Des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques, des disques.....................................................
| 00- GRAHAM COSTELLO . Second lives
| 01- JAMES BRANDON LEWIS RED LILY QUINTET . Jesup Wagon - OUI !
| 02- TOBIAS MEINHART . The painter
| 03- AKI TAKASE / DANIEL ERDMANN . Isn’t it romantic ?
| 04- HASSE POULSEN / THOMAS FRYLAND . Dream a world
| 05- FRODE HALTLI . Avant folk II
| 06- MAKRAM ABOUL HOSN . Transmigration - OUI !
| 07- A TONIC FOR THE TROOP . Ambush
| 08- FLORIAN PELLISSIER QUINTET . Rio
| 09- DMITRY BAEVSKY . Soundtrack
| 10- SOPHIA DOMANCICH . Le grand jour - OUI !
| 11- LAURA PRINCE . Peace of mine
| 12- MARC CROFTS . Nomadim
| 13- THEO WALENTINY . Looking glass
| 14- PHILIPP SCHIEPEK & WALTER LANG . Cathedral- OUI !
| 15- ANAIS RENO . Lovesome thing, sings Ellington and Strayhorn
| 16- GAEL HORELLOU . Power organ quintet
| 17- SKULI SVERRISSSON & BILL FRISELL . Strada
| 18- DANIEL GASSIN CROSSOVER BAND . Change of heart
| 19- MARIUS NESET . A new dawn - OUI !
Gearbox Records
Graham Costello : batterie et percussions
Harry Weir : saxophone ténor
Liam Shortall : trombone
Fergus McCreadie : piano
John Williamson : guitare
Mark Hendry : basse
Graham Costello et ses acolytes viennent de Glasgow. Ils sont jeunes et donnent un nouvel élan à la scène jazz du Royaume-Uni. Bien qu’aisément écoutable car toujours accroché à la mélodie, leur disque n’en est pas moins pétri d’expérimentation et il faut bien signaler à l’auditeur que les compositions du leader et batteur sont basées sur des structures complexes. La polyrythmie prend sa part dans cet exercice stylistiquement remarquable pour l’ensemble de la presse spécialisée outre-Manche. Adepte du crescendo lyrico-libertaire, Graham Costello le pousse jusqu’à une frénésie quasi brutale dans un esprit post-rock assez convaincant. Par contraste, les introductions des titres (voire certains d’entre eux dans leur entièreté) sont le plus souvent minimalistes ; cela ne les empêche néanmoins pas de conserver dans la fibre l’intensité qui parcourt l’ensemble de l’album. Entre groove hypnotique et tension latente, la musique de ce sextet, où chaque musicien excelle, explore un territoire original stimulant et qui catalyse d’une imagerie musicale postmoderne de fort belle façon. Une musique faite sur des chardons ardents…
Yves Dorison
https://www.grahamcostello.com/
Tao Forms
James Brandon Lewis : saxophone ténor, compositions
Kirk Knuffke : cornet
William Parker : contrebasse, gimbri (2 & 7)
Chris Hoffman : violoncelle
Chad Taylor : batterie, Mbira (6)
Conçu autour de l’œuvre du botaniste, agronome et inventeur George Washington Carver (1864-1943) ce disque du saxophoniste de Buffalo (N.Y), son neuvième, est conçu en sept pièces d’une clarté et d’une profondeur franchement enthousiasmante. James Brandon Lewis, compositeur, poète, intellectuel créatif, croit comme G.W.Carver que l’éducation permet la liberté et que faire les choses communes de manière extraordinaire est une nécessité. Et c’est tout le propos de ce disque hommage dont le mode opératoire se situe entre une inspiration mystique, sinon spirituelle, et un free jazz contemporain très ouvert. Innovateur comme seuls le sont les curieux, le saxophoniste explore de manière très fluide, entre dissonance et consonance, ce qui constitue un environnement narratif d’une richesse et d’une subtilité éminentes. Confronté à l’excellent cornettiste Kirk Knuffke son ténor, puissant comme pouvait l’être celui de David S.Ware, projette le son avec un dynamisme électrisant. Autour de lui la musique s’agrège en une forme de continuum agité de soubresauts incantatoires toujours en quête d’inconnu ; la cohérence de ce quintet n’est pas pour rien dans ce résultat et il est notable que chaque musicien insuffle une énergie à l’ensemble d’une épaisseur stupéfiante.
