). Dans cet enregistrement en public, dont les compositions sont un hommage vibrant à la période électrique de Miles, on prend la pleine mesure de son talent de compositeur. Il n’est pas simple en effet de se référer à la star ultime sans le copier. Antoine Pierre y parvient en créant un espace musical propre au sein duquel il distille l’esprit de cette époque passée où Miles, dans sa frénésie exploratoire, aimait à casser les codes. Habitée de moments fiévreux et de séquences plus flottantes, la musique aventureuse d’Antoine Pierre fait preuve de singularité et se révèle dans sa diversité d’approche parfaitement homogène. Relayée par des musiciens incisifs et précis, elle possède toutes les qualités nécessaires pour éviter de nous lasser. Un pari réussi qui renouvèle un genre identifiable entre tous et largement dépositaire de la personnalité ombrageuse du trompettiste d’Alton.
Yves Dorison
antoinepierremusic.com
Nato
Jean-François Pauvros : guitare, chant
Antonin Rayon : orgue, clavinet
Mark Kerr : batterie, chant
L’inclassable Jean François Pauvros sévit toujours et comme d’habitude en toute liberté. A la tête de ce trio créé en 2017 avec Antonin Rayon et Mark Kerr (le frère de Jim, Simple Minds, vous voyez ?), il prend plaisir à mettre du feu sur le feu. C’est une forme de free rock bruitiste et endiablée dans laquelle le trio s’amuse à contrôler l’incontrôlable pour mieux déraper et se laisser glisser par moment vers quelques plages plus alanguies et plus mélodiques. L’ensemble se savoure également par les paroles, qu’elles soient composées par le guitariste ou son batteur ou encore par Rimbaud, car elles définissent l’esthétique globale du projet. Curieusement en phase avec son époque, le trio la traverse musicalement pour le meilleur en appuyant là où ça fait mal. Souvent proche du noir dans lequel les trois musiciens se déchainent, leur musique suinte par tous les pores pour mieux « anéantir cette comédie » où les moindres états d’âme deviennent des opinions péremptoires, des mantras ou toutes sortes de foutues conneries aussi insipides et essentielles qu’un discours de premier ministre (de deuxième, de troisième, etc). Montez le volume au-delà du supportable et laissez-vous décrasser le cerveau, à tort et au travers bien sûr. Sachez enfin que Jean-François Pauvros n’est pas remboursé par la Sécu. On se demande bien pourquoi.
Yves Dorison
http://www.natomusic.fr/index.php
Storyville Records
Adonis Rose : batterie
Tia Fuller : saxophone alto
Maurice Brown : trompette
Sasha Masakowski : chant
Miki Hayama : piano
Jasen Weaver : contrebasse
Il est clairement dit dans les notes que ce sextet se référent au VSOP quintet d’antan. Comme ça, vous savez où vous mettez les pieds. Et de fait, c’est bien de cela qu’il s’agit. Ce n’est cependant pas une pâle copie de l’original. Avec d’excellents musiciens, notamment l’incandescente Tia Fuller au saxophone), le batteur met un point d’honneur à faire sonner la musique d’un groupe et pas seulement celle que le leader a dans la tête. Capté live dans un club doté d’un chaleureux public, la formation déroule son savoir-faire avec un groove à réveiller les morts. Très seventies dans l’esprit, plutôt contemporain dans l’exécution, la musique jouée ici met en valeur les solistes ; et que je te pousse les aigus par ci, et que je fulmine dans les graves par là. De quoi faire réagir les auditeurs du disque comme le firent les spectateurs lors de l’enregistrement du Cd. Avec enthousiasme. Le Rhodes et sa chaleur caractéristique habille tout cela d’une sonorité à l’onctuosité sexy (nettement plus 70’s que 2020 : si avec ça je m’fais pas tirer dessus…) et le tout s’écoute sans déplaisir aucun. C’est même plutôt cool de revisiter de la sorte tout un pan musical qui ne manquait pas de piquant. A vous de vous faire une idée. Let’s groove...
