Avec les disques de : Jean-Christophe CHOLET – Matthieu MICHEL ; DALTIN TRIO ; Scott HAMILTON – Karin KROG ; Scott HAMILTON – Karin KROG ; Dave LIEBMAN – Richie BEIRACH ; Sébastien TEXIER.
Au menu et par ordre alphabétique :
C’est l’histoire d’un piano et d’un bugle qui partagent la même esthétique. Ils se fréquentent depuis deux décades, se connaissent sur le bout de la note et conversent subséquemment dans une forme achevée de communauté d’esprit. Ils n’ont plus rien à prouver, ils savent. La musique qu’ils créent n’a besoin que de cette entente quasiment télesthésique pour s’épanouir. Elle est douce et rêveuse, délicatement colorée, éloignée du frénétique comme de l’incessant. Elle permet à l’auditeur de percevoir la sensibilité organique qui l’anime, les sensations internes qu’elle génère. Ses mélodies sont lénitives. Elles rendent à la fragilité sa juste et lumineuse place dans le flux temporel qui nous emporte. Quand d’aventure le bugle et la trompette invitent un accordéon et une batterie complices, ce n’est que pour enrichir encore (sans surcharge) l’alliance harmonieuse entre le piano et le bugle. Le piano s’appelle Jean-Christophe Cholet et le bugle Matthieu Michel, l’accordéon Didier Ithursarry et la batterie Ramon Lopez. À deux, trois ou quatre voix, ils font un chant.
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Vous rêvez d’évasion, vous avez envie de changer d’air sans bouger de chez vous ? alors le Daltin Trio est fait pour vous ! Ce jeune trio toulousain créé en 2013 joue à sa manière des standards argentins et brésiliens ainsi que ses propres compositions avec un dépaysement assuré sur ce disque sorti le 1er avril avec le label Klarthe Records distribué par Harmonia Mundi. Le trio a pris le nom de son leader Grégory Daltin qui est à l’accordéon, bandonéon ou accordina. J’avais eu l’occasion de l’entendre cet hiver au Cri du Port de Marseille dans le quartet de Didier Labbé et avais été heureusement surprise par sa grande musicalité ! Ce jeune homme est à suivre ! Avec lui, Julien Duthu à la contrebasse et Sébastien Gisbert aux percussions forment un trio des plus intéressants. D’abord parce qu’ils viennent tous trois de mondes musicaux différents : Grégory Daltin a une formation plus classique (il a effectué ses études musicales au CRR et CESMD de Toulouse) , Julien Duthu vient de la planète jazz tandis que Sébastien Gisbert touche à tous les univers avec ses percussions qui le passionnent depuis toujours. Et qu’ensuite ces jeunes gens sont très doués et la synthèse de leurs origines réussie, c’est le moins qu’on puisse dire !
La Valse à Deux Temps vous prend par la main et vous entraîne immédiatement avant de donner une jolie interprétation d’Alfonsina y El Mar toujours mélancolique ( du nom de la poétesse argentine Alfonsina Storni qui s’est donnée la mort), souvent jouée par le contrebassiste Avishai Cohen ou la violoncelliste Ana Carla Maza. Chaque morceau est une ritournelle qui vous trotte longtemps dans la tête après écoute comme la petite balade Passegiata. Tandis que Beija Flor, un standard brésilien de Nelson Cavaquinho (entendu avec Jim Hall et Bill Frisell) pulse énergiquement avec des percussions soutenues par une contrebasse efficace autour desquelles l’accordéon s’enroule. Une belle reprise également de Historia De Un Amor du panaméen Carlos Almaran Eleta ! Au total, une belle réussite à la croisée du jazz et de la musique sud-américaine, avec une maîtrise parfaite pour un premier disque. Souhaitons au trio de rayonner ailleurs que dans le Sud-Ouest, ce serait grandement mérité !