Yves Dorison
Sunnyside Records
Tobais Meinhart : saxophones, flûte, voix
Ingrid Jensen : trompette (2,6)
Charles Altura : guitare (1,10)
Eden Ladin : piano, rhodes, ARP string ensemble
Matt Penman : contrebasse
Obed Calvaire : batterie
C’est une sorte de quartet augmenté qui nous propose dans ce disque un jazz d’aujourd’hui qui ne se refuse rien. Avec une paire rythmique de très niveau (Penman / Calvaire), un pianiste tout terrain et deux invités, un guitariste (que nous ne connaissions pas) et Ingrid Jensen à la trompette, toujours finement pertinente, et qui connait depuis 2003 le saxophoniste allemand installé à New York qui mène l’ensemble, à savoir Tobias Meinhart, la musique est bonne. C’est un genre de patchwork musical et émotionnel qui joue des textures et des couleurs avec brio. Les ambiances se nichent dans les espaces développés par la structure de chaque morceau et porte une parole mélodique qui ne manque aucunement d’attrait. Tobias Meinhart change de saxophone au gré des plages et définit ainsi les approches successives qu’il souhaite donner à ses compositions, lesquelles sont toujours parfaitement construites. De beaux soli émaillent le disque, notamment ceux de Matt Penman. Quant au traitement en duo du standard Estate avec de discrets effets, il est particulièrement réussi. A découvrir.
Yves Dorison
https://www.tobiasmeinhart.com
BMC Records
Aki Takase piano
Daniel Erdmann : saxophone
Un duo est logiquement composé de deux musiciens faisant de la musique ensemble. Il est pourtant commun d’écouter deux egos qui se partagent le temps, l’espace et les soli sans jamais se trouver (le veulent-ils ?), laissant au passage un arrière-goût de déception dans les oreilles. Et puis il y a les duos où les artistes ne font qu’un et ce sont toujours ceux que l’on retient. Celui d’Aki Takase et Daniel Erdmann en fait incontestablement partie. D’un bout à l’autre de l’enregistrement, le dialogue est fécond. Deux personnalités fortes échangent et se retrouvent dans un besoin vital de musique. Qu’elle soit (ou semble) par moment ardue, elle n’en demeure pas moins claire et limpide. Entre la pianiste japonaise et le saxophoniste allemand, l’abstraction et le lyrisme se conjuguent avec aisance. Complexes dans leurs approches et leurs développements, ils n’en sont pas moins des jazz(wo)men maîtrisant la tradition. Habité par un désir de jeu profond, ils se livrent sans retenue avec une étourdissante complicité. Ce disque n’est pas un exercice de style, cest un disque hautement musical et humain. Vous trouverez même à frissonner entre les notes. Cela devrait suffire à vous convaincre, non ?
Yves Dorison
http://akitakase.de/
http://www.daniel-erdmann.com/Home.html
Das Kapital Records
Hasse Poulsen : guitare
Thomas Fryland : trompette
Un autre duo qui vaut le détour, danois cette fois-ci. Le guitariste Hasse Poulsen et le trompettiste Thomas Fryland s’attaque à un répertoire de chansons toutes guidées par le goût de l’humain pour la liberté. De l’espoir et du rêve, il en faut pour s’aventurer avec une guitare et une trompette du côté de ces titres iconiques qui ont portées les convictions de plus d’une génération et sont à jamais le symbole de luttes quelquefois gagnées et d’idéaux souvent contrariés. En plongeant dans ces musiques inspirées, Hasse Poulsen et Thomas Fryland ne font pas preuve de naïveté pour autant. Ils se contentent d’être du bon côté de la barrière : le côté qui permet de l’ouvrir sur un territoire où l’aventure et la concorde ne sont pas dénigrées. Et n’est-ce pas le devoir de l’artiste (dont beaucoup envie la liberté) de faire régulièrement une piqûre de rappel afin d’inciter les masses à se vacciner (par la culture) contre les tyrannies qu’elles soient éclairées ou non ? Quant à l’orientation musicale choisie par le duo, elle s’affirme à tout moment proche des mélodies initiales. Les deux musiciens les parcourent avec une belle fluidité et un feeling impeccable, ce qui n’est pas vraiment surprenant d’ailleurs. Un disque qui fait du bien.
