Avec les disques de : Jean-Baptiste BOUSSOUGOU – Henri ROGER ; Cécile & Jean-Luc CAPPOZZO ; Kalle KALIMA ; Hélène LABARRIÈRE – Hasse POULSEN ; Joce MIENNIEL ; POSSIBLE(S) QUARTET.
Au sommaire, six disques qui ont retenu l’attention des chroniqueurs de CultureJazz.fr pour cette fin janvier 2016 :
Le pianiste Henri Roger est un boulimique insatiable. Ce disque en duo avec le contrebassiste Jean Baptiste Boussougou suit de deux mois à peine le précédent sorti en octobre avec Jean-Marc Foussat intitulé Géographie des Transitoires, qui est également remarquable. Tous deux d’ailleurs sur le label « Facing You » (tout un programme !) créé par Henri Roger qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de duo. Que ce soit précédemment avec le batteur Bruno Tocanne ou le guitariste Noël Akchoté, c’est chaque fois un plat délicat et plein de poésie, avec un grand sens de l’improvisation et un exemple d’écoute et d’ouverture à la présence de l’autre. En l’occurrence dans ce disque, il dialogue avec Jean-Baptiste Boussougou, artiste né au Gabon, qui utilise non seulement sa contrebasse mais aussi le oud, le ngoni, le ney, la senza, la boîte à tonnerre et sa voix. C’est ce dernier qui a proposé tous les thèmes à partir desquels ils conversent. Le titre du disque est tiré d’un mot gabonais (dialecte punu) signifiant "avec cœur" et comment ! Je me souviens avoir passé une soirée délicieuse à écouter ces deux musiciens qui m’ont fait battre le cœur plus vite et emmenée très loin à la croisée de leurs origines éloignées (Henri Roger est né en Égypte).
Le concept d’improvisation pourrait rebuter, il n’en est rien ici, car j’y ai entendu en fait une conversation de haut vol, une improviversation ou convervisation si on veut jouer sur la contraction des deux mots, où l’un commence la phrase et l’autre la termine, dans une simplicité et clarté que déjà la belle pochette épurée du disque laissait prévoir. Un chant cœur à cœur parlant le même langage universel, celui de la musique, messager de paix que certains s’emploient aujourd’hui à détruire. Alors oui, on aime et on se fait l’émissaire de ce face à face porteur d’espérance !
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J’en rajoute une couche après Jean Buzelin et Thierry Giard. Ce disque a quelque chose d’exceptionnel dans sa fraîcheur, dans son non calcul, dans la capacité interactive et réactive d’une fille et de son père. Autour de thèmes de Charlie Mingus et de Mal Waldron qui furent deux musiciens si proches et dont la musique s’est nourrie aux racines du gospel et du blues, ce disque offre la rareté de pouvoir être réécouté sans relâche et nous savons déjà que les années n’y feront rien : nous y retournerons aimantés par le degré de sincérité qui l’anime. Chacune des trois plages qui le composent recèlent tant de richesses que l’on croirait le moment miraculeux si l’on ne savait ici le lien du sang. Et on ne vous a pas tout dit : Cécile, sa fille, au piano, est également une danseuse et chanteuse flamenca émérite et l’on se dit que la danse et le chant lui ont donné cette liberté physique et rythmique qui lui donne des ailes. Quant à Jean Luc son père nous l’avions entendu chez Joëlle Léandre et l’on avait tout de suite compris que l’on tenait là un musicien de tout premier plan. On imagine le papa gaga devant sa fille qui peut être baba de son papa mais ça serait trop facile, ils agissent en musiciens libres tout simplement.
