Pour sa phase finale, l’Europajazz Festival retrouve son port d’attache sur les rives de la Sarthe : la ville du Mans [1]. Cependant, le festivalier ne reste pas statique puisqu’à midi, le rendez-vous (traditionnel) est fixé à la Collégiale Saint-Pierre-La-Cour, au pied de la vieille ville. Il faut ensuite parvenir jusqu’à la Fonderie (17h, ça laisse le temps de flaner !), sur la rive droite de la Sarthe et son dédale de rues à sens unique ! (j’aurais dû prendre le tramway !) avant de retrouver le calme et la verdure de l’Abbaye de l’Épau.

Alain Gauthier, arrivé sur les lieux dès le 5 mai, vous a livré son ressenti (lire l’article) sur cette édition 2010. Nous avons pris le relais pour rendre compte, en fondu enchainé, de cette "fin du final".

Vous pourrez lire nos impressions à travers le modeste diaporama proposé ci-dessous. Ces photos d’amateur (dans tous les sens du terme !) ne reflètent que le "point de vue" d’un spectateur ! [2].

Francesco Bearzatti et Giovanni Falzone - Le Mans, 8 mai 2010.
Photo © Culturejazz

Après un temps de décantation et d’intégration des souvenirs, il reste des impressions fortes. La folie contrôlée et la générosité du Tinissima quartet de F. Bearzatti (assurément une des meilleures formations de jazz du moment !). La complicité du duo Maya Homburger / Barry Guy unis dans la vie et dans la musique pour faire partager une passion artistique éclectique qui va du baroque à la musique la plus librement contemporaine. La fougue des scandinaves de Delirium nous laisse aussi un souvenir tenace... Mais on vous a déjà parlé de tout cela...

Le dimanche 9 mai, la conclusion s’est déclinée en trois mouvements bien distincts.

Une conversation entre amis, courtoise et sans concessions avec le trio composé du pianiste espagnol (et compositeur) Agusti Fernandez, de son compatriote Ramon Lopez (batterie - percussion) autour de la contrebasse de Barry Guy. Un beau moment d’écoute mutuelle, de plaisir du jeu mesuré avec une bonne dose de poésie et d’inventivité... mais un batteur quelque peu envahissant. On aurait aimé un jeu plus nuancé dans ce contexte.

Mark Taylor (cor) et Taylor Ho Bynum (cornet) - Le Mans, 9 mai 2010
Photo © Culturejazz

Sans aucune flatterie : un grand merci à Armand Meignan (et à son équipe) ! En exclusivité, l’Europa Jazz accueillait le groupe "Positive Catastrophe" co-dirigé par le cornettiste/trompettiste Taylor Ho Bynum et le conguero-vocaliste Abraham Gomez Delgado. Pour situer leur musique génialement éclectique, ces jeunes musiciens issus du creuset new-yorkais se réfèrent à Eddie Palmieri, Sun Ra... et bien d’autres. A la différence des amalgames à la mode qui fusionnent des musiques diverses en en gommant les aspérités, les neuf membres de Positive Catastrophe [3] assemblent des éléments caractéristiques de styles divers dans une musique créative, épineuse et terriblement accrocheuse ! De ce concert, on retiendra, entre autres, la vigueur inventive des solistes (la tromboniste Reut Regev a une sacrée "pêche" !), un bel hommage à Sun Ra (Travels un voyage en 4 parties ) et l’énergie fédératrice des deux leaders (Taylor Ho Bynum est un animateur hors-pair !).

Composition n°58 d’Anthony Braxton : titre graphique !

Et un moment de bonheur simple en rappel, lorsque T. Ho Bynum proposa d’interpréter la Composition n°58 de son maître et ami Anthony Braxton. Les (vieux ?) fans du Creative Orchestra (1976 - 1978...) se souviennent de cette étonnante musique de parade un peu déjantée qui contrastait avec d’autres compositions "contemporaines" du saxophoniste-polyinstrumentiste [4]. Une conclusion en fanfare qui a redonné une nouvelle jeunesse à cette musique intemporelle. Bravo !

Michel Portal New Project - La Mans, 9 mai 2010
Photo © Culturejazz

Michel Portal se renouvelle sans cesse. Et ça fait longtemps que ça dure : les festivaliers de Chateauvallon au milieu des années 70 en savent quelque chose ! Cette année, il venait au Mans avec une "création" c’est à dire avec une nouvelle formation (Manu Codjia, guitare - Vincent Courtois, violoncelle et Edward Perraud, batterie) et de nouvelles compositions... Une situation qui n’a pas manqué de générer inquiétude et tensions sur le visage du leader comme on peut s’y attendre ! Ce fut (encore) un grand moment de musique "portalienne", nerveuse souvent, vive et brillante avec de belles envolées des solistes. Une musique aboutie, bien dans son temps, portée par la prestation toute en finesse et en énergie du batteur Edward Perraud, les interventions contrastées de Vincent Courtois (violoncelle) et l’inspiration constante de Manu Codjia. Michel Portal était rayonnant en fin de concert proposant même de le conclure en rappel par une improvisation "pour se détendre un peu après les compositions jouées en concert !". Un moment de musique totalement fusionnelle et pourtant spontanée. On aurait cru qu’ils lisaient encore une partition ! Quelle classe !

La soirée était belle et plus douce... Il fallait reprendre la route. En trois jours, nous avions pris un bain de musique qui contribue à donner espoir et confiance car le jazz a un bel avenir s’il continue d’inventer encore et encore. Le public a répondu présent dans des salles bien remplies. Une incitation à poursuivre dans la voie de l’exigence et de l’originalité. Ça marche !

Europa Jazz Festival 2010 - le final en photos.
Francesco Bearzatti et Giovanni Falzone - Le Mans, 8 mai 2010.
Mark Taylor (cor) et Taylor Ho Bynum (cornet) - Le Mans, 9 mai 2010
Michel Portal New Project - La Mans, 9 mai 2010
Composition n°58 d'Anthony Braxton : titre graphique !

> Lien :

[1Auparavant et plus de deux mois, des concerts ont été organisés en divers lieux des Pays-de-la-Loire et même, un peu en Basse-Normandie. Premier concert le 2 mars, première date de la tournée régionale du quintet Baby Boom de Daniel Humair à Trélazé (49).

[2Christian Ducasse vous a livré son regard de professionnel dans l’article précédent.

[3La dixième de l’équipe, Jen Shyu, (vocal et erhu) n’était pas du voyage !

[4On retrouve cette composition sur le disque "Anthony Braxton - Creative Orchestra (Köln) 1978 rééditée sur le label HatOLOGY il y a quelques mois (lire la chronique)...