Un festival de jazz qui ose et perdure.

Parmi les fidèles du festival Jazz Campus en Clunisois, on retrouve deux collaborateurs de CultureJazz.fr, Armel Bloch et Yves Dorison.
Chacun d’eux apporte son point de vue sur cette manifestation essentielle dans le paysage (estival) du jazz français.
Ci-dessous, l’article d’Yves Dorison. Lire l’article d’Armel Bloch ici !.

Jazz Campus 2013
Yves Dorison

Haut lieu du renouveau spirituel et humaniste en Europe au Moyen Âge, Cluny est depuis plus de trente cinq la terre de Jazz où Levallet règne, ce qui est pour le moins original mais bien dans l’esprit de cette musique ouverte à tous vents, qui ose encore et qui s’engage (pas assez de nos jours, dirais-je). Musique de l’interaction aussi, des rencontres librement consenties pour le meilleur et le meilleur car le pire n’a pas prise ici, sauf par accident.

Malgré des soucis budgétaires dus à l’évaporation de quelques subsides institutionnels, la sixième édition du festival a tenu son rang, l’un des tout premiers en matière de créativité, d’audace et de convivialité.
Les stages qui accompagnent le festival, eux, sont réputés pour la qualité des intervenants. Ils font le plein et ne sont pas une simple caution éducative. Parlez-en donc à Airelle Besson qui s’est produite dans le quintet de Didier Levallet, et à d’autres encore. Entre Matour, Dompierre les Ormes, Massilly et Cluny, un jazz de haut niveau rayonne durant huit jours sur des terres à priori peu propices. Comme quoi, à force de volonté et d’abnégation, une musique soi-disant élitiste peut être reçue, écoutée et acceptée.


> Dimanche 18 août 2013

Fanny Lasfargues Solo

Fanny Lasfargues
copyright Yves Dorison

Le solo instrumental est un exercice périlleux qui demande à l’artiste un engagement de tous les instants. Fanny Lasfargues l’a tenté dans le petit amphi de la Maison Européenne du Bois et de la Forêt de Dompierre les Ormes. Beaucoup de boîtiers et autres pédales au sol qui augurent, avant même la première note, d’un parti-pris résolument moderne.
L’univers de la jeune contrebassiste oscille habituellement entre introspection et fureur. Là, c’est plus vers un voyage strictement intérieur, organique, qu’elle nous a conduit, ou plutôt, auquel elle a essayé de nous faire adhérer. Dès le début, un problème technique survient qui perturbe l’écoute, la musicienne et finit par interrompre le concert. Le bidule défectueux débranché, la musique reprend son cours. Hélas, Fanny Lasfargues est plus souvent baissée vers ses effets multiples qu’elle ne joue de son instrument duquel elle sort quelques sons entre grincement et écho d’outre-tombe. Ce n’est pas inintéressant mais, avouons-le, il en faut plus pour nous faire vibrer. Trop de matériel technique nuit à la musicalité, quand il ne tue pas carrément la musique. Ce fut le cas ce dimanche-là. Il ne s’agit pas ici de faire le procès de l’avant-garde (elle finit toujours par être dépassée) mais simplement de dire qu’il nécessaire à l’artiste d’être fin prêt pour oser le solo instrumental et ce, dans tous les domaines. Enfin, malgré un public très conciliant, Fanny Lasfargues n’a pas donné de rappel. Erreur de jeunesse ? Stress ? Déception ? Elle demeure néanmoins une musicienne en devenir qui suscite à bon droit un réel intérêt.


> mardi 20 août 2013

Elise Caron / Edward Perraud : Bitter sweet

Elise Caron
Yves Dorison

Le duo est lui aussi un exercice dangereux. La chanteuse et le percussionniste s’en sortent haut la main car tout est maîtrisé en amont et leur permet de s’exprimer librement pendant le concert. Le plaisir de la création prime. Leur évidente complicité la rend ludique autant que profonde. C’est un univers singulièrement pluriel offert au public en partage. Nourri au large spectre de l’éclectisme, les bitter sweets du duo évoluent entre bruitisme, lyrisme et facéties. Und ! Le public ne s’y trompe pas qui sait percevoir sous les apparences tragi-comiques du duo la vraie nature d’un art musical sans concession. Und !