Yves Dorison
Hubro
Frode Haltli : accordeon
Erlend Apneseth : violon Hardanger
Hans P. Kjorstad : violon
Rolf Erik Nystrøm : saxophones
Hildegunn Øiseth : trompette, flûte en corne, voix
Ståle Størlokken : orgue Hammond, synthétiseur
Juhani Silvola : guitares
Oddrun Lilja Jonsdottir : guitares
Fredrik Luhr Dietrichson : contrebasse
Siv Øyunn Kjenstad : batterie, voix
Qu’est-ce qui fait qu’un pays conserve et enrichit son folklore quand d’autres le laissent perdre ? Bonne question. La Norvège musicale fait assurément partie de ces nations qui travaillent sur leurs racines et le label Hubro propose régulièrement des disques de grande qualité allant dans ce sens. Avant Folk, deuxième du nom, si son titre est assez explicite, est comme souvent avec les artistes norvégiens une re-création. Et cela ne manque pas d’intérêt, croyez-nous. Ici, le tentet réuni, sorte de all stars du crû, privilégie la précision fine et ouvragée. Elle se met au service d’ambiances souvent proches d’une sombreur crépusculaire et les mélodies semblent serpenter au creux d’un tellurisme humide. Elles exhalent des parfums ensorcelants autant que des images dissonantes quand éclatent les lignes. C’est de bout en bout intrigant et particulièrement soigné dans la mise en forme. Les sonorités originales de certains instruments rajoutent ce quelque chose qui fait la différence et qui donne envie de réécouter l’album pour en saisir mieux encore les subtilités.
Yves Dorison
MakramMusic
Tom Hornig : saxophones, flûte
Nidal Abou Samra : Saxophones
Christopher Michael : batterie, vibraphone
Khaled Yassine : percussions
Makram Abou Hosn : contrebasse, compositions
Invités :
Joe Locke : vibraphone (8)
Tarek Amery : flûte (4)
Sima Itayim : chant (2)
Makram Aboul Hosn est un contrebassiste libanais. Il aurait dû enregistrer ce disque en Europe avec un line-up international. Il l’a finalement enregistré à Beyrouth 3 jours après l’explosion du port avec une majorité de musiciens locaux. Et cela n’enlève rien à la qualité de ce Cd, nous vous en assurons. Situé quelques part entre le Moyen-Orient et le jazz, sa musique se joue des rythmes, des influences et des frontières avec bonheur. Sans piano, les compositions soignées du contrebassiste en appellent à des univers où se mêlent le swing et la mélancolie. Dans le même morceau, alors qu’on pense croiser l’ombre de Gerry Mulligan, on se retrouve dans un bouge de la Nouvelle Orléans. C’est tout l’art de Makram Aboul Hosn de savoir mixer les genres. Assez fin pour ne jamais dérouter l’auditeur, il ne cesse cependant de le surprendre car, s’il tient bien son jazz en main, il sait le laisser déraper et fréquenter les bordures. Enregistré cet album dans une ville dévastée et, plus généralement, dans un pays livré à ses démons depuis des décennies, le superbe travail du contrebassiste, aussi léger que profond, apparaît comme un tour de force, un exemple de résilience, une oasis musicale très inspirée. Une belle surprise que l’on aimerait voir sur les route par chez nous.
