Jazz ou pas jazz ? On s’en fout un peu, non ? Deux duos qui évoluent hors cadre ou hors limite et un trio plus conventionnel mais pas moins intéressant
| 00- DOMINIQUE FONFREDE & FRANCOISE TOULLEC . Ce qui est merveilleux
| 01- DAVID AUBAILE & FREDERIC DEVILLE . Dolce ostinato
| 02- JORGE ROSSY . Puerta
Grrr
Dominique Fonfrède : voix
Françoise Toullec : piano
Alors voilà. Aux frontières des genres, une voix et un piano se rencontrent. Ils dialoguent et narrent d’improbables histoires poétiques à dormir assis (et pourquoi pas ?), tissent une toile un peu foutraque où se percutent les éclats (très travaillés) d’improvisations (très travaillées…) de deux personnalités complémentaires qui n’excluent jamais de leur vocabulaire créatif la moindre des possibilités. Des mots projetés, des phrases en sarabandes désordonnées, des onomatopées qui aiment à se glisser dans les intervalles du clavier, des frottements sur les cordes, des touches étouffées ou non qui creuse un sillon musical dans lequel la voix inscrit une présence, sa présence, et des surprises syntaxiques surprenantes que le piano épouse naturellement, comme si de rien n’était (j’aime beaucoup cette expression). L’auditeur que je suis ne se pose jamais de question, il imagine et résonne ou s’égare, bref il écoute. Et ce devrait être la seule manière d’aborder « ce qui est merveilleux », en liberté, le plus éloigné possible des genres et de leurs frontières (qui sont la honte de la géographie et de son histoire), comme un nourrisson devant la première édition d’une encyclopédie de l’avenir. En écoutant ce disque, ne regardez pas par la fenêtre, tout est là, à l’intérieur. A moins que vous sachiez ouïr avec les yeux. Je récapitule ou pas ?
Yves Dorison
http://francoisetoullec.free.fr/
Tchaï
David Aubaile : piano
Frédéric Deville : violoncelle
Deux voix qui s’épousent plus qu’elles ne se confrontent dans ce disque. Piano et violoncelle (de tous les instruments, n’est-il pas le plus proche de la voix humaine ?) Chambriste et mélodique de bout en bout (les compositions sont des pièces originales), cet album est, pour n’importe quel auditeur, particulièrement lisible. Les deux musiciens se nourrissent de leurs différences, de les parcours respectifs et fusionnent jusqu’à construire un univers unique et personnel. Leur chant vagabonde entre les influences, éclaire ça et là tel ou tel pan des paysages sonores, sans préciosité mais avec une saine attention au détail. L’ensemble est apaisant et souriant. L’on pourrait évoquer le classicisme pur et dur s’il n’y avait pas de la part du duo des intentions contemporaines nettement marquées qui le repousse, juste assez pour faire preuve d’originalité. Et c’est également ce qui fait le charme de cet enregistrement dont les formes souples et douces s’acoquinent l’air de rien avec le hors cadre.
Yves Dorison
https://tchailabel.fr/musique/dolce-ostinato
Ecm
Jorge Rossy : vibraphone, marimba
Robert Landfermann : contrebasse
Jeff Ballard : batterie
Avec deux mois de retard, quelques mots sur le premier disque pour Ecm du batteur (qui s’est fait connaître avec Brad Mehldau il y a longtemps maintenant) Jorge Rossy. Délaissant les fûts pour le vibraphone et le marimba, le barcelonais propose des compositions originales fort intéressantes. Certaines, très intimistes, sortent de l’univers à proprement parlé jazz tandis que d’autres s’en nourrissent pleinement. Si le trio forge son identité autour d’une interaction de tous les instants, sa réussite est également et notablement due à son attrait mélodique. Pas de déchainements techniques dans cet album mais une éloquence patente, marquée par un art de la nuance consommé. Ajoutez à cela une belle unité de ton, une très fine musicalité, une élégance du jeu plus qu’aboutie et vous obtenez un disque en tout point réussi, empreint d’un lyrisme léger et savamment percussif, qui dans son ensemble produit un monde sonore pétri dans sa profondeur d’ombres et chatoiements discrets, de secrets peut-être.
Yves Dorison