"Houria" avec Tony Malaby.

J’en entends déjà qui vont se dire «  Encore un petit trio de "frenchies" qui invite un américain pour attirer le client ! ». Eh non ! Tout d’abord, en économiste diplômé, Stéphane Kerecki sait pertinemment que l’art n’est pas une marchandise... comme les autres. D’ailleurs, son trio a su capter l’attention de la critique et des amateurs sans jamais faire de concessions à la facilité. Ses deux disques précédents ont été largement salués et primés parce qu’il incarnaient une conception exigente mais accessible du jazz moderne et créatif. En explorant les possibles d’un trio unissant les anches de Matthieu Donarier, la batterie de Thomas Grimmonprez aux couleurs sombres et à l’agilité de sa contrebasse, il a pu démontrer la richesse de ses conceptions.

on aime !

Avec Houria, on accède à une autre dimension. Le trio n’a pas invité Tony Malaby, saxophoniste à l’exigence inébranlable, il l’a inclus, absorbé et a réussi du même coup sa quadrature parfaite. Il suffit d’écouter les premières notes de Macadam, en introduction de ce disque, pour comprendre que la musique est là, dans toute sa grandeur : pureté du son de la contrebasse, fermeté des doigts sur les cordes, respiration en arrière plan... Puis arrivent les saxophones, soprano de Donarier se glissant entre les courbes du ténor de Malaby, puisssant et granuleux. Là dessus, la batterie de Gimmonprez assure un rythme précis et luxuriant. La couleur est donnée, l’énergie monte et ne retombera pas. Houria est un des meilleurs album parus ces derniers mois... Tout simplement...

Stéphane Kerecki Trio feat. Tony Malaby "Houria"
ZIG ZAG Territoires / Harmonia Mundi

Car c’est bien la simplicité qui fait la force de cette musique. Sans états d’âmes et sans frustration, Stéphane Kerecki a élagué ses compositions pour n’en garder que les lignes de force. Il en résulte un ensemble de compositions qui doivent beaucoup à une Afrique mythique (écoutez le titre Houria et ses polyrythmies) à travers un retour aux rythmes fondamentaux du jazz (et d’avant le jazz). En contrepoint, on remarquera le lyrisme hérité d’une attirance profonde pour les musiques sacrées. C’est ainsi qu’Un ange passe, À l’air libre et Ô Sacum Convivium (d’Olivier Messiaen) son autant de pauses empruntes de solennité dans cette exploration de rythmes et de couleurs chatoyants.

Stéphane Kerecki a rencontré Tony Malaby par l’intermédiaire de Daniel Humair. La cohésion de ce quartet démontre que ces musiciens sont allés bien au-delà de la simple affinité musicale. C’est ce qui transparait ici dans trois duos. Il y a une connivence et une complicité qui prouvent que la musique trouve son épanouissement bien au-delà des frontières et des identités continentales. Quelque part entre la rusticité de certaines des compositions de Thelonious Monk et la flamboyance des hymnes d’Albert Ayler (Satellisé), Stéphane Kerecki a su trouver une voie qu’il explore avec science et autorité. Des qualités rares.


> Stéphane Kerecki Trio feat. Tony Malaby : "Houria" - Zig-Zag Territoires ZZT 090401 - distribution Harmonia Mundi

Tony Malaby : saxophones ténor et soprano (canal gauche) / Matthieu Donarier : saxophones ténor et soprano (canal droit) / Thomas Grimmonprez : batterie / Stépĥane Kerecki : contrebasse

Enregistré en septembre 2008 à Montreuil (93).

01. Macadam / 02. Un ange passe (Pour Fanny) / 03. Houria / 04. A l’air libre / 05. Palabre / 06. Duo 1 / 07. Suite for Tony / 08. Fable / 09. Duo 2 / 10. Satellisé / 11. Ô sacrum convivium / 12. Duo 3 / 13. Secret d’oreille (Pour Milan)

Compositions de Stéphane Kerecki sauf 6, 9 et 12 par Tony Malaby et Stéphane Kerecki. 11 : composition d’Olivier Messiaen.


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