Yves Dorison
Odin Records
Ellen Brekken : contrebasse
Espen Berg : piano
Magnus Bakken : saxophone
Magnus Sefaniasssen : batterie
Ce quartet norvégien, mené la contrebassiste Ellen Brekken, évolue dans le courant du jazz que l’on dit « mainstream », du jazz classique. C’est plein de finesse et de fougue, comme quoi tous les musiciens du pays n’évoluent pas dans la brume des fjords. Très à l’aise dans les ballades (avec un goût remarqué pour le lyrisme et, quelquefois, l’emphase), le quartet ne fait pas dans la demi-mesure dès lors que le rythme s’emballe. Doté d’une énergie qui semble insatiable, il avance en formation serrée et emporte tout sur son passage. C’est donc effectivement du tonique pour la troupe. Cela ne rigole pas. Très complices, les musiciens se font une confiance absolue et ils ont bien raison car aucun d’eux n’est à la traine, ce qui en soi est déjà une performance. Entre jazz américain et jazz européen, A Tonic For The Troop fait une synthèse brillante et propose une musique très mélodique, forte et festive.
Yves Dorison
https://odinrecords.bandcamp.com/album/ambush
Hot Casa Records
Florian Pellissier : piano
David Georgelet : batterie
Yoni Zelnik : contrebasse
Christophe Panzani : saxophone
Yoann Loustalot : trompette
Agathe Iracema : chant (4)
Enregistré au mythique studio Van Gelder, le cinquième album de ce quintet largement reconnu s’impose par une atmosphère chaleureuse privilégiant la douceur et la souplesse aux rythmes effrénés. La sonorité boisée qu’il dégage est mise au service des compositions écrites par les membres du groupe. Cousus dans l’élégance et la sensibilité, chaque titre apporte une part de singularité créative. La lumière qui baigne la musique est tamisée et l’heure, malgré quelques éclats passagers, est à l’intimité. On se laisse prendre par cette ambiance paisible, presque alanguie. La luxuriance est discrète mais elle est bien là. Les musiciens la font se mouvoir avec une plasticité décontractée et une ondulation typiquement brésilienne se référant au titre de l’album. De retour en France, où le mixage a eu lieu, le pianiste a glissé dans sa musique quelques notes de synthétiseurs très apaisées qui ne nuisent pas à l’ensemble.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/florianpellissierquintet/
Fresh Sound Records
Dmitry Baevsky : alto saxophone
Jeb Patton : piano
David Wong : contrebasse
Pete Van Nostrand
La première fois que l’on a vu Dmitry Baevsky, c’était à A Vaulx Jazz, il y a une douzaine d’années. Inconnu par chez alors, il avait fait une forte impression, impression due pour une part à son lyrisme fougueux et, d’autre part, à sa technique. Aujourd’hui quarantenaire, il donne à écouter avec cet album en quartet un disque empreint de maturité. Toujours aussi précis, il impose son jazz mainstream (quatre quatre compris) avec une virtuosité assagie. Fort bien entouré par un trio au swing impeccable, son interprétation des standards choisis, comme celle de ses propres compositions, est en tout point convaincante. L’altiste né à Saint Petersbourg (feue Leningrad) a choisi son camp depuis longtemps. Il joue le jazz qui était sous le joug communiste synonyme de liberté. Il le joue dans l’esprit des grands anciens (qu’il admire certainement beaucoup) avec une touche personnelle qui rehausse sa musique et lui permet de sortir du lot avec une indéniable éloquence. C’est souple et soyeux, cela serpente sur le fil de la mélodie avec vivacité et maîtrise ; bref, si ce n’est pas révolutionnaire, c’est cool, c’est groovy et cela fait du bien.
Yves Dorison
PeeWee !