Yves Dorison
https://www.facebook.com/iamadonisrose/
Autoproduction
Louis Matute : guitare
Léon Phal : saxophone ténor
Virgile Rosselet : contrebasse
Nathan Vandenbulcke : batterie
Malgré sa jeunesse, Louis Matute s’est déjà fait un nom dans Suisse natale et il est plus que probable qu’il dépasse rapidement les frontières helvètes. A la tête d’un quartet régulier, il propose une musique bien dans son époque, un jazz d’aujourd’hui au sein duquel les influences métissent autant qu’elles construisent l’originalité du propos. Dotée d’une énergie très positive, sa musique fait la part belle à des mélodies chaleureuses et souvent entêtantes, notamment grâce à un sens de la composition qui les rendent redoutablement efficaces. Avec une rythmique solide sur laquelle peuvent s’appuyer les solistes, les morceaux s’enchaînent de façon harmonieuse, ce qui est le propre d’un projet bien construit. Quelquefois proche des musiques du monde, l’album possède une variété de couleurs que les musiciens parviennent à marier afin de nourrir un flux musical marqué par une expressivité patente. Sous ses atours festifs, la musique de Louis Matute ne manque pas de sensibilité et ses atmosphères devraient encore s’enrichir avec le temps. Nous n’en doutons pas.
Yves Dorison
Jando music
Maria Pia De Vito : chant
Julian O. Mazariello : piano
Enzo Pietropaoli : contrebasse
Alessandro Paternesi : batterie
Roberto Cecchetto : guitare (2)
Paul Simon, David Crosby, Bob Dylan, Joni Mitchell et Tom Waits sont au programme de ce nouvel album de Maria Pia De Vito. Les titres enregistrés n’ont pas été choisis au hasard. Ils sont tous représentatifs de l’engagement politique et social de ces musiciens à l’orée des années soixante-dix, quand la jeunesse ruait dans les brancards et la guerre du Vietnam faisait des ravages de toutes parts. Et si ces chansons sont encore pertinentes aujourd’hui, c’est par leur qualité d’écriture. Avec des textes le plus souvent emprunt d’une réelle poésie, elles ont marqué leur époque et l’imaginaire des auditeurs plus durablement encore. La voix charismatique de Maria Pia De Vito leur rend hommage et, si la chanteuse sait merveilleusement se les approprier, elle a la grâce nécessaire pour ne pas les dénaturer. Parfaitement entourée par son quartet, elle construit tout au long du Cd un pont entre les époques, à cinquante de distance, qui révèlent qu’en tout temps les aspirations humaines fondamentales sont les mêmes. Peace and love, comme on disait alors. Mais bon, connaissez-vous d’autres mots sympas qui feraient le même effet ? Money and Trump ? Cacahuète et macronite ? Matteo Salvini et tolérance ? Finalement, on va rester sur l’expression emblématique précitée. Et de toutes les façons, les rêveurs et les utopistes finissent toujours par avoir raison. Il suffit d’attendre.
Yves Dorison
Cuneiform Records
Eric Baldwin : trouveurs de sons, créativité séquentielle
George Baldwin : basse, chapman sticks (2,5,8)
Chris Briscoe : clarinette ténor et saxophone soprano (2,8,9)
Ray Russell : guitare
Ralph Salmins : batterie (9)
Jim Watson : claviers (2,5,8)
Le guitariste anglais n’est pas inconnu de nos platines. A 73 ans, il continue de faire ce qu’il a toujours fait. Une musique hybride entre liberté exploratoire et rock progressif. On pourrait aussi parler de fusion mais cela nous semble un peu réducteur. Animé par un expressionnisme cinématique, Ray Russell sait créer des atmosphères tonales inimitables et construire des architectures sonores qui n’appartiennent qu’à lui. Sa guitare, il la voudrait toujours plus organique. Les notes qu’il en tire propulsent sa musique avec éclat. Ici, l’expérimentation est une marque de fabrique. On pense à Zappa, à Sonny Sharrock pour l’aspect un tantinet psychotique qui traverse l’ensemble de ces paysages soniques aux textures riches d’effets. Si l’on ajoute que son vocabulaire musical privilégie un lyrisme pleinement assumé et une propension aux décalages jouissifs, vous comprenez que l’on a affaire à un disque qui méritent bien nos deux oreilles, si tant est que l’on veuille en faire le tour de manière exhaustive ou presque. Comme beaucoup d’autres, Ray Russell est reconnu par ses pairs et plutôt inconnu du grand public. C’est dommage.
