"Back to the roots"

Au centre de Montreuil-sous-Bois en pleine rénovation, dans une salle des Fêtes au style soviétique bien conservé, c’est un genre de retour vers le passé architectural et les premières projections cinématographiques au fond de la France profonde, avant, bien avant la mode du Complexe Cinéma Contemporain. Plafond très haut ( peut-être qu’un 1er mai, une exposition de missiles plantés debout ? ), scène très haute ( t’es musicien, t’as intérêt à pas avoir de trous à tes chaussettes ), fauteuils année 50 ( concentre-toi sur la musique, n’écoute pas les messages de ton dos qui grince ), des spectateurs nombreux qui font la queue une heure avant l’ouverture, des jeunes et des pas jeunes, des d’ici et des d’ailleurs, des qui écoutent RTL et des qui zonent dans les clubs de jazz... C’est épatant : l’envie d’écouter de la musique est la plus forte.

La première partie avec le Donald HARRISON Quintet, donne à entendre un saxaltiste issu des années 80 et imprégné de be bop et hard bop. Sa virtuosité ( limite bavardage... ) est soutenue par un trio de minots qui comptent soixante ans à eux trois : Victor GOULD au piano, Max MORAN à la contrebasse et Joe DYSON à la batterie et qu’il aurait été bien agréable d’écouter dérouler de vrais et longs soli.

Entre en cours de route le guitariste Detroit BROOKS dont on ne sait s’il est là en hommage et souvenir à la Nouvelle Orléans ou pour un apport musical qui reste à démontrer.

Donald Harrison + World Saxophone Quartet

(illustration : site www.banlieuesbleues.org)

Le World Saxophone Quartet prend la suite :

David MURRAY : ténor et clarinette basse, James CARTER : soprano-alto-ténor, Kidd JORDAN : alto et ténor, Hamiet BLUIETT : sax baryton et clarinette si b.

D’entrée de jeu, une pièce incandescente ( allo ? les pompiers ? ) qui, vingt minutes durant, nous projette dans un maelström de sons, au coeur du coeur du free. Sur la base rythmique tenue solidement par le baryton viennent s’emmêler solo, duo, trio et ces quatre-là incarnent LE jazz et invitent à une relecture, toutes affaires cessantes, de « Free Jazz Black Power  » de Philippe Carles et Jean-Louis Comolli. Lecture à compléter par l’ouvrage « Les Diggers », tout frais sorti des éditions L’échappée, histoire de s’immerger dans un monde où agir-et-penser, penser-et-agir sont une seule et même chose. Tous ensemble et chacun son tour, ils vont nous donner à entendre une musique de l’instant. Inutile de vouloir la réécouter à la maison : les voisins vont croire qu’on zigouille quelqu’un qui n’aime pas ça et le fait savoir. Le format « quatuor de sax » est mis à l’honneur dans deux ou trois morceaux dont les constructions harmoniques, avant d’être mises à mal, font sonner l’espace de cette salle avec ampleur. C’est intense, riche, étonnant, détonnant, jubilatoire, livré tout chaud sur nos genoux. Et à déguster sans attendre.


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