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Encore une nouvelle chanteuse blonde et norvégienne allez-vous me dire. Laissez tomber l’omelette, Karin Krog, nous l’avons vue sur scène dans son pays d’origine en 1981. À l’heure qu’il est, elle va paisiblement sur ses 79 ans. Ce disque-là doit être son 46ème si j’en crois sa discographie. Qu’elle expérimente avec John Surman ou bien qu’elle caresse le blues avec Dexter Gordon, qu’elle swingue dur avec Wayne Marsh et Red Mitchell, qu’elle duetise avec Jacob Young ou s’encanaille avec Archie Shepp, son timbre voilé aux graves chaleureux ne laisse pas indifférent. Là, elle nous la joue classico-classique avec le saxophoniste ténor Scott Hamilton, le pianiste Jan Lundgren et une rythmique du crû (Hans Backenroth, contrebasse & Kristian Leth, batterie) dont nous ignorons tout sauf qu’ils savent tenir un tempo. Le quintet livre sans faiblesse et sans ambition particulière un disque de jazz qui, selon les morceaux, pourrait accompagner les aventures nocturnes de Mike Hammer ou le thé dansant dominical dans une bourgade du Massachussetts. Le quatre-quatre est de circonstance, le batteur fait ça bien, le contrebassiste ose avec brio un solo à la Slam Stewart, le ténor est chaleureux (avec un léger manque de relief), le piano à sa place avec aisance et même une certaine imagination. Karin Krog chante comme toujours avec ce style très personnel qui l’a démarqué de ces contemporaines et, si l’on considère sa longévité, il est probable qu’elle soit la dernière représentante d’une esthétique jazz que d’aucuns trouvent surannée quand d’autres lui reconnaissent sa juste place dans notre bouleversifiant XXème siècle. Alors finalement, oui on aime bien.
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Coup de cœur absolu, je pense, pour beaucoup parmi l’équipe de CultureJazz. Ce jeune guitariste américain de 28 ans (né en Californie et diplômé entre autres du Berklee Collège of Music) est né sous une bonne étoile et s’est fait très vite remarquer dès son plus jeune âge. Je l’avais entendu pour la première fois au festival Jazz sous les Pommiers en 2013 en compagnie du vibraphoniste Gary Burton et avais été subjuguée par la fluidité confondante de son jeu. Pour moi, ce fut une révélation ! Succéder à Pat Metheny ou John Scofield fut une gageure relevée haut la main ! On le retrouve donc avec un immense plaisir dans son disque Arclight (paru le 1er avril sur Mark Avenue Records) avec le bassiste Scott Colley du nouveau quartet sus-nommé de Burton, et le batteur Kenny Wollesen qui parsèmera d’ailleurs deux plages du disque de quelques notes de vibraphone (sur Nocturne et Supera ). Un trio de rêve donc, classique certes, mais on le verra, très novateur dans le son apporté par la Fender Telecaster de Julian Lage, qui introduit souvent une légère dissonance et réinvente quelques airs oubliés du Great American Songbook, en particulier pré be-bop. À souligner un son absolument parfait, dû à l’intervention du producteur Jesse Harris (chanteur-compositeur-interprète, par ailleurs) qu’on ne peut que féliciter.
Onze plages plutôt courtes qui commencent avec un morceau très incisif d’entrée de jeu (Fortune Teller), qui n’est pas sans rappeler Treasure Island de Keith Jarret si on remplace la guitare par un piano. Lage ne cache d’ailleurs pas son admiration pour le quartet du pianiste lorsqu’il jouait avec Dewey Redman, Charlie Haden et Paul Motian à l’époque où l’improvisation du jazz a eu la plus forte connexion avec la chanson et le folk, ce qui s’entend dans la musique de Lage, peut-être à cause du son de la Telecaster qui m’a souvent fait penser à Bill Frisell. Persian Rug est un standard des années 40 de Gus Kahn et Charles N. Daniels que Lage parcourt avec une désinvolture éblouissante en 2’13 ! Changement d’ambiance avec Nocturne, écrit par Spike Hughes dans les années 20, qu’il esquisse avec une élégance rare et plutôt mélancolique. Avec Supera, aux allures de samba caribéenne, on hésite entre jazz et swing western. Stop Go Start retrouve l’esprit du disque Room réalisé récemment en duo avec un autre guitariste Nels Cline, suivi d’un exubérant et très court Activate. L’enthousiasmant Presley où la contrebasse joue la mélodie est un régal servi sur un plateau en or par le trio. Et que dire de Prospero où les tambours roulent comme la houle et les cymbales comme des vagues. Très américain avec des images de chevauchées fantastiques et une guitare cinglante qui vous propulse au 7ème ciel ! La mélancolie refait surface avec I’ll Be Seeing You où le trio est en adéquation totale. L’optimiste Harlem Blues de W.C. Handy de 1923 se transforme en bluegrass très enlevé, tandis qu’un languissant Ryland termine étonnamment le disque (un slow d’Hervé Vilard ?) C’est une reprise électrique d’un morceau de son disque solo en acoustique Exposition Universelle. Chronique un peu longue certes, mais on peut dire qu’avec Arclight (qui signifie projecteur), Julian Lage rentre désormais dans la cour des grands ! Précipitez-vous s’il passe en France !