Yves Dorison
Act
Michael Wollny : piano
Enregistré en trio (Eric Schaefer à la batterie, Christian Webert à la contrebasse), entendu à jazz sous les Pommiers en duo ( Joachim Kuhn), le pianiste allemand Michael Wollny s’annonce, cette fois-ci, en solo avec ce nouvel enregistrement Mondenkind. Mondenkind soit Moon Child en anglais est un disque plein de références et de fantaisies. Sous un apparent classicisme, le pianiste surprend à chacun des titres. L’imagination est au pouvoir avec ses rêves méliessiens de créatures extra terrestres (un animal imaginé par Méliès) et ses diableries obsédantes (Father Lucifer) . Il faut dire qu’il associe son expérience de soliste à celle de l’astronaute Michael Collins qui dans l’espace ne disposait que de 46 minutes et 38 de contact avec la terre soit la durée de son disque précisément ! On pense aussi parfois à Eric Satie dans son apparente sagesse mélodique et à ses saillies musicales, parfois aussi à des musiques de films muets ; sauf qu’ici le plus souvent les compositions originales sont des films à elles seules, avec leurs propres images. Des accents contemporains croisent aussi ces titres et l’on ne s’étonne pas de trouver au passage deux compositions d’Alban Berg et de Paul Hindemith.
Ce voyage dans la lune et la mise en orbite du pianiste se révèlent avant tout intimiste et cet exercice en solo qu’il s’autorise ressemble davantage au voyage intérieur d’un « musicien confiné » dans son studio d’enregistrement qu’à une vision de l’infini. Avec l’imagination pour seul horizon.
Dans sa chronique à propos d’un disque paru en 2015, Thierry Giard évoquait déjà « Une musique d’une grande sérénité » (Pile de disques, septembre 2015).
Jean-Louis Libois
Lowet 9th Records
Kenny Washington : cahnt
Josh Nelson : piano
Gary Brown : basse
Lorca Hart : batterie
Jeff Massanari : guitare
Mike olmos : trompette
Peter Michael Escovedo : bongos
Dan Feizli : contrebasse
Jeff Cressman : trombone
Ami Molinelli-Hart : percussions
Un autre chanteur d’obédience mainstream dans cette vitrine. C’est assez rare pour signalé. A 63 ans, Kenny Washington n’est pas un petit nouveau dans le métier. Il a déjà souvent trainé ses guêtres avec Wynton Marsalis, a côtoyé Elvis Costello et Nancy King ou encore glané un Grammy Award avec le Pacific Mambo Orchestra. « What’s the hurry » est pourtant son premier disque sous son nom. Sur une liste de standards connus de tous et différemment accompagné au gré des titres, le natif de la Nouvelle Orleans promène son talent avec une apparente décontraction et un swing ne masquant pas ses capacités à nuancer à tout moment son chant. Sincère et certainement trop modeste, il ne fait jamais dans la surenchère, mais son chant n’en est pas moins sensible et évocateur et chaque titre interprété, si l’on excepte un ou deux morceau plus relevés, est en soi pétri d’une émotion discrète mais véritable. Vous l’avez compris, Kenny Washington ne fait pas dans l’ostentatoire à tout crin. Il préfère utiliser l’étendue de sa tessiture et l’espace pour poétiser avec un goût très sûr chacun des standards qu’il aborde. Et comme ses accompagnateurs le comprennent parfaitement, son disque vaut le détour, un détour que l’on prolonge avec un plaisir gourmand. C’est du jazz…
Yves Dorison
https://www.kennywashingtonvocalist.com
Ecm
Terje Rypdal : guitare
Ståle Storløkken : claviers
Endre Hareide Hallre : basse, basse fretless
Pål Thowsen : batterie, percussions
Terje Rydal, pilier de la maison Ecm, grand spécialiste de l’atmosphère à la norvégienne, genre « il y a plein de lumière entre chien et loup » (mais c’est pas Carthagène non plus), poète de la stratocaster, sort son premier album studio depuis vingt ans, ce qui ne signifie pas qu’il n’a rien fait pendant tout ce temps. A 73 ans, il en profite pour faire un retour à ses origines avec un disque planant et sauvage dans la veine de ceux qui l’ont rendu célèbre (Odissey, Waves, etc). On ne va pas s’en plaindre, même si à l’époque ce n’était pas toujours facile de retourner la galette vu que les cakes avaient un goût bizarre. Il y a donc un peu de rock psychédélique dans cet album et une bonne dose d’ambiances et de couleurs propres à faire décoller les rêveurs impénitents se sentant à l’étroit dans leur réalité. Terje Rypdal possède depuis toujours un sens de l’intrigue qui est la marque véritable de sa musique. Certains le détestent, d’autres ne jurent que par lui. Nous, nous sommes entre les deux et l’on prend plaisir à écouter cette musique riche de nuance de manière ponctuelle. Cet excellent opus est donc pour nous un disque de salon, pas un disque de chevet. On vous le conseille cependant pour toutes les qualités évoquées ou non qu’il recèle.