Oui on aime et encore plus…
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Affaire de reprise ici aussi (cf. Labarrière-Poulsen, ci-dessous). Le guitariste finlandais Kalle Kalima et ses acolytes (le bassiste Greg Cohen et le batteur Max Andrzejewski) s’attaquent pour l’essentiel à des compositions issues de westerns… Largement revues et corrigées, ces pièces dont certaines nous sautent aux oreilles en surgissant soudain d’une mémoire enfantine lointaine sont plus qu’agréables à écouter. C’est parfaitement travaillé, avec un son ample et chaud, par des musiciens à l’évidence complices. De prime abord, l’on serait tenté de dire que c’est totalement original. C’est le cas à la vue du répertoire choisi, mais il y a un je-ne-sais-quoi qui nous titille… Ah oui ! En 1998 nous avons acheté « Gone, just like a train » de Bill Frisell, avec Viktor Krauss et Jim Keltner. La parenté est patente et, comme souvent, l’original possède un petit quelque chose en plus, ne serait-ce que l’originalité des compositions friselliennes. Cela n’empêche néanmoins pas d’écouter avec plaisir Kalle Kalima, de temps en temps.
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En allant pêcher des pièces connues ici et là, pour les réinterpréter à leur savante manière, Hélène Labarrière et Hasse Poulsen ont constitué un corpus mélodique qui privilégie les détours propices au développement d’ambiances atmosphériques apaisées mais néanmoins ombreuses. Dans ce disque, les deux musiciens s’intéressent à l’essentiel : la musicalité. Riche de simplicité, le cœur des histoires qu’ils narrent est un noyau humain mouvant qui palpite au gré des digressions mélodiques engendrées par une libre approche des thèmes. To Busk signifie jouer dans la rue. Ce disque est donc une affaire de troubadours plongés dans le quotidien des auditeurs passants. C’est la transmission par le partage direct du sentiment présent dont l’inconstance a plus à voir avec le rêve éveillé qu’avec l’égarement. Ecoutez-les respirer, échanger un regard. Sourire aussi. La sérénité est à ce prix.
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« TILT », un titre accrocheur qui n’est pas un acronyme pour le second disque du flûtiste Joce Mienniel qui va sortir à la mi-février sur le label Drugstore Malone qu’il a créé. Un musicien touche à tout dont il faut lire le parcours éclectique pour comprendre ce disque (lire ici sur son site...). Quand son complice de longue date Sylvain Rifflet sort Mechanics où il est également présent la rentrée dernière ( dont je n’ai pas eu l’occasion de dire le plus grand bien, ce qui sera corrigé sans faute à l’occasion du concert prochain de Vitrolles), Joce Mienniel suit de peu avec une création ambitieuse et de grande ampleur. Ceci pour souligner l’intense créativité de ces deux leaders dont l’imaginaire post industriel est assez proche. Accompagné ici de Guillaume Magne à la guitare, de Vincent Lafont au Fender Rhodes et de Sébastien Brun à la batterie, le flûtiste utilise également un synthétiseur pour dérouler une œuvre homogène composée d’une ouverture avec trois suites en trois mouvements, suivies d’un double épilogue. Un découpage à la Quentin Tarantino avec des titres mystérieux et ésotériques qui laissent libre cours à l’imagination d’un monde que je vois plutôt dévasté avec quelques fenêtres lumineuses malgré tout.
Dès l’ouverture au tempo très lent, la guitare et la flûte ouvrent une dimension cinématographique dramatique à la Ennio Morricone que l’on retrouvera de façon répétitive comme fil conducteur. Les suites sont cohérentes, variées et très imagées pour qui veut entrer dans cet univers à la cosmogonie pleine de symboles. Tout se termine avec un titre proche de la formule magique que prononce une petite fille dans le film de Fellini "Huit et demi" replongeant le personnage de Guido-Mastroianni dans l’enfance avec "Asa Nisi Masa", peut-être l ’a-ni-ma de ce disque, comme un clin d’œil à un des maîtres du cinéma italien pour ce beau disque très addictif.