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En voilà deux qui se côtoient depuis si longtemps que l’on se demande comment ils peuvent encore nous surprendre, ce qu’ils font avec ce disque entier de ballades au répertoire contrasté : Bach, Weill, Jobim, Strayhorn, Shorter, Coltrane, pour ne citer qu’eux. Le trop rare Richie Beirach fait sonner le piano comme à l’accoutumée avec ce phrasé délicatement cristallin qui le caractérise. C’est évidemment brillant, harmoniquement riche et toujours épris de liberté. Dave Liebman se contente d’être lui-même (c’est déjà beaucoup), lyrique sans excès, toujours placé là où la surprise l’entraîne. Ce récital intime entre les deux géants se bonifie à l’écoute. Il a le charme discret de la musique de chambre et retient l’attention par l’étendue de leur palette musicale. Rien de stérile dans cet enregistrement, pas de remplissage. Juste l’essentiel choisi par deux musiciens pour caresser la beauté des formes et leurs miroitements.
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Après Toxic Parasites paru en 2013, le saxophoniste alto et clarinettiste Sebastien Texier, discret mais très digne fils de son père Henri, sort un album magnifique au titre qui laisse rêveur à son écoute évidemment. Dreamers, paru le 1er avril sur le label Crystal Records et distribué par Harmonia Mundi, a été conçu en 2015 pour décoller de cette planète devenue de plus en plus inhospitalière. Il nous propose un voyage au pays du jazz et n’est-ce pas la meilleure façon de s’évader actuellement ? Quatre dreamers (on pense à ceux de John Zorn !) en la personne de Pierre Durand à la guitare (brillant accompagnateur, créatif et curieux mais aussi leader), Guillaume Dommartin à la batterie (déjà présent sur le disque précédent) et un quasi-inconnu à l’orgue Hammond B3, Olivier Caudron, ami de longue date du saxophoniste et premier pianiste de son orchestre initial quand il avait 18 ans. Sébastien Texier rêvait depuis longtemps de composer avec un orgue, voilà chose faite ! Et la présence nuageuse de l’orgue contribue grandement à l’évasion.
Les compositions sont signées par le saxophoniste, excepté Cape Cod, valse mélancolique de l’organiste qui nous montre ses talents de coloriste. On ne peut que l’encourager à continuer ! Toutes nous emmènent dans différents univers, d’une ambiance festive New-Orleans (Let’s Roll) à celle plus grave et très émouvante de Je Suis Charlie le 11 janvier 2015 (Silent March) tenue par la batterie du début à la fin en passant par un bel hommage à Ornette Coleman parti en 2015 (Dreaming with Ornette) en duo initial avec la batterie où l’orgue amène son contre-point.
Douceur et amitié, valeurs refuges en ces temps troublés, sont honorées par ces musiciens exigeants (Smooth Skin et Friendship). Sébastien Texier qui participait au dernier disque de son père Sky Dancers, nous fait danser quant à lui sur la crête des vagues, en fin équilibriste (Crest Waves). Le titre éponyme est d’ailleurs une conclusion éblouissante au disque avec un son de saxophone déchirant et une guitare qui n’est pas en reste ! Du bel ouvrage !
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Jean-Christophe CHOLET – Matthieu MICHEL : "Whispers"
Ce disque figure aussi dans la "Pile de disques" d’avril 2016, voir ici...
> La Buissonne - RJAL397025 / Harmonia Mundi (parution 29/04/2016)
Jean-Christophe Cholet : piano / Matthieu Michel : bugle /+/ Didier Ithursarry : accordéon / Ramon Lopez : batterie
01. Fair (Michel-Cholet) / 02. He’s gone (C. Mariano) / 03. Rêve (Cholet) / 04. Zemer (M. Lavry) / 05. Junction point (Cholet) / 06. Noctambule (Cholet) / 07. Diss (Cholet) / 08. The Fairground (Cholet) / 09. Onnance (Michel-Cholet) / 10. Le tour de Marius (Cholet) / 11. Norfolk Song // Enregistré les 11 et 12 décembre 2014 par Gérard de Haro au Studio La Buissonne (Pernes-Les-Fontaines, 84).
DALTIN TRIO : "Tango de l’autruche"
Ce disque figure aussi dans la "Pile de disques" d’avril 2016, voir ici...
