En août, c’est les vacances. Alors on va quand même pas faire une revue de disques pléthorique. Mais l’on en fait une, malgré tout. Faudrait pas que vous perdiez l’habitude de nous lire...
| 00- ELISE DABROWSKI . Parking
| 01- BARRY ALTSCHUL’S 3DOM FACTOR . Long tall sunshine - OUI !
| 02- ENRICO PIERANUNZI . Frame
| 03- SAMO SALAMON & HASSE POULSEN . String dancers
| 04- THE VOLUNTEERED SLAVES . SpaceShipOne
| 05- FALKNER EVANS . Invisible words
| 06- ONZE HEURES ONZE ORCHESTRA . Vol. III
| 07- ROBIN NITRAM MOTTO TRIO . Vroum Vroum
Coopérative Full Rhizome
Elise Dabrowski : voix
Olivier Lété : basse électrique
Fidel Fourneyron : trombone
Entre un ici et un ailleurs, ou l’inverse, Élise Dabrowski a trouvé son chemin, un chemin qui serpente au gré des créations entre contemporanéité et jazz (au sens large, bien sûr). Dans ce nouvel album, elle délaisse sa contrebasse et se concentre sur sa voix, une voix qu’elle mêle à la basse électrique d’Olivier Lété et au trombone de Fidel Fourneyron. Il en ressort une exploration aussi étrange que convaincante. Le travail vocal de la chanteuse est remarquable ; sa voix pénétrante semble flotter au dessus du continuum des graves mis en place par ses deux acolytes. Elle ne se sépare pas d’eux pour autant et apparaît comme celle qui fait la lumière sur un monde (qu’elle aimerait bien changer, n’est-ce pas ?) pétri de sombres recoins, d’inquiétudes plus ou moins denses. De quoi alimenter la veine créative d’un trio (physique) qui ne renâcle pas devant l’obstacle quitte « à faire s’écrouler les choses ».
Yves Dorison
https://elisedabrowski.com/fwp_portfolio/parking/
Not Two records
Barry Altschul : batterie, cymbales
Jon Irabagon : saxophones ténor et soprillo, clarinette alto
Joe Fonda : contrebasse
L’aventure, c’est l’aventure. Et personne ne fera croire à Barry Altschul qu’il pourrait en être autrement dès lors qu’il s’agit de musique. Dans cet enregistrement public de 2019, quelque part en Europe, l’aventure continue avec Jon Irabagon, infatigable créateur de son, et Joe Fonda acrobate musclé et rugueux des quatre cordes. Depuis cinquante ans que cela dure, l’on s’étonne encore que cela puisse fonctionner comme au premier jour, mais il faut bien dire que l’énergie contagieuse du batteur et son exubérance font toujours mouche. Cerné par deux musiciens sans peur et sans frontière, il livre le meilleur de lui-même à ses collègues qui ne demandent pas mieux. Entrez dans la danse, faites-nous voir ce que vous avez dans le ventre et allons-y gaiement, de concert bien sûr. D’un bout à l’autre du disque, l’extrême mobilité du batteur sur ses fûts et cymbales est un régal. Le dialogue entre les musiciens (qui officient ensemble depuis une bonne décade) est du même acabit. L’inventivité est là en toute circonstance et jamais le propos ne faiblit. Lyrique aussi, la musique de Barry Altschul est un concentré de ce que le jazz en liberté peut produire. Indispensable.
Yves Dorison
https://en.wikipedia.org/wiki/Barry_Altschul
CamJazz
Enrico Pieranunzi : piano & celesta
Voici qu’Enrico Pieranunzi consacre un disque à des peintres. Peu commun. En solo, dans un exercice qu’il affectionne, le pianiste romain livre une vision personnelle de ces peintres qu’il apprécie et qui, si l’on en croit les notes de pochette, l’on peut être au final inspiré et influencé. Nous ce que l’on retient, c’est que le maestro semble inépuisable dans sa quête musicale et que rien ne peut l’empêcher de jouer encore et encore, d’explorer toujours plus avant, Bref d’être vivant par la musique. Les suites et pièces sont dédiées à Pollock (notre préféré), Klimt, Hopper, Picasso, Klee, Matisse, Mondrian et Rothko ; une sorte de best of de la peinture du vingtième siècle. Avec ces toiles de fond, Enrico Pieranunzi peut laisser libre cours à sa fertile imagination et aller, de variation en variation, vers les lointains intérieurs qui l’animent et leur donner une présence musicale bien réelle, colorée. Ceci dit, ce Cd est paru en 2020 et c’est seulement maintenant que l’on nous en parle. Pandémie ? Peu importe puisque l’enregistrement, lui, date d’octobre 2012… Allons, la bonne musique n’a pas d’âge.
Yves Dorison
https://www.enricopieranunzi.it/
Samo Records
Samo Salamon : guitares acoustiques 6 & 12 cordes
Hasse Poulsen : guitare acoustique 6 cordes
Comme au printemps 2020 le confinement ennuyait tout le monde, Samo Salamon eut l’idée de prendre contact, depuis sa Slovénie natale, avec le plus parisien des danois, Hasse Poulsen pour ceux qui ne savaient pas. Faire un truc ensemble, avec nos morceaux et quelques improvisations, manière de faire la nique au virus qui, de toutes les façons, n’infecte pas la musique. Aussitôt dit, aussitôt fait. Et le résultat est à la hauteur de nos attentes et des talents conjugués des deux guitaristes. Sous certains aspects, notamment mélodiques, leur travail nous a fait souvenir du duo de Larry Coryell et Philip Catherine, il y a un certain temps déjà (voire plus). Ce n’est pas, de notre part, un reproche, bien au contraire. Clarté, concision, des idées plus qu’il n’en faut, de quoi faire un bel album parfaitement original, totalement éloigné des contingences de l’industrie du disque. Une affaire de libre entente d’un point à l’autre de l’Europe entre deux musiciens qui ne se connaissaient pas et qui, pourtant, se connaissent mieux qu’ils ne le pensaient. On aimera les voir sur scène ensemble. Compris ?