Le guitariste Guillaume Magne joue dans le Sacre du Tympan et a fait partie du Surnatural Orchestra. Il déploie ici tout son talent en utilisant largement l’effet larsen ( peut-être un peu trop ?) qui s’accorde parfaitement à la sonorité de la flûte et accentue le côté rock. Sebastien Brun à la batterie est solide, terrien et implacable, tandis que Vincent Lafont aux claviers assure la cohésion de tout ce petit monde dérivant dans une nuit cosmique où l’on voit les tableaux de bord clignoter. Joce Mienniel est aux commandes, jouant de son synthé Korg MS20 de façon jouissive, nous entraînant dans son sillage exploratoire tel le joueur de flûte de Hamelin.
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Ce quartet de soufflants né en 2012 sous l’impulsion de Rémi Gaudillat (trompette et bugle), avec Fred Roudet ( trompette et bugle), Loïc Bachevillier ( trombone) et Laurent Vichard (clarinettes), amène un grand vent de fraîcheur pour ce second disque qui suit Le Chant des Possibles paru en 2013. Orchestique, tel est son nom, se définissait dans la Grèce Antique comme l’art de la danse, en particulier dans son union intime avec le théâtre, la poésie et la musique. Sur cette thématique et avec quatre musiciens qui ont plus d’un tour dans leurs bagages, cela donne un très joli résultat ! Déjà la pochette du disque suggestive et colorée remplie de divers alambics laisse deviner une distillation musicale des plus fines ! Ensuite connaissant nos quatre compères impliqués dans pas mal de beaux projets, il était pratiquement certain que cette seconde mouture soit bonne et c’est le cas.
C’est un nouveau chant des possibles en dix petits tableaux pleins de malice, tendres et attachants, bourrés de sensibilité et ce doit être un grand plaisir d’écouter ce quartet en live. D’ailleurs notre collègue Yves Dorison s’était lui aussi laissé ensorceler par le concert donné à Lyon en mai 2015 (ici !). J’y verrais bien quelques comics strips s’agiter sur un écran à l’arrière pour public de 7 à 77 ans, tant cette musique est évocatrice de petites saynètes théâtrales. D’ailleurs le quartet approche régulièrement le jeune public et on sent que tous ont gardé une âme d’enfant. En les écoutant, j’ai parfois pensé à la trompette et au trombone de Journal Intime qui utilisent aussi cette facétie de jeu. Une envie de danser irrésistible, de bouger sur sa chaise, de rire, voilà un disque anti-morosité plein de bonne humeur !
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Jean-Baptiste BOUSSOUGOU – Henri ROGER : "Mourim"
Ce disque figure également dans la "Pile de disques" de CultureJazz.fr : décembre 2015 - lire ici !
> Facing You – IMR - 009 / Musea
Jean-Baptiste Boussougou : contrebasse, ngoni, oud, ney, piano à pouces, boîte à tonnerre, voix, effets / Henri Roger : piano, guitare électrique, effets
01. Prends moi dans tes bras / 02. Retour / 03. Peul / 04. Massalia / 05. Brise Lunaire / 06. Kamele / 07. Piano piano à pouces / 08. Un oiseau sur ta tête / 09. Mourim / 10. 4NP / 11. Zirk // Enregistré à Antibes les 15 et 16 juillet 2015.
Cécile & Jean-Luc CAPPOZZO : "Soul Eyes"
Ce disque figure également dans la "Pile de disques" de CultureJazz.fr : janvier 2016 - lire ici !
> Fou Records - FR-CD15 / Musea
Cécile Cappozzo : piano / Jean-Luc Cappozzo : trompette et bugle
01. No More Tears (Waldron) – Goodbye Porkpie Hat (Mingus) – Nostalgia in Time Square (Mingus) / 02. Soul Eyes (Waldron) – Pithecantrhropus Erectus (Mingus) / 03. The Seagulls of Kristiansund (Waldron) // Enregistré à Abbeville-La-Rivière ’Essonne) le 28 juillet 2015.
Kalle KALIMA : "High Noon"
Ce disque figure également dans la "Pile de disques" de CultureJazz.fr : février 2016 - lire ici ! (lien actif à partir du 4 février !)