> Klarthe - KRJ003 / Harmonia Mundi
Grégory Daltin : accordéon, accordina, bandonéon / Sébastien Gisbert : percussions / Julien Duthu : contrebasse
01. La valse à deux temps (Duthu) / 02. Alfonsina y el mar (Ramirez-Luna) / 03. Tango de l’autruche (Duthu) / 04. Le temps s’arrête (Duthu) / Passeggiata (Daltin) / 06. 3 over reggae (Gisbert) / 07. Beija flor (Cavaquinho) / 08. Théma for M (Daltin) / 09. La balade d’Azdier (Daltin) / 10. Historia de un amor (C.A. Eleta) / 11. Bonus track (Duthu) // Enregistrement (France) en septembre 2014.
Scott HAMILTON – Karin KROG : "The best things in life"
Ce disque figure aussi dans la "Pile de disques" d’avril 2016, voir ici...
> Stunt - STUCD 15192 / UVM (parution le 22/04/2016)
Karin Krog : voix / Scott Hamilton : saxophone ténor / Jan Lundgren : piano / Hans Backenroth : contrebasse / Kristian Leth : batterie
01. The Best Things In Life Are Free (Desyiva-Brown-Anderson) / 02. I Must Have That Man (McHugh-Fields) / 03. Will You Still Be Mine ? (Dennis) / 04. How Am I To Know (Getz-Gullin-Hendricks) / 05. Don’t Get Scared / 06. Ain’t Nobody’s Business (Grainger-Robbins) / 07. We’ll Be Together Again (Fischer-Laine) / 08. Sometimes I’m Happy (Youmans-Caesar-Krog) / 09. What A Little Moonlight Can Do (H.M.Woods) / 10. Shake It But Don’t Break It (E.Garner) // Enregistré à Copenhague (Danemark) les 2, 3 et 5 juillet 2015.
Julian LAGE : "Arclight"
Ce disque figure aussi dans la "Pile de disques" d’avril 2016, voir ici...
> Mack Avenue - MAC1107 / Harmonia Mundi
Julian Lage : guitares / Scott Colley : contrebasse / Kenny Wollesen : batterie et percussion
01. Fortune Teller (Lage) / 02. Persian Rug (Kahn-Daniels) / 03. Nocturne (Hughes) / 04. Supera (Lage) / 05. Stop Go Start (Lage) / 06. Activate (Lage) / 07. Presley (Lage) / 08. Prospero (Lage) / 09. I’ll Be Seeing You (Fain-Kahal) / 10. Harlem Blues (W.C.Handy) / 11. Ryland (Lage) // Enregistré à Brooklyn (New York. USA) vers 2014-2015 ?
Dave LIEBMAN – Richie BEIRACH : "Balladscapes"
Lire aussi la chronique de Philippe Paschel, ici...(CultureJazz - 12 avril 2016)
> Intuition - INT 3444 2 / Socadisc (parution 10/05/2016)
Dave Liebman : saxophones soprano et ténor, flûte / Richie Beirach : piano
01. Siciliana (Bach) / 02. For all we know (F. Coots) / 03. This is new (K. Weill) / 04. Quest (Liebman-Beirach) / 05. Master of the Obvious (Liebman) / 06. Zingaro (Jobim) / 07. Sweet Pea (W. Shorter) / 08. Kurtland (Liebman-Beirach) / 09. Moonlight in Vermont (K. Suessdorf) / 10. Lazy Afternoon (J. Moross) / 11. Welcome - Expression (J. Cotrane) / 12. DL (Beirach) / 13. Day Dream (Strayhorn-Ellington) // Enregistré en Allemagne en avril 2015.
Sébastien TEXIER : "Dreamers"
Ce disque figure aussi dans la "Pile de disques" de mars 2016, voir ici...
> Cristal Records - CR 240 / Harmonia Mundi (parution : 01/04/2016)
Sébastien Texier : saxophone alto, clarinette et clarinette alto, compositions sauf 6 / Olivier Caudron : orgue Hammond B3 / Pierre Durand : guitare électrique / Guillaume Dommartin : batterie
01. Let’s Roll / 02. Smooth Skin / 03. Friendship / 04. Dreaming with Ornette / 05. Silent March / 06. Cape Cod (Olivier CAUDRON) / 07. Crest Waves / 08. Dreamers // Enregistré au Studio Alhambra Colbert, Rochefort, France en 2015.