Yves Dorison
https://www.ecmrecords.com/artists/1435045733/terje-rypdal
Pyroclastic Records
Eric Revis : contrebasse
Kris Davis : piano
Chad Taylor : batterie
Bill McHenry : saxophone ténor
Darius Jones : saxophone alto
Le contrebassiste Eric Revis, à lui seul un son identifiable par son épaisseur et sa puissance, et ses acolytes forment un de ces quintets suffisamment éloquent dans l’expressivité pour marquer n’importe quel auditeur. Ses compositions sont habitées par des atmosphères empreintes de mystères et toujours étonnamment agitées par un groove très particulier qui, ajouté à une bonne dose de créativité spontanée, font de ce disque un projet parfaitement cohérent à la musicalité impressionnante. Les cinq intervenants vont de l’avant sur chaque titre en privilégiant les détours exploratoires entre les textures et les harmonies. Fortement poussée par une rythmique énergique, la musique de ce disque respire dans un univers sonore aux structures aléatoires, des structures suffisamment souples pour que chaque musicien puisse y laisser s’épanouir sa personnalité sans nuire au collectif. La permanence des échanges permet à des nappes sonores à forte densité de révéler à chaque écoute quelques belles surprises. Disque riche, opulent, et non dénué d’ambition comme d’originalité, Slipknots through the looking glass s’avère être passionnant de bout en bout, férocement avant-gardiste à bien des égards, mais magistralement lisible. L’imagination et la curiosité au pouvoir. Votez Revis !
Yves Dorison
Yolk Records
Géraldine Laurent : saxophone alto
Thomas Savy : clarinette basse
Jean-Louis Pommier : trombone
Csaba Palotaï : guitare
Etienne Manchon : claviers
Vincent Tortiller : batterie
Yves Rousseau : contrebasse, composition
Les fragments d’Yves Rousseau sont issus des réminiscences de son passé, quand il écoutait (comme beaucoup d’entre nous de cette génération) Genesis, Emerson Lake & Palmer, le Floyd ou Crimson et j’en passe car c’était alors une galaxie complète de musiciens qui se livrait corps et âme à l’exploration sonore et structurelle dans un espace que l’on cataloguait un peu vite et de façon réductrice de « Rock progressif ». Mais peu importe le genre, pourvu qu’on l’ivresse ; et le bon grain ne manquait pas en ces années où la camisole craquait par toutes les coutures. Bien évidemment, le contrebassiste n’est pas du genre à reprendre ou réinterpréter le répertoire des grandes figures de l’époque. Trop facile. Il fait donc ce qu’il affectionne le plus : composer librement sa musique tout en rendant hommage à ce pan musical de son histoire qui l’a en partie construit. Fidèle à ses convictions, avec un septet bouillonnant de finesse et d’énergie, il nous livre un disque où l’envol lyrique est une constante en évitant le piège de la pale copie ; mais ceci est bien normal puisque Yves Rousseau est un jazzman, donc un individu qui a l’inventivité chevillée au corps et une créativité souvent zappatiste (avec deux P, ne mélangeons pas tout) lui permettant de triturer son langage musical en tout sens. Et le disque n’en est que plus débordant d’idées, de fraîcheur et de vie. Un anglophone des seventies aurait dit : powerful ! Et nous d’ajouter : oui.