Sophia Domancich : piano, Fender Rhodes
Sophia Domancich est reconnue de longue date pour sa liberté de jeu, sa maîtrise de la temporalité musicale et l’originalité des couleurs harmoniques qu’elle développe. Dans ce troisième album en solo, elle choisit de s’exprimer conjointement au piano et au Fender Rhodes. Introspectif sans être obscur, tout le disque s’articule autour de phrases bousculées (ou non) par des brisures rythmiques qui paraissent faire diverger le propos initial quand elles se contentent, de fait, de les réinventer, dans l’instant nous a-t-il semblé, comme si la musique était hermaphrodite et qu’elle était sa propre source de vie. De fragments hypnotiques en lignes mélodiques plus nettes, la pianiste porte une sorte de mouvement perpétuel qui échappe au temps (comme aux classifications d’ailleurs) car ce type d’approche révèle une fugacité native qui ne permet pas à l’auditeur de fixer dans l’immédiateté auditive le propos de l’artiste ; il faudra donc à certains plusieurs écoutes avant d’entrer réellement dans son univers. Ce n’est en soi pas un mal. D’autres préféreront pourtant se livrer sans réserve à l’éphémère de la rêverie induite par cet entre-deux musical parfaitement indéfinissable. Tous ont raison car la vérité est ailleurs : dans la beauté de ce disque dont on ne sait qui de la musique ou de la pianiste veille sur l’autre.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/sophia.domancich
CQFD
Laura Prince : voix
Grégory Privat : piano
Tilo Bertholo : batterie
Zacharie Abraham : contrebasse
Inor Sotolongo : percussions
Guillaume Latil : violoncelle
Gabrielle Lafait : violon alto
Johan Renard : violon1
Jules Dussap : violon 2
Non, ce n’est pas la sœur de celui qui orne la couverture du numéro d’avril de Jazz Magazine, elle est néanmoins une chanteuse franco-togolaise et donc familière des univers mélangés. Entre jazz et variété - car l’improvisation est secondaire- mais aussi entre jazz et classique- de par l’apport d’un quatuor à cordes- la chanteuse ne manque pas d’à propos et l’on peut présumer une belle assurance sur scène ? Beaucoup de présence vocale et de sensualité dans la voix le laisse espérer, en effet. Ainsi les contrastes se révèlent, dès le séduisant premier titre « Flying until » comme autant de qualités de l’interprète, bien secondée par ses acolytes parmi lesquels, le pianiste-arrangeur Grégory Privat.
Entre Melody Gardot et Norah Jones, sans jamais se confondre avec l’une d’entre elles, Laura Prince devrait pouvoir voler de ses propres ailes et faire sa place au soleil ; et ce d’autant plus qu’elle est sa propre compositrice. « Flying until », « Musical inspiration » sont autant de titres emblématiques de cet album, (sans oublier bien sûr celui qui lui donne son titre « Peace of mine ») plus personnel qu’il peut y paraître à première vue.
Jean-Louis Libois
Nomadim Prod
Marc Crofts : violon
Railo Helmstetter : guitare
Blaise Hommage : contrebasse
Marcel Loeffler : accordéon
Le jazz est international, on le sait : comment,en effet, discerner l’origine suisse (Lausanne) des musiciens dans cet album Nomadim, aux accents klezmer, manouches voire argentins) ? Certes, on n’est pas complètement en terrain inconnu : le duo introductif violon (Marc Crofts)/ guitare ( Railo Helmstetter ) rappelle à nos oreilles celui formé, à l’époque, par Stéphane Grappelli et Django Reinhardt. Mais ce plaisir d’être entre soi n’est pas exempt de surprises. Dans les compositions elles-mêmes, Marc Crofts sait apporter les nuances, les subtilités, les variations en douceur d’un jazz qui a fait florès. Nous pensons ainsi à « Eastern Road Trip » aussi bien que " Fox’Strut » ; quand l’adjonction de l’accordéon de Marcel Loeffler dans les deux titres « Carrousel » et « La Goulue » ne nous éloignent pas encore un peu plus des rivages initiaux du duo historique susdit. Sans rompre les amarres pour autant mais dans la (bonne) tradition.
Jean-Louis Libois
Auto production
Theo Walentiny : piano
Le pianiste Theo Walentiny a vingt-cinq ans et il sort un premier album solo qui augure d’un bel avenir pour lui. Encensé par Vijay Iyer ou encore Oliver Lake, cet enregistrement propose une musique personnelle mais néanmoins influencé par Paul Bley (open to love), Mingus (plays piano) où le Köln concert de Keith Jarrett. C’est donc dans un espace musical entre abstraction et lyrisme complexe que se situe ces compositions / improvisations très élaborées. On remarque au passage un beau sens de la dynamique et une capacité plus que certaine à poétiser sa musique en dramaturge à l’écoute de la moindre résonance. Sur le Steinway ayant appartenu à Dave Liebman (et sur lequel Richie Beirach et Chick Corea ont joué, entre autres), il fait sonner avec constance un clavier très clair et transmet des émotions successives assez fortes qui ne déplaisent pas car sa palette d’expression est déjà bien fournie. Pour certains auditeurs, cela sera un peu trop contemporain, pour d’autres (notamment les rêveurs) cela permettra de commettre une belle évasion. A découvrir.
