ANDREAS RØYSUM ENSEMBLE . Mysterier

Motvind Records

Sofie Tollefsbøl : chant
Henriette Eilertsen : flûte
Signe Emmeluth : saxophone alto, flûte
Marthe Lea : saxophone ténor
Andreas Røysum ; clarinettes, flûte
Erik Kimestad Pedersen : trompette
Øyvind Brække : trombone, poésie
Hans P. Kjorstad : violon
Joel Ring : violoncelle
John Andrew Wilhite : contrebasse
Christian Meaas Svendsen : contrebasse, basse
Andreas Wildhagen : batterie percussion, tuyau, cloches
Ivar Myrset Asheim : batterie, percussions, vibraphone

Nous avons faille louper le coche avec ce disque sorti en octobre dernier et c’eut été dommage. Pas un big band mais bien un ensemble de taille respectable, le groupe d’Andreas Røysum est une machine à musique redoutable qui fait dans la finesse apparemment brouillonne, le swing étonnamment alternatif et le volume à géométrie variable. Si la structure des morceaux est complexe, elle n’en est pas moins efficace. La puissance de la formation est sa caractéristique première : elle séquestre littéralement l’auditeur, l’asservit presque. Pétrie de détails qu’une seule écoute ne permet d’apprécier à leur juste valeur, elle nécessite une attention de tous les instants. La musique se développe par séquence et si les mélodies existent bel et bien, faites chevauchements et d’entrelacements, elles sont mises à mal par l’entrain des musiciens qui se laisser aller à des écarts free particulièrement séduisants. Cela bouillonne, cela évite de justesse la sortie de route et cela demeure miraculeusement sur les rails. Mais comme les miracles n’existent pas, nous préférons donner à Andreas Røysum et ses acolytes la responsabilité de ce coup de maître. Ici une voix scandinave émerge (on ne comprend rien et on s’en fout) qui apaise passagèrement l’énergie juvénile du groupe avant que la machine se mette à nouveau en branle pour une autre aventure sonore. Là, la folie du moment règne sans partage au sein d’un chaos organisé. La rythmique sur laquelle les musiciens s’appuient est un modèle du genre, à la fois lourde et légère selon les besoins. Rien de binaire dans ce disque, c’est le choix du leader, mais une richesse de timbre étendue et un goût marqué pour l’instantanéité qui autorisent une grande liberté d’approche de son sujet. C’est la vie quoi. Pas simple et festif à la fois.


https://andreasroysumensemble.bandcamp.com/album/mysterier


  MARTHE LEA BAND. Herlighetens Vei

Motvind Records

Marthe Lea : saxophone ténor, flûtes, piano, voix, udungu, percussions
Andreas Røysum  : clarinettes, flûtes, voix, percussions
Hans P. Kjorstad  : violon, voix, percussions
Egil Kalman : contrebasse, synthétiseur modulaire, voix
Hans Hulbækmo  : batterie, percussions, voix

Étonnant quintet qui puise à des sources musicales diverses, le groupe de Marthe Lea possède, tout comme l’album d’Andreas Røysum chroniqué ci-dessus, une originalité patente. D’un morceau à l’autre, le genre diffère : on passe de la folk au purement folklorique en faisant un détour par l’orientalisant. Dans tous les cas de figure le quintet explore au mieux les subtilités des musiques abordées en les réinventant. Une ballade à la mélodie entêtante surgit, pause bienvenue à l’identité floue. Peu importe, c’est de la musique inspirée qui ravit les pavillons auditifs et c’est réalisé avec un goût très sûr. Une autre suit où la leader vocalise avant d’être rejointe par les voix masculines, le tout avec un minimum d’instrumentation qui exacerbe la présence vocale, avant que le rythme change et reflète un autre point de vue. De pépite en pépite, l’air de rien, le groupe construit un palais intime de petits mystères idiosyncrasiques tous plus surprenants les uns que les autres. Au final, l’album possède une fraîcheur et une singularité qui le démarque dans l’espace grand ouvert du jazz et des musiques improvisées, si tant est que cela soit encore du jazz. Mais là encore, on s’en moque un peu car la musique prime sur tout, et notamment sur les genres et autres cases que tout un chacun aime à remplir afin de se rassurer. Laissez-vous donc surprendre.


https://martheleaband.bandcamp.com/album/herlighetens-vei


  ALBERT VILA TRIO . Reality is nuance

Fresh Sound New Talent

Albert Vila : guitare
Doug Weiss : contrebasse
Rudy Royston : batterie

Nous l’avions remarqué avec son Cd solo en début d’année et on le retrouve en trio avec une luxueuse rythmique, Doug Weiss et Rudy Royston, rien que ça. Albert Vila propose dans ce nouvel album des compositions originales à l’exception de la dernière basée sur le standard I remember april. Une chose est certaine, son jazz d’aujourd’hui convient parfaitement au titre du disque, reality is nuance. Dans une époque manichéenne comme la nôtre où la nuance est fortement malmenée au quotidien, c’est un plaisir que d’écouter un enregistrement où chaque musicien offre autre chose que du convenu. La palette est riche, les textures variées, et l’ensemble est harmonieux et homogène. Les compositions du guitariste sont suffisamment mélodiques pour que l’on s’y retrouve sans peine et rien ne nuit à l’écoute dans le travail réalisé par le trio. La rythmique est à son niveau habituel, très élevé donc, et Albert Vila peut compter sur eux en toute circonstance. Il en résulte un Cd jazz haut de gamme, inspiré en tout point, de ceux que l’on range sur notre étagère et dont on sait qu’il ne prendront pas la poussière de sitôt.


http://albertvilamusic.com/


  MINA AGOSSI + AGE7 . Lonely whales

Alchimie Records

Mina Agossi : chant
Eric Jacot : contrebasse, basse

AGE7
Marc Charrière : claviers, sound design
Fabien Miedzianowski : guitare

Pour tout vous dire, nous avions perdu de vue Mina Agossi depuis un bon bout de temps. La retrouver, prenant la tangente avec une paire d’électro-musiciens, ne nous surprend pas plus que cela car les écarts ne l’ont jamais rebutée. Le fidèle Éric Jacot est également de la partie dans cet enregistrement qui irritera les tenants du jazz pur et dur. Nous, on s’en fiche carrément. Mina Agossi et ses acolytes réussissent à créer un univers musical particulier dans lequel on se laisse glisser sans effort. Qu’elle chante en français ou en anglais ne modifie en rien la cohésion de l’ensemble, bien au contraire. Autour de sa voix la musique habite l’espace avec des sonorités variées et chaudes. Sur un mode aussi pop qu’électro jazz ne manquant pas de finesse, les chansons qui se succèdent ont toutes une particularité qui les sort du lot et les relient cependant à l’ensemble. Ce disque à de quoi satisfaire les curieux par sa belle homogénéité et sa notable musicalité, en dehors des codes. Faire preuve de liberté créative est un signe d’intelligence. Dans ce disque, Mina Agossi assume ses choix musicaux avec classe. Cela nous plaît. Et comme il l’est affirmé dans le second morceau : All music is jazz music.


https://minaagossi.fr/