Vaulx en Velin, le 19 mars 2009

Propos recueillis par Alix Brun, Sarah Carbonare, Louise Reynaud et Paul Defillion.


On voudrait savoir pourquoi vous avez choisi Jimi Hendrix pour ce projet.

Tout le monde me pose cette question ! Pourtant cela me paraît normal. Même s’il y avait d’autres guitaristes à l’époque, c’est lui le père de cette forme de musique électrique. Et comme je suis guitariste, j’ai voulu faire honneur au père tout en essayant de conserver ma propre voix musicale. Comme tout enfant, je dirais, on célèbre le père d’abord et on devient soi-même en transmettant le message.

N’guyên Lê
A Vaulx Jazz 2009

D’où vous vient cette passion pour le jazz ?

C’est venu très naturellement. Adolescent, j’étais fasciné par cette musique que je ne comprenais pas mais que je trouvais très belle. Quand un ami, un jour, m’a montré pour la première fois un accord de jazz, j’ai eu une espèce d’illumination. J’ai compris qu’avec le jazz, il y avait une beauté dans la dissonance, dans le déséquilibre. Un accord parfait, c’est un accord très pur et, je trouve, ennuyeux. L’accord de jazz, lui, possède une dissonance et une tension qui le rendent beau.

Vous jouez beaucoup de musique asiatique. Comment l’intégrez-vous dans votre musique qui est plus contemporaine ?

Parce que je suis les deux en même temps. Tout simplement. Mais c’est un travail, ce n’est pas naturel. Je suis né en France de parents vietnamiens. Mon Vietnam, je l’ai un peu inventé à partir de celui de mes parents, de la tradition. Mais dans ma jeunesse, j’ai adoré des musiques comme celle de Deep Purple.

Vous êtes déjà allé au Vietnam ?

Oui, quatre fois.

Vous jouez de trois instruments, n’est-ce pas ?

Oui, j’ai joué de la batterie et de la basse, mais je ne joue plus que de la guitare.

Votre prochain album va en direction du Japon. Y a-t-il une raison particulière à cela ?

Le Japon et l’Inde. En fait, à chacun de mes disques, j’essaie de faire quelque chose de nouveau, pour le public comme pour moi ! Le Japon et l’Inde ont des cultures qui me fascinent depuis longtemps. Et comme j’ai eu la chance de rencontrer des musiciens fantastiques de ces pays, j’ai pu accomplir ce projet. Comme nous sommes tous les trois asiatiques, nous faisons une recherche d’identité de pan-asiatique.

Quelle est la signification du mot Saiyuki ?

C’est un peu long à expliquer. Cela provient d’un roman chinois très célèbre du quinzième siècle dont je ne retrouve plus le titre maintenant que vous m’en parlez (Le voyage en occident, NDLR) ! C’est un roman que tous les asiatiques connaissent, au même titre que la Bible en occident, bien que ce ne soit pas aussi religieux. C’est très apprécié des jeunes car c’est très féérique, fantasmagorique.

Avec le roi singe ?

Oui voilà. Et cela a été adapté dans les mangas. C’est devenu Dragon Ball Z.

Avez-vous déjà mis votre musique au service d’une bande originale de film ?

Oui. J’en ai fait deux. J’ai écrit la moitié de la musique du film de Kim Chapiron avec Vincent Cassel qui s’appelle Sheitan. J’ai aussi écrit la musique d’un film vietnamien, Saigon éclipse, qui n’est jamais sorti ici.

Pourquoi n’avez-vous pas fait de musique classique ?

Parce qu’à l’époque, je n’aimais pas ça. J’en ai beaucoup écouté, grâce à mon père notamment, mais je n’étais pas sensible à cette musique. Aujourd’hui, par contre, j’aime beaucoup.

Dès vos débuts, étiez-vous sûr de réussir dans la musique ?

Pas du tout. En fait, j’ai eu la chance de rêver, que mes parents me laissent rêver et donc, j’ai un peu fait ce que j’ai voulu. Ils ont été très surpris quand j’ai commencé à faire de la musique car rien ne me prédisposait à cela. Puis ils ont petit à petit pris confiance.

Ça a été dur au début ?

Comme je le disais, j’ai eu de la chance. Celle d’habiter chez mes parents d’abord, puis qu’il me paye mon loyer pendant un temps. Cela m’a permis de ne pas avoir à faire trop de musique alimentaire, comme de la variété par exemple.

Quelle est votre définition personnelle du jazz ?

La définition historique dit que le jazz vient du blues, de la migration de plusieurs peuples africains sur un continent où ils ont dû inventer leur propre langage musical. Aujourd’hui, d’autres choses apparaissent. La dimension de l’improvisation est essentielle dans le jazz. Pas de jazz sans improvisation. Mais l’improvisation existe aussi dans d’autres musiques, la musique indienne par exemple. Personnellement, je dirai que le jazz est une musique ouverte, qu’elle s’est toujours abreuvée de nombreuses cultures et que cela continue.

Avec qui aimeriez-vous jouer, même s’il est disparu ? Hendrix ?

Il y a Miles. Miles Davis.

Votre meilleur souvenir musical (à part nous avoir rencontrés...) ?

Il y en a plein... On est allé joué à Constantine, en Algérie, il y a deux ans. Vu de la France, on imaginait l’Algérie comme un pays dangereux avec des terroristes partout ; et ce n’était pas cela du tout. On a joué à Beyrouth sans problème il y a trois semaines. Quand on va jouer notre musique dans ces pays qui souffrent, c’est une expérience très enrichissante émotionnellement car on sent qu’on leur apporte quelque chose d’important. D’ailleurs, le seul fait d’y aller est important. Cela signifie que l’on n’a pas eu peur de toutes les conneries que peuvent raconter les médias ici. Ces derniers déforment beaucoup la réalité, mais c’est notre seule lorgnette... En fait, quand on est là-bas, on s’aperçoit que les gens sont comme nous, qu’ils veulent vivre, faire la fête, écouter de la musique. C’est une très belle expérience de jouer dans ces pays-là.


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