Le contrebassiste Marc Johnson et la pianiste Eliane Elias ont réuni un quartet dont le nouvel album qui ravirait les dieux de la musique... et Pierre Gros aussi !
Les Dieux de la musique avaient décidé de souffler sur les braises, de provoquer une rencontre. Déjà au sein de Steps Ahead, ils avaient excellemment pourvu certains de ses membres et ils décidèrent de convoquer Eros, dieu de l’amour et de la puissance créatrice, pour décocher dare-dare quelques flèches et ouvrir les dossiers Eliane Elias et Marc Johnson. Voilà pour le mythe et la légende. On imagine pendant les concerts les regards complices et faussement innocents entre Eliane et Marc, les sourires qui en disent long… Certes ils avaient déjà œuvré les dieux, en mettant Marc sur le chemin de Bill Evans, lui décernant le titre que l’on sait de dernier bassiste du génial pianiste, lui donnant ce quelque chose en plus. Ils avaient aussi doté Eliane d’une oreille, d’une virtuosité qui à 12 ans lui ont permis de déchiffrer, d’assimiler les principaux maîtres du jazz, et à 17 de propulser la brésilienne sur la scène new-yorkaise en en étonnant plus d’un. Mais Marc étant fort demandé, tout ça pris du temps et il alla s’encanailler chez beaucoup d’autres. Il y eut des erreurs, Eliane commettant quelques choix douteux en chantant des bossa-nova pour notre part trop sucrées, rendant dans la même veine un hommage inégal à Bill Evans (il faut dire que les blondes qui chantent au piano c’était la mode et ça peut rapporter gros).
Et puis on a eu Shades of Jade de Marc et voilà qu’aujourd’hui les dieux ont décidé que la plaisanterie avait assez durée, fini la rigolade. Pour certains musiciens l’instrument n’est que le vecteur de leur musique, de leur pensée, ici on est dans l’exact opposé, on entend le plaisir de jouer de son instrument, mais attention pas de virtuosité gratuite pas d’effets faciles qui font lever les foules. Les compositions, leurs structures ont les qualités pour provoquer la joie, le plaisir du jeu qui vous plaque au fauteuil, vous colle aux oreilles. On sent les inspirations, Bill Evans (encore lui), impressionnistes (Inside Her Old Music Box) pour les plages en trio ou encore du Ballads de John Coltrane, du blues pour celles en quartet, de l’espace, du romantisme pour l’ensemble. Joe Lovano, au son faussement nonchalant est alors là, totalement captivant, expressionniste se laissant aller à ses plus belles phrases. Marc Johnson et Joey Baron sont eux sur le chemin des grandes paires rythmiques qui ont marqué le jazz de leur empreinte et l’on reste coi devant le sans-faute de goût du batteur, pas un coup de cymbale, de caisse en trop, tout beau, tout bon, main dans la main avec le contrebassiste. Un swing lancinant, des atmosphères binaires, bluesy, du folk avec une plage superbe en solo de Marc sur Shenandoah, souvenir du Midwest de son enfance.
Des couples mythiques on en a déjà eu dans le jazz, amicaux, sensuels, amoureux des fois mélangeant tout ça. Alors que dire de la complicité alliant Marc et son Eliane sinon qu’elle leur fait complètement assumer leurs inspirations et ne nous y trompons pas, leurs doutes.
Un grand disque dont les compositions pourraient pour certaines d’entre elles finir en standards, si les Dieux le veulent.
Les Dieux justement, satisfaits de leur œuvre, de leur bon tour, repus pouvaient alors repartir vers d’autres cieux. Et moi le mécréant, ce disque me fait croire en vous.
Marc JOHNSON – Eliane ELIAS – Swept Away - ECM 279 94574 - distribution Universal Music France.
Eliane Elias : piano / Marc Johnson : contrebasse / Joe Lovano : saxophone ténor sur 2, 4, 6, 7, 8 / Joey Baron : batterie
01. Swept Away (Elias) / 02. It’s Time (Elias) / 03. One Thousand And One Nights (Elias) / 04. When The Sun Comes Up (Johnson) / 05. B Is For Butterfly (Elias) / 06. Midnight Blue (Johnson) / 07. Moments (Elias) / 08. Sirens Of Titan (Johnson ; Elias) / 09. Foujita (Johnson) / 10. Inside Her Old Music Box (Johnson ; Elias) / 11. Shenandoah (American folk song) // Enregistré en Février 2010
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