Yves Dorison
https://www.theowalentiny.com/
Act Music
Philipp Schiepek : guitare
Walter Lang : piano
Un duo piano / guitare venu d’Allemagne avec deux musiciens de deux générations différentes, Walter Lang l’ancien et Philipp Schiepek le jeune. Une chose est évidente l’osmose entre eux est bien réelle. D’un bout à l’autre du disque, leur conversation musicale fait primer la mélodie. Plutôt méditatif d’ailleurs, cet entretien étonne par sa profondeur et son nuancier. C’est un travail d’orfèvre comme nos oreilles les aiment. Structurées et libres à la fois, les compositions semblent parler de contrées oniriques où le réel vibre à l’ombre des enchanteurs. Les deux artistes ont des sonorités chaleureuses qui font merveille, d’autant qu’ils très économes de leurs notes et qu’ils donnent à la respiration et aux silences une place prépondérante. D’un romantisme très allemand, le pianiste assure au guitariste une trame sur laquelle ce dernier peut évoluer à l’envi, laissant ici et là des lignes qui participent pleinement à la construction de leur univers. Contemplative et pensive, la musique de ce disque possède l’épaisseur d’un recueil de poésies qui aurait traversé les âges sans heurts, avec toujours la même pertinence et, qui sait, plus encore d’épaisseur humaine.
Yves Dorison
Harbinger Records
Anaïs Reno : chant
Emmet Cohen : piano
Russell Hall : contrebasse
Kyle Poole : batterie
Juliet Kurtzman : violoniste
Vous qui aimez le jazz et plus encore les chanteuses de jazz, cet album est pour vous. Enregistré l’année dernière et sorti en avril ce disque présente une vocaliste née en 2003 à Genève (mais vivant au USA)… et il n’y a pas de faute de frappe sur l’année de naissance. Considérée là-bas comme une prodige du jazz vocal (on se méfie toujours un peu de l’emballement à l’américaine), force est de constater que la maturité vocale de cette adolescente est assez époustouflante. Elle fait preuve d’une musicalité non négligeable et interprète les textes des standards d’Ellington et Strayhorn, auxquels elle rend hommage, avec un à-propos et une subtilité tout à fait déconcertants. Plus que talentueuse, elle excelle dans la nuance et a la sagesse de jamais point trop en faire. Alors, sachant que les thèmes de deux géants ne sont pas toujours des plus simples au plan harmonique, on mesure son intrépidité et l’on convient qu’elle évite toutes les chausse-trappes avec un aplomb confondant ; écoutez pour vous en convaincre sa version du très casse-gueule « Lush Life » (Strayhorn était lui aussi adolescent quand il l’a composé). Pour info, la violoniste Juliet Kurtzman (dont nous avons chroniqué le très beau duo avec Pete Malinverni), qui intervient sur deux titres, n’est autre que sa mère. Bon sang ne saurait mentir, comme on dit.
Yves Dorison
Fresh Sound Records
Gaël Horellou : saxophone alto
Pierre Drevet : trompette
Simon Girard : trombone
Fred Nardin : orgue Hammond B3
Antoine Paganotti : batterie
Encore du jazz à l’ancienne avec du swing, du groove, des 4 / 4 et tout le toutim’. Vieux comme nous sommes, à peine trois d’orgue et nous cherchions le guitariste qui n’y est pas. A la place, un tromboniste, Simon Girard, Pierre Drevet à la trompette que l’on ne présente plus et le leader au saxophone alto. Bien évidemment on jette un œil à la playlist et, hormis le Minority de Gigi Grace, l’on ne trouve pas la queue d’un standard ! Que des compositions originales du maître de cérémonie. Il est donc possible du faire un jazz mainstream de derrière les fagots sans payer son écot aux grands anciens et sans être hors cadre pour autant. La musique pleine de pétillements que l’on écoute sur cet album n’est pas ringarde pour deux sous. Les arrangements sont aux petits oignons et chacun des musiciens du quintet trouve sa place afin de délivrer un message personnel qui s’inscrit avec aisance dans l’ensemble. Dans ce Cd, les musiciens s’écoutent (c’est préférable) et l’on sent bien qu’ils se marrent vraiment. Cela suffit pour faire un enregistrement aussi fluide que véloce. C’est du sérieux joué par une bande de lascars affamés de swing juteux et qui ne cherchent aucunement à frimer. Tout pour la musique. Réjouissant.