Yves Dorison
https://samosalamon.bandcamp.com/album/string-dancers
Day After Music
Olivier Temine : saxophone
Emmanuel Bex : : orgue
Emmanuel Duprey : rhodes
Akim Bournane : basse
Julien Charlet : batterie
Ils auront bientôt 20 ans (l’année prochaine) et c’est le plus bel âge, dit-on. Mais pour un groupe, c’est déjà vieux… Quoi qu’il en soit, The Volunteered Slaves ne renient pas la transe de leur début. Et même, ils l’entretiennent et sont toujours fringants. Et quitte à s’envoyer en l’air, autant s’en prendre aux étoiles et autres planètes qui nous environnent. On a que ce qu’on se paie, n’est-ce pas ? Comme à l’habitude, le quintet mêle les genres, les emmêle ou les démêle, les malaxe et en sort un jus musical hautement vitaminé. Ca plane et ça groove, bien évidemment. Sans temps mort ni trompette, leur musique se répand, occupe l’espace (le bien nommé) avec des idées à la pelle et du savoir-faire en veux-tu en voilà. Organique et électronique tout à la fois, le quintet fait du funambulisme entre les différents domaines d’expression et articule finalement un propos qui n’appartient qu’à eux. Cinquième opus du groupe depuis 2002, ce Cd ne fait que conforter la place à part qu’ils occupent dans le paysage musical du jazz de par ici.
Yves Dorison
https://thevolunteeredslaves.com/
Consolidated Artists Productions
Falkner Evans : piano
Falkner Evans n’avait jamais envisagé de faire ce disque. Il l’a pourtant réalisé, en hommage à son épouse qui s’est donné la mort le 19 mai 2020. Rien de larmoyant cependant dans cet album. Juste un pianiste de jazz qui tente de faire le portrait musical de celle avec qui il a partagé trente années de vie. A écouter cette musique, on pense que cette absente devait être une sacrée personne. Par le biais d’un jazz classiquement contemporain, Falkner Evans met en avant des mélodies douces, harmonieuses, suspendues à ses souvenirs. Le titre de l’album vient d’une phrase manuscrite par sa femme (qui était plasticienne) tirée d’un livre de l’autrice anglaise Kate Mosse : « Music is the invisible word, made visible through sound ». Et c’est bien ce que le pianiste a tenté avec finesse et sans pathos : mettre des mots, avec son piano, sur l’indicible.
Yves Dorison
Onze Heures Onze
Alexandre Herer : rhodes, électronique
Olivier Laisney : trompette
Julien Pontvianne : clarinette
Maïlys Maronne : claviers, basse synthétiseur
Fanny Ménégoz : flûte
Sakina Abdou : saxophone
Amélie Grould : vibraphone
David Chevallier : guitare
Thibault Perriard : batterie
Volume 1 en septembre 2017, volume 2 en mai 2O18 ; place donc au volume 3 dont la sortie officielle est fixée au 4 septembre prochain.
Un orchestre en forme de nonette, voilà qui laisse la place à une richesse sonore et à un fort potentiel d’imagination. D’emblée la force de frappe de l’ensemble s’impose à l’oreille avant que la flûte de Fanny Ménégoz ou bien encore la trompette d’Olivier Laisney, dès le titre inaugural (Beffroi heureux)ne viennent sculpter cette masse sonore. La formation déploie ensuite une écriture davantage plurielle aux accents plus contemporains. Diverse aussi par le nombre de contributeurs, l’inspiration qui doit autant à l’improvisation jazz qu’à l’écriture contemporaine, se déploie de manière originale dans chacun des titres sans qu’on puisse toujours vraiment l’assigner. On pourra, dans ce cas, se référer aux auteurs-interprètes qui évoquent aussi bien les algorithmes, les robots, les automates que l’aléatoire dont l’imagination des titres témoigne pour une part.
Place donc à la découverte de l’écoute et à la rêverie.
Jean-Louis Libois
http://www.onzeheuresonze.com/
Auto production
Robin Nitram : guitare, composition
Nicolas Zentz : contrebasse
Ewen Grall : batterie
Jeune guitariste infatigable dans ses multiples activités de musicien, compositeur, enseignant, voyageur,(Culture jazz, 17- O1-19) Robin Nitram effectue cette rentrée avec ce premier disque en trio au titre quelque peu enfantin « Vroum Vroum ».
L’inspiration est toute autre. On reconnait son goût pour les espaces sonores originaux déjà présent dans son premier album solo « Super Alone ». Sans excès néanmoins car la recherche de climat l’emporte sur cette dernière. En tous cas, l’équilibre aboutit à une musicalité souvent contemplative mais aussi scandée avec finesse par les deux comparses du trio que sont Nicolas Zentz à la contrebasse et Ewen Grall à la batterie. L’impression de voyage immobile prévaut souvent et la rêverie qui l’accompagne (une réminiscence de cette expérience d’improvisation dans les galeries d’art au milieu des amateurs pendant les vernissages ?)
Au total, le charme discret d’une écriture moderne.
Jean-Louis Libois
Inouïe Distribution
robinnitrammusic.com