Pogo

Quand on dispose d’une formation qui a assez de force et de qualités pour travailler sans filet, on sort le grand jeu. Cette fois encore, à New-York où il vit sa vie de musicien de jazz depuis pas mal d’années, Jérôme Sabbagh a enregistré en studio dans les conditions du concert, sans accessoires, trucages ou artifices. Il en résulte un enregistrement chaleureux mettant en valeur les espaces qui de développent dans la musique.

on aime !

Le son peut dérouter à la première écoute car on s’étonnera sans doute que Jérôme Sabbagh se fonde autant dans la matière sonore du groupe. Le saxophone n’est jamais dominateur et on sent le leader à l’écoute dans une intense proximité avec ses trois compagnons. Il se caractérise par un son droit privilégiant le médium, au service d’une spontanéité mélodique limpide et nuancée. Avec lui, le thème n’est jamais très loin dans son discours. Cette fois, il ajoute à son ténor favori un saxophone soprano qui vient colorer de teintes plus orientales deux beaux thèmes : Moon/sun (le solo de contrebasse de Joe Martin que l’enregistrement restitué avec beaucoup de naturel) et le dansant Hamra.

Jérôme Sabbagh - "Pogo"
Bee Jazz - 2007 - Dist. Abeille Musique

Un des éléments les plus frappants de ce disque, plus encore que dans North, c’est l’accord quasi-fusionnel entre Jérôme Sabbagh et Ben Monder. L’excellence de ce guitariste n’est plus à démontrer. Ni Maria Schneider qui en a fait un pilier indispensable de son Orchestra, ni Paul Motian ne peuvent se passer de ses services. Ce grand calme dispose d’un sens de l’écoute exceptionnel. On prêtera attention à l’enchaînement des chorus entre le saxophone et la guitare : une manière de s’emboîter le pas qui va bien au-delà de la juxtaposition de solistes. L’aisance dans la construction du propos et la maîtrise technique viennent souligner une intelligence musicale rare. Ses contributions dans Stand up, Pogo ou Hamra sont des modèles du genre.

Ce disque est une réussite qui se place dans la continuité de North. L’univers de Jérôme Sabbagh nous apparaît désormais familier. Ses songs (comme on disait Outre-Atlantique) , ces chansons sans paroles développent leurs mélodies avec naturel et simplicité. Pour exemple, Pogo, le titre éponyme, est presque une mélodie pop où le ténor vocalise et dialogue en entrechats avec une guitare joueuse. On est donc totalement dans l’univers du jazz, dont l’esprit est cultivé avec chaleur et un peu d’espièglerie respectueuse comme en témoigne le jeu de Ted Poor, batteur à l’énergie toujours contrôlée et aux ponctuations pertinentes pour stimuler l’imagination des solistes.

Si vous ne connaissez pas Jérôme Sabbagh (qu’on pourrait sans doute rapprocher d’un Chris Speed, de la même génération), ne manquez pas ce nouvel album qui confime une maturité et une personnalité déjà très marquée dans le disque précédent (et tout aussi indispensable !). Constance dans la ligne artistique, sérieux du travail musical, fidélité de l’équipe et chaleur du répertoire : de belles qualités qui font la valeur de ce disque.

> Lire la chronique de North sur CultureJazz (mars 2005)


> Jérôme Sabbagh - Pogo - Bee Jazz BEE019 - distribution Abeille Musique

Enregistré en juillet 2006 au studio Sear Sound, New York (deux pistes, en direct)

  • Jérôme Sabbagh, saxophones ténor & soprano
  • Ben Monder, guitare
  • Joe Martin, basse
  • Ted Poor, batterie

Compositions de Jérôme Sabbagh

1/ Middle Earth - 2/ Rooftops - 3/ Moon/Sun - 4/ Stand Up - 5/ Pogo - 6/ As One - 7/ Hamra - 8/ Eye Of The Storme


> Liens :