une vitrine avec quatre disques dans quatre genres différents, histoire de ratisser large
Imani Records
Thomas Marriott : trompette
Orrin Evans, piano, Fender Rhodes
Robert Hurst III : contrebasse
Mark Whitfield jr : batterie
Shedrick Mitchell : orgue B3
Ce quinzième album du trompettiste natif de Seattle fleure bon « le jazz dans tous ses états ». Contemplatif ou énergique, toujours mélodique (avec de subtiles dissonances), il se livre aux oreilles, d’un morceau l’autre, avec une gourmandise non feinte. Bref, tel un caméléon, il mêle les ambiances avec une fort belle unité de ton et nous fait son cinéma en technicolor plutôt qu’en noir et blanc quatre tiers. Comme les participants à l’aventure sont tous des brutes de musicalité et de créativité, ils sont toujours là où on les attend et encore là où on ne les attend pas. Le leader mène l’ensemble avec une autorité douce qui laisse un champ d’expression individuelle conséquent aux autres musiciens. L’inventivité et la modernité côtoie la tradition au service d’une vision musicale plutôt originale qui sait captiver l’auditeur. Jamais fades, les atmosphères bénéficient pleinement du savoir faire des musiciens pour développer un univers aux saveurs mêlées (un multivers à la mode jazz ?) longues en bouche, sans aucune faute de goût. C’est du travail d’orfèvre qui sait swinguer, qui ne vous laisse que peu de répit et cela fait du bien aux esgourdes. Un vrai plaisir d’écoute.
Jojo Records
Bill O’Connell : piano
Santi Debriano : contrebasse
Billy hart : batterie
Sortie le 17 janvier
L’album de Bill O’Connell porte bien son titre tant il est clair que ce pianiste possède un toucher élégant, vous savez, ce truc en plus dans la finesse qui fait qu’on l’écoute sans décrocher. Sachant qu’il est accompagné par deux musiciens qui flirte avec le légendaire (à raison), on obtient un album triangulaire inscrit dans la tradition par ce qu’elle a de meilleur. Connu pour son goût pour la musique latine, il revient avec ce disque de pur jazz enregistré dans les studios Van Gelder à une formule, le trio, qu’il n’avait plus pratiqué depuis 1978. Et ma foi, c’est une bonne idée. Billy hart et Santi Debriano sont souverains, le contraire aurait été étonnant. Dans l’improvisation, les trois font preuve d’une autorité à leur mesure et tout paraît facile. L’ensemble recèle une puissance de jeu riche de nuances. Ici et là, le goût pour la musique latine précitée revient en force et c’est fait de telle manière que l’on ne s’ennuie pas (clairement, que cela ne m’ennuie pas). Les soli de Santi Debriano sont monstrueux de clarté et d’inventivité, le jeu de Billy Hart, qui s’allège toujours plus avec le temps, est d’une précision et d’une musicalité qui tutoie la perfection. Recommandé.
Imani Records
Marianne Solivan : chant
Buster Williams : contrebasse
Brandon McCune : piano
Jay Sawyer : batterie
Sortie le 17 janvier
Vous connaissez Marianne Solivan ? Je ne me souviens pas d’en avoir entendu parler, ni même de l’avoir écoutée. Ce qui me fait dire une fois de plus que si notre monde global est un soi-disant village, il existe encore des frontières dont une, redoutable, est le manque de curiosité : chacun dans son coin et les artistes seront bien cachés. Mais peu importe, la chanteuse de Brooklyn a ce qu’il faut pour se faire une place au soleil ici et ailleurs. Elle ne fréquente que les meilleurs musiciens (Peter Bernstein, Jeremy Pelt ou Christian McBride par exemple et Buster Williams est sur ce disque), et son grain de voix est de ceux qui touchent immédiatement l’auditeur. Tout est juste et placé, lyrique et swing sans emphase, capable d’un scat pur jus, elle délivre de titre en titre un chant habité avec une diction impeccable et des intonations sensibles. Bien accompagnée par des musiciens très à l’écoute, elle offre à ceux qui aiment le jazz un bel exemple de classicisme intemporel, qu’elle chante ses propres compositions ou non. Comme en sus elle est à l’aise dans les ballades avec une présence fine et forte à la fois, il ne lui manque rien pour vous séduire. Alors ?
https://mariannesolivanjazz.com/
Houseofsyn Records
Oz noy : guitare
Andrew Synowiec : guitare
Hadrien Feraud : basse
Marvin “Smitty” Smith
Et pourquoi pas un disque de funk Rock sur un fond de jazz discret ? Oz Noy et Andrew Synowiec sont deux guitaristes bien connus du côté de Los Angeles, mais chez nous c’est une autre histoire, comme souvent. Ce sont des virtuoses ne manquant pas de musicalité et qui savent s’entourer. Marvin “Smitty” Smith (vu chez Dave Holland ou encore Steve Coleman) est à la batterie et Hadrien Feraud (vu chez McLaughin et Corea) est à la basse. Les quatre réunis vous emmènent dans un monde parallèle que l’on croyait disparu, celui des années quatre-vingt où ce type de musique fit fureur. Vous me direz donc « rien de neuf sous le soleil ». En un sens vous n’avez pas tort, mais est-on toujours obligé de rechercher la nouveauté ? Des nouveautés prétendument originales, souvent capillo-tractées, on en reçoit des tonnes et, plus que souvent, elles nous laissent de marbre. Ces quatre-là ont le mérite de très bien faire ce qu’ils aiment et cela s’entend. Quand ça tire sur le blues on pense à Stevie Ray Vaughan, mais on se souvient sur d’autres morceaux que les Metheny et Scofield, les Frisell et Stern (j’en passe) ont trainé leurs cordes dans ces eaux-là. Si Oz noy et Andrew Synowiec avaient été au bon endroit à la bonne époque, on parlerait d’eux aujourd’hui comme de ces grands anciens.