Un octet avec quatre trombones, un contrebassiste chilien éxilé à Brooklyn, un saxophoniste norvégien émigré à Paris et un trio bien de chez nous, c’est autant de propositions musicales pour vos oreilles avides...
Fresh Sound New Talent
Simón Willson : contrebasse, compositions
Isaac Wilson : piano
Jonas Esser : batterie
Jacob Shulman : saxophone tenor (1.6.9.10)
Né au Chili et basé à Brooklyn, le contrebassiste Simón Willson et ses musiciens présentent un disque où le brut le dispute au raffiné. Par moment, la liberté de jeu s’y exprime pleinement, à d’autres, c’est la structure qui prime. En oscillation entre ces deux pôles, le rio et l’excellent saxophoniste, qui apparaît sur quatre morceaux, arrivent à tenir fermement leur cap, celui d’un jazz contemporain, bien assis sur ses bases, ne manquant jamais de créativité. Le leader affirme que dans son esprit ce disque parle de Bach, Monk et Buñuel traînant sur une plage au Brésil, Thom Yorke et Ornette buvant du pisco dans un bar de Santiago, Mingus et Roberto Bolaño partageant des cigares à La Havane, et Oscar Pettiford, Wilbur Ware, Thomas Morgan et moi-même discutant à New York. À l’écoute, nous ne sommes pas loin de lui donner raison car c’est de la multitude que peut émerger une voix singulière. La musique de Simón Willson possède cette singularité, notamment grâce à l’osmose entre ses musiciens et lui. C’est peut-être cela la bonne compagnie qui donne son titre à l’album. En tout cas, c’est à écouter.
Sunnyside Records
John Fedchock : trombone
Nate Mayland : trombone
Alan Ferber : trombone
Jennifer Wharton : trombone basse, voix
Michael Eckroth : piano
Evan Gregor : contrebasse
Don Peretz : batterie
Samuel Torres : percussions (2.4.6.7.9)
Un octet avec quatre trombones aux avant-postes, dont le basse de la leader, ce n’est pas tous les jours qu’on en croise. La curiosité l’a donc emporté et a sorti cet album du lot des multiples propositions musicales qui nous tombent dessus jour après jour. Grit & grace signifie « du cran et de la grâce ». Pour tout dire, le titre de l’album n’est pas usurpé. Il faut un certain culot pour proposer une telle formation et la musique qu’elle joue n’est pas exempte de grâce ; c’est même soyeux et fluide, aérien et léger sans mièvrerie. Les compositions se tiennent parfaitement et l’ensemble est un déroulé musical au sein duquel le trombone basse se présente en majesté, bien soutenu en toute occasion par le reste du groupe. Plutôt joyeux et vivant, ce disque plein de fraîcheur est le troisième de la formation. Pas étonnant dès lors que tout soit réglé comme un mouvement d’horlogerie (suisse bien sûr) avec un swing discret et efficace et que les arrangements relèvent de l’orfèvrerie. On vous le laisse découvrir.
https://jenniferwharton.com/bonegasm/
Grappa
Petter Wettre : saxophone ténor
Anders Aarum : piano
Jens Fossum : contrebasse
Hermund Nygard : batterie
Back to the basis, comme on dit là-bas. Avec Petter Wettre, norvégien parisien depuis 2020, c’est l’essence mêmedu hard bop qui s’exprime. Son saxophone ténor possède tout le vocabulaire (et le son aussi) pour habiter ce genre ancien encore bien vivace ici et ailleurs (un peu plus ailleurs qu’ici d’ailleurs…). Ah tradition quand tu nous tiens ! Qu’il interprète un standard ou des compositions personnelles, Petter Wettre nous plonge dans les ambiances club enfumé des grandes années. La grande question est la suivante : aimer cette musique d’un autre temps, est-ce être passéiste ? A titre personnel, nous aimons bien nous prendre épisodiquement par ce type de jazz, histoire de se souvenir que ce qui se fait aujourd’hui ne vient pas de nulle part. Avec ce quartet norvégien qui tient bon la barre, le swing est au rendez-vous. Chacun fait sa part au service du collectif et tous se retrouvent autour de l’idiome qu’ils affectionnent. Bien fait, simple à écouter et somme toute festif, ce disque très musical et enregistré live ne manque pas de qualité.
https://www.petterwettreofficial.fr/
Menace
Charley Rose : saxophone tenor, Fx
Enzo Carniel : piano, Ms 20
Ariel Tessier : batterie, percussions
Invités :
Yumi Ito : voix (10)
Arne Huber : contrebasse (2.8.11)
Ce doit être le deuxième album du Charley Rose Trio. Avec un mix léger entre l’acoustique et l’électri(oni)que, la musique du trio évoque le roman déjanté de Charles Bukowski Pulp (1994), mais aussi le dadaïsme. Sur ce postulat les trois musiciens (et leurs invités) prennent un malin plaisir à nous balader entre les genres sur le fil ininterrompu d’un jazz virtuose qui ne refuse rien. De construction en déconstruction, ils mêlent les lignes, déambulent les oreilles grandes ouvertes, sortent des sentiers battus, expriment leurs individualités respectives sans nuire au collectif et génèrent un continuum musical empreint de vivacité et d’originalité. C’est dense et inspiré à la fois, mélodique et percussif ; c’est également un très beau travail d’écriture, à la hauteur des moments d’improvisation qui parcourent les thèmes. Au final, c’est un disque hybride qui ne met pas en péril la cohérence de l’ensemble. A vous de voir.