Yves Dorison
InnerVoiceJazz
Dave Liebman : saxophones
Randy Brecker : trompette
Marc Copland : piano
Drew Gress : contrebasse
Joey Baron : batterie
Ce quintet n’est pas de ceux dont il faut au préalable présenter les musiciens. Les noms qui le composent parlent d’eux-mêmes. Un all stars quoi, avec à eux cinq au moins deux siècle d’expérience. Le risque avec ce type de disque, c’est que les gros égos en voulant par trop exister se neutralisent les uns les autres et laissent un sale goût dans les oreilles : celui de l’occasion perdue. Il se trouve qu’en l’occurrence l’on soit en présence de gentlemen qui n’ont plus rien à prouver. Et cela change la donne. Bien dans leur jazz et toujours prêts à en repousser les limites, la fine équipe se met au service de la musique qu’il crée. Leur envie suinte de toute part et leur implication est bien réelle. Leur enthousiasme fait plaisir à entendre et leur jeunesse d’esprit en remontrerait aisément à nombre de trentenaires de l’industrie du jazz. Tour à tour musiciens, compositeurs et chefs d’orchestre, ils apportent à leur nouvel édifice musical de quoi construire un palace jazz de luxe. L’on y baigne dans l’excellence et l’élégance de bout en bout et l’on imagine volontiers qu’ils pourraient continuer l’aventure tant ils ont de choses à dire. Leur jazz est plus que vivant. Il vibre de créativité, d’ingéniosité et de musicalité. Et pour nous, cela ressemble fort à une référence.
Yves Dorison
Connotation
Matt Haviland : trombone
Vincent Herring : saxophone alto
David Kikoski : piano
Ugonna Okegwo : contrebasse
Jonathan Blake : batterie
Mark Gross : saxophone tenor (1,3,8)
Bill Mobley : trompette (3,7,8)
Le tromboniste Matt Haviland, pour le voir, il suffit de regarder une vidéo d’un big band au hasard et il y de forte de chance qu’il en soit. Le Vanguard jazz orchestra, le Mingus big band, chez Maria Schneider ou Steven Bernstein, et caetera. Vincent Herring à l’alto ? On l’a vu chez Blakey, Horace Silver, Corryell, Cedar Walton, etc. David Kikoski ? Chez Roy Haynes, Randy Brecker, Ralph Moore, etc. Bon, si on s’occupe du CV de chaque musicien, on va manquer de place. Tout ça pour dire que, dans cette formation, l’expérience est une valeur sûre. On ne va pas s’en plaindre. Le jazz qui en découle est costaud, vif et bien arrangé, quelque chose comme des Jazz Messengers d’aujourd’hui qui savent utiliser leurs ressources et les nourrir encore avec du désir créatif et une furieuse envie de jouer. C’est parfaitement bien mené. Que ça fonce à tombeau ouvert ou que cela se ballade, ça tourne au quart de poil, avec un petit supplément classieux qui va bien. C’est fin et ça s’écoute sans faim. D’aucuns parmi vous trouveront cela, à la longue, un peu convenu et d’autres adhéreront totalement. Une question de goût, quoi. Mais chacun s’accordera à penser que c’est sacrément bien foutu.
Yves Dorison
Act
Adam Bałdych : violon & violon renaissance
Vincent Courtois : violoncelle
Rogier Telderman : piano
Il nous a toujours semblé que taille du ciel dépendait de celle des nuages. Adam Baldych, Vincent Courtois et Rogier Telderman en ont une idée vaste. Il est cependant normal qu’avec leurs héritages respectifs un polonais, un français et un néerlandais puissent lui donner des dimensions allant au-delà du rationnel. Tout comme ils sont à même de le peindre avec force couleurs, toutes différentes et véritablement complémentaires, un univers qui grâce à l’écoute et au respect mutuels devient un espace musical communautaire. Là, le mélancolique et le mystérieux, l’apaisé et l’équanime, enfantent des mélodies d’une apparente simplicité qui cachent des trésors d’ingéniosité et de créativité. Tout au long de l’album, l’économie de moyens est une constante qui donne à la délicatesse de leur musique tout son corps. Pas de virtuosité incontrôlée, juste les notes utiles au cheminement poétique de chacun des musiciens au service d’un lyrisme pudique magnifiant le champ d’exploration expressive qu’ils alimentent du souffle de leur imaginaire. Il est plus que probable que la magie de leur trio jette un sort à l’auditeur et le retienne captif pour son plus grand plaisir.
Yves Dorison
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