Du jazz anglophone avec Jim Snidero, Jo Lawry, Tim Garland et Jason Rebello, et le dernier disque de Jean-Christophe Cholet
Savant Records
Jim Snidero saxophone alto
Kurt Rosenwinkel : guitare
Orrin Evans : piano
Peter Washington : contrebasse
Joe Farnsworth : batterie
Jim Snidero n’est plus à présenter, même s’il est quasi inconnu chez nous. De l’autre côté de l’atlantique, c’est un musicien plus que respecté et l’on a vu par le passé avec Tom Harrell, Mulgrew Miller, Benny Green, Maria Schneider, on ne vous fait pas la liste complète. Avec son quartet habituel, un gage certain d’homogénéité et de musicalité, il a eu la bonne idée d’inviter le guitariste Kurt Rosenwinkel, plus connu par ici mais néanmoins assez rare. A eux cinq, il porte un jazz d’aujourd’hui fin et élégant. C’est du cousu main, comme on dit. Il n’y a qu’à écouter l’intro en duo du saxophoniste et du guitariste sur « It might as well be spring » pour en avoir la certitude. On fait là dans le sensible. La mélodie est approchée avec une douceur et une concision de très haut vol. Sur les titres les plus rapides, il ne serait pas étonnant que vous soyez bluffés par l’osmose qu’affiche le quintet. Les soli sont tous impeccables, ce qui semble tout à fait normal vu le niveau des intervenants, et leur musique en général ne manquera pas de vous séduire. Si tel n’était pas le cas, une consultation chez un spécialiste pourrait s’avérer utile.
whirlwind recordings
Tim Garland : saxophones sopranino, soprano, ténor, clarinette basse
Jason Rebello : piano
Deux pointures anglaises aux collaborations multiples et variées (Jeff Beck, Corea, Sting, Ralph Towner, Shorter, etc) se connaissent depuis trente ans et prennent le temps de faire en duo un album dont ils ont envie. Cela donne une musique où chorus et improvisations se succèdent comme à la parade. Lente ou syncopée, la musique donne à entendre la complicité des deux musiciens. Leur dialogue est fécond, c’est à la fois cérébral et organique, et il fait de leur musique un ersatz entre complexité et élémentarité intuitive. Les mélodies s’enchaînent les unes aux autres comme autant d’évidences et l’on écoute le disque en perdant la perception de la temporalité. C’est aussi simple que cela. Le dernier morceau, un traditionnel écossais transcrit bien ce qui fait le sel de cet enregistrement : une musicalité faite de rugosité douce dont la permanence est indéniable. Rien à ajouter sinon qu’il faut écouter ce très beau disque.
https://www.timgarland.com/
http://jasonrebello.co.uk/site/
Whirlwind recordings
Jo Lawry : chant
Linda May Oh : contrebasse
Allison Miller : batterie
Jo Lawry, vous connaissez ? Votre serviteur était passé à côté. En cherchant un peu, on voit qu’elle a passé une bonne dizaine d’années à accompagner des pointures internationales, encore Sting, Paul Simon, Peter Gabriel, et l’on s’interrogerait presque sur son jazz s’il n’y avait pas dans le line up Linda May Oh, Allison Miller et la maison de disques bien connue. De fait, il s’agit bien de jazz et, plus précisément, d’un jazz où la chanteuse prend des risques. Avec une rythmique et rien d’autre, il fallait oser se lancer. Jo Lawry le fait avec une science du chant impressionnante. Son scat est une petite merveille de précision, à l’image de son chant, lequel est riche et délié, d’une lumineuse clarté. Superbement soutenue par une batterie et une contrebasse jamais envahissantes, Jo Lawry nous a fait, par certains côtés, penser à Helen Merrill, c’est vous dire. L’ensemble est un pur régal et l’on serait bienheureux de pouvoir l’applaudir sur scène par chez nous. Mais que font les tourneurs ?
Infingo
Jean-Christophe Cholet : piano
Jean-Cristophe Cholet présente avec « Anima » le deuxième volet d’une trilogie débutée en 2020 avec « Amnesia ». Construit grâce au procédé de multi-recording, il présente une musique contenant plusieurs couches de musique orchestrées après coup. Assurément conceptuel, ce système ne nuit pas cependant à l’écoute. Quant à la musique finalement constituée, elle est clairement introspective et, malgré tout, plutôt organique. Les mélodies se plaisent dans une linéarité, aux accents mélancoliques, qui s’autorise les détours nécessaires à son expressivité. L’auditeur se trouve immergé dans un univers mélodique aux atmosphères particulières où le clair-obscur est presque un mantra, ceci étant en partie dû aux surprises de multi-recording. Comme toujours avec le pianiste, l’ensemble sonne parfaitement et l’étrangeté du propos musical s’en trouve magnifiée. Les curieux auront à cœur de découvrir ce disque.