Au menu : un grand orchestre bien de chez nous, deux duos transatlantiques et une bande de potes du septentrion qui célèbrent Santa Claus
Umlaut Records
Pierre-Antoine Badaroux : direction
Agathe Peyrat : voix
Chloé Tallet : flûte
Guillaume Retail : hautbois
Geoffroy Gesser : clarinette, clarinette basse, saxophone ténor
Pierre Fatus : basson
Brice Pichard : trompette
Harmonie Moreau : bugle
Michaël Ballue : trombone
Stéphanie Padel, Florian Perret, Emilie Sauzeau, Raphaël Coqblin, Clémentine Bousquet, Clara Jaszczyszyn, Lucie Pierrard : violon
Elsa Seger, Valentine Garilli : alto
Myrtille Hetzel, Pablo Tognan : violoncelle
Matthieu Naulleau : piano
Sébastien Beliah : contrebasse
Antonin Gerbal : batterie
« J’avais lu un livre sur l’astrologie, et bien que je n’y connaisse pas grand-chose, j’ai décidé d’écrire une suite inspirée par les musiciens que je connaissais qui étaient nés sous ces signes. Je n’avais pas le temps d’écrire, ni d’aller dans un studio pour enregistrer, donc après les trois premiers signes, je m’installais au piano et je jouais, la musique s’inventant au moment où je jouais. On pourrait appeler ça la composition jazz. » De fait, la suite fut enregistrée pour trio en 1945. Une version pour big band, truffée de bugs fut interprétée au Town Hall de New-York avec un succès mitigé. Seuls trois mouvements furent joués au Carnegie Hall avec un grand orchestre de 70 musiciens. Pierre Antoine Badaroux a mené en amont un travail de fourmi dans les archives disponibles que la pianiste a laissé à sa fondation pour qu’enfin cette suite fût entièrement orchestrée. Le résultat est tout simplement bluffant. Permettre aujourd’hui à cette œuvre, qui fut en son temps un des premiers rapprochements entre musique classique et jazz, de (re)naître était une sacrée bonne idée. La cohésion au sein de l’Umlaut Chamber Orchestra, le talent des musiciens, celui de l’arrangeur font de ce disque, au-delà de l’hommage à la pionnière très en avance sur son temps que fut Mary Lou Williams, une excellente occasion de redécouvrir le travail d’une pianiste, femme noire au mitan du XXème siècle, que les musiciens hommes pensait meilleure qu’eux.
https://umlautrecords.bandcamp.com/
Act Music
Nils Landgren : trombone & chant
Sharon Dyall : chant
Jeanette Köhn : chant
Jessica Pilnäs : chant
Ida Sand : chant & piano
Jonas Knutsson : saxophones
Johan Norberg : guitares
Clas Lassbo : contrebasse
Ce n’est pas la première fois que l’on chronique un disque de Noël de Nils Landgren, c’est son huitième n’est-ce pas, et l’alternative qu’il propose à Mariah Carey, Tino Rossi et autres petits loup du jazz est toujours aussi savoureuse, d’autant plus qu’elle permet un éveil musical d’excellente facture pour les rejetons en bas-âge qui croient encore au Père Noël (en attendant qu’ils se mettent à écouter du rap) Ceci dit, le choix du répertoire est lui aussi un gage de qualité et surtout d’originalité car Nils Landgren sait puiser à travers le vaste monde des pépites de toutes sortes. C’est d’ailleurs l’une des forces de l’enregistrement, l’autre étant la qualité des musiciens amis qui accompagnent le leader. On y chante beaucoup et bien, souvent en chœur, n’oublions pas que c’est Noël, et la musique qui soutient les thèmes est faite avec brio. Ce n’est jamais fade et moins encore sirupeux, pas plus que c’est niaisement joyeux d’ailleurs, et cela mérite l’attention des parents, de leurs parents et grands parents. Allez, faites un geste pour l’intégrité intellectuelle à venir de vos bambins. Ils vous remercieront plus tard.
Klarthe Records
Jonathan Orland : saxophone
Jean-Michel Pilc : piano
Gainsbourg est à l’honneur dans ce disque en duo. Mais reprendre les chansons du « beau » Serge sans les paroles, n’était-ce pas une gageure ? Au vu du résultat, il est clair que non car Jonathan Orland a su choisir celles dont les mélodies étaient suffisamment fortes pour être identifiables sans les mots. Enregistré en une demi journée, le disque, au-delà de sa thématique, fait la part belle à la mélodie initiale comme à l’improvisation et l’on sent d’emblée que le lien alchimique nécessaire au duo se crée dès les premières notes afin que la magie opère. Le plus surprenant, c’est que l’on se surprend à chantonner les textes en écoutant les deux musiciens jouer. Tout semble naturel dans cet exercice de style qui aurait pu être carrément casse-gueule. Le respect dû au créateur est bien présent, mais il n’empêche pas Jonathan Orland et Jean-Michel Pilc d’affirmer leur personnalité et la singularité avec laquelle ils ont abordé son œuvre. Une belle réussite pour un disque inattendu qu’on ne se lasse pas de réécouter. Cadeau de noël ?
https://www.jonathanorland.com/about-fr
https://jeanmichelpilc.com/?lang=fr
Main Door Music
Miguel Zenon : saxophone alto
Dan Tepfer : piano
Un autre duo saxophone / piano à l’honneur dans ces colonnes. Miguel Zenon et Dan Tepfer, deux musiciens qui mériteraient une plus grande attention dans les médias du jazz tant leur valeur est grande, se retrouve pour jouer leurs compositions et travailler deux pièces de Tristano et Ligeti. Les deux artistes ont en commun Lee Konitz. C’est pour Miguel Zenon une référence incontournable et pour Dan Tepfer un compagnon de route (qu’il accompagna jusqu’à la fin) avec lequel il a enregistré deux albums en duo. Entre le franco-américain et le portoricain, ce sont eux approches rythmiques originellement différentes qui se rencontrent et, avec bonheur, se complètent. L’écriture est toujours limpide et les thèmes se succèdent sans que jamais notre attention ne faiblisse. La pièce de Ligeti interprétée par le duo trouve naturellement sa place dans la playlist quand on sait que le compositeur hongrois a étudié la musique afro-cubaine. Au final, le dialogue entre les deux musiciens est une merveille de finesse et d’inventivité, empreinte d’un lyrisme exploratoire passionnant. La seule chose bizarre dans ce duo, c’est qu’il a été enregistré il y a plus de cinq ans et on se demande bien pourquoi il a aussi longtemps trainé sur une étagère... Cadeau de noël. Il n’est jamais trop tôt pour bien faire.