> ACT - 9596-2 / Harmonia Mundi
Kalle Kalima : guitare / Greg Cohen : contrebasse / Max Andrzejewski : batterie
01. Santy Anno (traditional) / 02. Ghost Riders In The Sky (Jones Stan) / 03. Ballad Of The Alamo (Tiomkin Dimitri) / 04. Jääkärimarssi (Sibelius Jean) /05. Lännen Lokari (Salomaa Hiski) / 06. High Noon (Tiomkin Dimitri) / 07. El Paso (Robbins Marty) / 08. Hallelujah (Cohen Leonard) / 09. Little Joe The Wrangler (Thorp Jack) / 10. Man Of Mystery (Carr Michael) / 11. The High And The Mighty (Tiomkin Dimitri) / 12. The Green Leaves Of Summer (Tiomkin Dimitri) / 13. South Of The Border (Carr Michael & Kennedy Jimmy) // Enregistré à Berlin en décembre 2014.
Hélène LABARRIÈRE – Hasse POULSEN : "Busking"
Ce disque figure également dans la "Pile de disques" de CultureJazz.fr : février 2016 - lire ici ! (lien actif à partir du 4 février !)
> Innacor – Inna+ - INNA11511 / L’Autre Distribution
Hélène Labarrière : contrebasse / Hasse Poulsen : guitare
01. Take this waltz (L.Cohen / Garcia Lorca) / 02. Special to me (Paul Williams) / 03. Formidable (Stromae) / 04. Let it die (Feist) / 05. Lucy in the sky with diamonds (Lennon/McCartney) / 06. Les uns contre les autres (M.Berger/L.Plamondon) / 07. Morke (Poulsen) / 08. Hand in my pocket (Alanis Morisstte/Glen Ballard) / 09. Stjerne til stov (Sebastian) / 10. Farewell (Dylan) // Enregistré en Bretagne par Jacky Molard en juin 2015.
Joce MIENNIEL : "Tilt"
Ce disque figure également dans la "Pile de disques" de CultureJazz.fr : janvier 2016 - lire ici !
> Drugstore Malone - DM 005 / www.drugstoremalone.com (parution le 29/01/2016)
Joce Mienniel : flûte, Korg MS20, composition, direction musicale / Guillaume Magne : guitare / Vincent Lafont : Fender Rhodes / Sébastien Brun : batterie et traitements électroniques
01. Ouverture / 02. Le son des villes – Fer / 03. Le son des villes – Lithium / 04. Le son des villes – Asylum / 05. Neon Metropolis Offshore – Domus / 06. Neon Metropolis Offshore – Delmak O / 07. Neon Metropolis Offshore – Extended Western / 08. A Flower From The City Beneath – Underwater Field / 09. A Flower From The City Beneath – Reaching the shore / 10. A Flower From The City Beneath – Orange Meteor / 11. Épilogue – Derniers jours à Fukushima / 12. Épilogue – Ana Misi Masa // Enregistré à Paris les 9, 10 et 11 février 2016 par Gilles Olivesi.
POSSIBLE(S) QUARTET : "Orchestique"
Ce disque figure également dans la "Pile de disques" de CultureJazz.fr : janvier 2016 - lire ici !
> IMR - 010 / Musea et Les Allumés du jazz (parution le 23/01/2016)
Rémi Gaudillat : trompette, bugle / Fred Roudet : trompette, bugle / Loïc Bachevillier : trombone / Laurent Vichard : clarinette basse et clarinette si.b
01.Du Mouvement ! (Gaudillat) / 02. Les Poilus (Vichard) / 03. La tendresse de la sauterelle (Gaudillat) / 04. Chassez le naturel, il revient en tango ! (Vichard) / 05. Nuit et autres danses (Gaudillat) / 06. Le miroir d’Igor, Part. 1 (Bacheviller) / 07. Le miroir d’Igor, Part. 2 (Bacheviller) // 08. Huelgoat / 09. (Se faire appeler) Arthur (O’Carolan – Vichard) / 10. Fanfare for a wedding (Gaudiallat) // Enregistré à Tarare (69) en juillet 2015.