Yves Dorison
Newvelle Records
Skúli Sverrisson : guitares basse (électrique et acoustique)
Bill Frisell : guitares électrique & acoustique
Vous ne serez pas immergé dans le disque de Skúli Sverrisson et Bill Frisell depuis moins de deux minutes que vous penserez déjà « voilà ce qui arrive quand deux musiciens se rencontrent pour la première dans un studio et que le courant passe ». Cela donne une musique unique à l’âme double qui raconte des histoires simples et profondes, jamais neutres. Le bassiste islandais est à l’origine de toutes les compositions et Bill Frisell les accueille et les joue comme si elles étaient siennes ; ce qu’on appelle être en phase. Sur une thématique mélodique particulièrement nordique, les deux artistes échangent leurs savoirs au profit d’un pot commun tout à fait original. Il n’y a dans ce disque que de la finesse et du sensible, des atmosphères introspectives qui s’ouvrent sur des confins lumineux. C’est simple, a priori, et redoutablement addictif. Cet album enregistré en 2017 est disponible en vinyl chez newvelle Records mais également sur Bandcamp pour ceux qui n’ont pas conservé leur vieux tourne-disque. Quoi qu’il en soit, c’est une somme musicale qui devrait rencontrer son public. Et vous savez quoi ? Ce sera bien mérité.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/skuli.sverrisson
https://www.billfrisell.com/
Jazz family
Daniel Gassin : piano
Alita Moses : chant
Josiah Woodson : guitare
Fabricio Nicholas-Garcia : contrebasse
Damien Françon : batterie
Un pianiste et compositeur australien (Daniel Gassin himself), une chanteuse américaine (Alita Moses), un contrebassiste franco-colombien (Fabricio-Nicolas-Garcia), un guitariste multi instrumentiste américain ( Josiah Woodson) et enfin le batteur français ( Damien Françon)… le nom de la formation s’impose, Crossover.
Crossover également comme l’inspiration de l’auteur et le choix des musiques. Mélangées, colorées, dans un rapport au jazz changeant au fil des titres. Et pourtant, nous sommes bien dedans, même si la nuance apportée par Daniel Gassin, le qualifiant essentiellement de » jazz vocal » lui sied tout à fait. Mais l’indéniable présence de la chanteuse n’empêche nullement ses partenaires et le pianiste lui-même, en premier lieu, de s’exprimer et d’étaler toute une palette sonore et émotionnelle dont le titre de l’album annonce d’emblée la couleur « Change of Heart ».
Jean-Louis Libois
Act Music
Marius Neset : saxophone
Le saxophone solo sur un disque, c’est plutôt rare, n’est-ce pas ? La Covid a du bon puisque qu’elle est à l’origine de cet opus. Marius Neset l’a osé et franchit l’obstacle avec autant de science que de musicalité. Avec force ou douceur, il exprime par des mélodies, certes savantes, une vision musicale étincelante et mémorable. En bon dramaturge, sa gestion du suspense dans la narration fait qu’à l’écoute l’on ne s’ennuie jamais, bien au contraire. Quelquefois quasi obsessionnel dans sa thématique de l’instant, il insiste juste ce qu’il faut pour ne pas lasser et nous embarque avec lui vers d’autres cheminements. Réalisé sans aucun effet, cet enregistrement met de facto en avant la virtuosité du saxophoniste, la justesse de son souffle et sa facilité déconcertante d’expressivité sur le nuancier des couleurs sonores. Bien des pièces donnent un sentiment de joie et on imagine volontiers que lui aussi s’est laisser prendre à son propre jeu. C’est un disque de sorcier qui donne au saxophone une autre raison d’être un instrument culte du jazz.
Yves Dorison