Elise Caron : voix / Edward Perraud : batterie, effets








> Jeudi 22 août 2013

Sylvain Rifflet / Pascal Schumacher

Sylvain Rifflet & Pascal Schumacher
Yves Dorison

Nous n’avions jamais vu et écouté ce duo par le passé. Nous le regrettons d’autant. Tout ce que le saxophoniste et le vibraphoniste jouent coule de source. La lumière est leur domaine. Ils savent en montrer les infinis chatoiements.
Sylvain Rifflet et Pascal Schumacher ne croisent pas le fer. Ils entremêlent les courbes inventives d’une musique sensible dont toute forme de platitude est exclue. Dans ce contexte-là, la flamboyance reste discrète et cède le pas à la subtilité. En toute sérénité, Ces deux musiciens font bonne mesure de leurs talents réunis. C’est impressionnant et impressionniste. C’est beau et cela mérite une plus large audience.
Et un enregistrement aussi. S’il vous plaît.

Sylvain Rifflet : saxophone, clarinette / Pascal Schumacher : vibraphone



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Claude Tchamitchian quartet

Claude Tchamitchian
© Yves Dorison
© Yves Dorison

Ce quartet fait la part belle à un lyrisme électrique dont l’un des atouts majeurs demeure d’être écoutable pour tous. Ce qui signifie que le fond binaire étant posé, la forme n’a pas l’outrecuidance, quelle que soit sa richesse intrinsèque, d’évoluer dans des sphères où l’inaudible et le complexe (superfétatoire) sont réunis en épousailles pour marquer du fer d’une pseudo contemporanéité le vide émotionnel qui leur aurait donné naissance. La musique de Claude Tchamitchian, elle, ne manque pas d’émotion. C’est la raison pour laquelle son écoute en provoque. Les compositions proposées évoquent des paysages, des cultures multiples. Le choix des musiciens ne doit rien au hasard car tous sont capables d’offrir leur part de musicalité sans étouffer leurs complices. D’un morceau l’autre, la trame se tisse harmonieusement entre la scène et le public. Le temps, lui, s’efface poliment tandis que demeure le sourire des musiciens, porte ouverte sur les "Ways out" de Claude Tchamitchian.
Une belle leçon d’équilibre musical entre densité et simplicité.

Claude Tchamitchian : contrebasse / Rémi Charmasson : guitare électrique / Régis Huby : violons / Christophe Marguet : batterie


> Vendredi 23 août 2013

Sylvaine Hélary / Noémi Boutin

Sylvaine Hélary
Yves Dorison

Acoustique, à l’ombre d’un tilleul plus que centenaire, le spectacle proposé par Sylvaine Hélary et Noémi Boutin relève du théâtre musical plus que du jazz, ce qui n’est pas une critique. Avec un répertoire spécialement composé pour ce duo par des auteurs contemporains (dont Marc Ducret), on entre dans un univers de miniatures ciselées où sens et non sens répercutent inlassablement l’éternelle ambivalence du vivant mortel ; et on le sait, les petites faiblesses provoquent des sensations fortes. Alors, en ces temps de globalisation active, se soucier du détail est une revendication forte. Approcher l’humain au plus près, défauts et qualités compris, met à jour une fragilité qui n’appartient qu’à l’émotif et au sensible. Sylvaine Hélary et Noémi Boutin ont la délicatesse et la courtoisie d’habiller leur propos d’humour. Nous les remercions.

Sylvaine Hélary : flûtes, voix / Noémi Boutin : violoncelle, voix



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Didier Levallet quintet - Voix croisées

Didier Levallet
Yves Dorison

Nous aimons les projets de Didier Levallet car ils sont aboutis. Celui-ci n’échappe pas à cette règle d’or. Original dans son line up, avec trois vents féminins et une rythmique masculine, le quintet l’est aussi par les compositions du contrebassiste. La mélodie est omniprésente. Son approche en dialogue ouvert élargit le champs des possibles. Les musiciens le sentent et s’emparent de l’espace offert avec une gourmandise certaine.
Chacun s’exprime.
Sur le scène du Théâtre des Arts de Cluny, ce n’est pas un leader plus quatre musiciens qui jouent mais bien un groupe structuré autour d’une forme musicale féconde qui délivre des ambiances variées, mais pas incompatibles, dont les couleurs particulières (blues, tango, bop) illuminent un bonheur de jouer éclatant.
Enfin, disons-le, les chorus d’Airelle Besson, d’une clarté et d’une incroyable inventivité, nous ont vivement impressionnés.

Didier Levallet : contrebasse / Airelle Besson : trompette / Céline Bonacina : saxophones / Sylvaine Hélary : flûtes / François Laizeau : batterie.

> JAZZ CAMPUS 2013  : lire l’article d’Armel Bloch ici !


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