Wadada Leo Smith en mode électrique, feu Dexter Gordon en mode live et deux chanteuses et pianistes de jazz pour faire bonne mesure...
Kabell Records
Wadada Leo Smith : trompette
Nels Cline : guitare
Brandon Ross : guitare
Lamar Smith : guitare
Bill Laswell : basse
Melvin Gibbs : basse
Mauro Refosco : percussions
Pheeroan akLaff : batterie
Hardedge : électronique
Sortie le 31 mars
Wadada Leo Smith tient la forme. Après avoir inondé le marché de disques en 2022, année de ses quatre-vingts ans, le voilà de retour avec un groupe électrique. Sur un mode davisien, jusque dans la conception qui consista à enregistrer les morceaux avant de les bidouiller en studio, notamment en mêlant les rythmes et les métriques avec les différents matériaux à disposition, façon « On the corner », le trompettiste développe une musique que Miles n’aurait pas reniée. Notez au passage qu’il avait par le passé (1998) enregistré un disque hommage, « Yo Miles ! » avec Henry Kaiser. Ce n’est donc pas surprenant de le retrouver dans cette veine. Plus électrique encore qu’il y a vingt-cinq ans, sa musique s’étale en couches plus ou moins planantes, plus ou moins vives, mais toujours colorée par une chaleur chatoyante. Elle porte l’auditeur dans un univers où la brume se déplace au rythme des courants et les éclaircies aussi. Cosmique et inspiré assurément. Davisien aussi, mais presque trop. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble est parfaitement efficace et plus qu’agréable à écouter. Un morceau est dédié à la poétesse Ntozake Shange (pas encore traduite en français, on se demande pourquoi), deux autres se réfèrent à Mohammed Ali et un autre honore Tony Williams.
https://www.wadadaleosmith.com/
Autoproduction ?
Jane Irving : chant, piano (6.10)
Josh Richman : piano
Kevin Hailey : contrebasse
Kayvon Gordon : batterie
Sortie le 31 mars
Chanteuse (et pianiste) australienne installée à New York depuis plus d’une décennie, Jane Irving n’est donc pas une débutante, loin s’en faut. Cela s’entend dès les premières notes de ce disque où elle est accompagnée par trois musiciens entièrement dévouée à son chant, ce qui ne signifie pas qu’ils manquent d’espace pour exister musicalement. Le premier morceau à lui seul justifie l’écoute de l’ensemble. Tout en lenteur maîtrisée, le trio fait en douceur et avec souplesse le lit sur lequel la chanteuse pose sa voix. Son sens de la narration est impeccable et elle module et articule à souhait afin d’épouser les contours du texte. Sans effort apparent, elle peut sur d’autres titres scatter avec une efficacité joyeuse. Jamais elle ne force. Elle chante ce qu’il faut chanter comme elle le pense, avec les nécessaires nuances, et ne fait aucunement place à des démonstrations stériles et malvenues. Ces trois acolytes sont limpides et inspirés, au diapason des partis-pris de la vocaliste. Le guitariste Russell Malone, on peut lui faire confiance, dit d’elle qu’elle est « la personnification du goût. » Et nous sommes d’accord avec lui. A découvrir.
Champian Records
Champian Fulton : piano et chant
Hide Tanaka : contrebasse
Fukushi Tainaka : batterie
Sortie le 07 avril
On se souvient d’avoir découvert Champian Fulton en concert quelques années auparavant dans un club lyonnais qui a fermé depuis. Nous avions noté son aisance pianistique et ses capacités vocales pour le moins convaincantes. On la retrouve ici en trio, enregistrée en public au Birdland, avec les qualités précitées. Comme à son habitude, elle se permet des parties instrumentales où s’affirme son sens du swing et une approche personnelle fort bienvenue. Quand elle chante, elle le fait avec une précision et un savoir-faire qui la classe dans le panier des musiciennes de jazz accomplies. C’est toujours clair et concis, cela module à la perfection et le phrasé dans son ensemble est très efficace. Nous l’avons dit plus haut, elle sait ce que swinguer veut dire. Sa rythmique fait le job avec rigueur et détermination. Les soli sont tous de très bonne facture. C’est du jazz fait par des amoureux du genre et, ma foi, plutôt bien fait. On ne révolutionne pas le jazz dans cet album mais on le met en lumière avec habileté et goût. Cela parait toutefois normal car elle a été bercée au jazz par des parents musiciens qui avait pour pote des gens comme Clark Terry, entre autres. De quoi satisfaire bien des oreilles.
Storyville Records
Dexter Gordon : saxophone ténor
Kirk lightsey : piano
David Eubanks : contrebasse
Eddie Gladden : batterie
Sortie le 07 avril
Ce genre d’enregistrement ancien, édité pour la première fois près de quarante ans après les faits, cela sent bon la Madeleine du petit Marcel. Le grand Dexter, on l’a beaucoup écouté et on le retrouve avec plaisir, qui plus en concert avec une bande de solides gaillards. Comme à son habitude, c’est du jazz généreux et punchy, ça coule tout seul tant les musiciens maîtrisent leur idiome et ça fait du bien par où ça passe. Toutes voiles dehors, les quatre s’entendent comme larrons en foire et font passer à l’auditoire tout le vocabulaire du genre, citations comprises. Bien évidemment, le swing est là, sinon ce ne serait pas drôle. Notons au passage que ce jazz-là avait un truc que l’on retrouve plus difficilement de nos jours tout genre confondu : il pète la joie de vivre, l’enthousiasme et tout ce qui va avec ; le grand Dexter et ses potes, sur scène, ils n’étaient pas du genre à regarder la montre. On en voulait plus, on en avait plus. Les temps changent et les madeleines ont toujours bon goût. Faites-vous plaisir.