La baronne Nica de Koenigswarter est un mythe de l’histoire du jazz. Un livre des photos et textes qu’elle a recueillis est paru.
Propos recueillis et photographies par PANNONICA DE KOENIGSWARTER
Editions Buchet – Chastel - Ouvrage réalisé par Frédéric Pajak
Tout le monde du jazz connaît la Baronne surnommée Nica (1913 – 1988) née à Londres dans la branche anglaise de la famille Rothschild, amie, confidente, hôtesse de nombre de musiciens parmi les plus grands notamment ceux du be-bop. Elle fut la dédicataire d’une vingtaine de thèmes célèbres dont le Pannonica de Monk, le Nica’s dream d’Horace Silver et le Thelonica de Tommy Flaganan, notamment.
Tout le monde du jazz sait que Charlie Parker, malade et refusant de se faire hospitaliser, fut recueilli et mourut brusquement chez elle et que Thelonious Monk passa les neuf dernières années de sa vie dans ce Cathouse, sa maison au cent vingt-deux chats. (lire ou relire les livres d’Yves Buin et de Laurent de Wilde, voir ou revoir le film de Charlotte Zwerin Straight no chaser). Ce qu’on apprend c’est qu’entre 1961 et 1966, elle posa à un grand nombre de musiciens cette question : si on t’accordait trois vœux qui devaient se réaliser sur-le-champ, que souhaiterais-tu ?... et qu’elle réalisa avec un Polaroïd des photos des plus importants créateurs de Louis Armstrong à Sun Ra dont beaucoup sont reproduites en leur état (Monk dans son sommeil avec un petit chat siamois sur les genoux) dans ce livre préfacé par Nadine sa petite-fille qui écrit d’entrée : lorsque j’ai vu Nica pour la dernière fois à New York en 1986, nous sommes allés, faire selon son habitude, la tournée tardive des clubs de jazz dans sa vieille Bentley décapotable… elle s’asseyait dans un coin et écoutait religieusement.
Donc, à cette question posée à 300 personnalités (cela commence par la réponse de Monk, courte (pas surprenant) et se termine par celle de Lionel Hampton, elle logorrhéique cela va de soi… ), des réponses dans lesquelles les mêmes préoccupations sont énoncées : la musique, l’argent, le bonheur, la santé, le sexe… ou la couleur (l’unique réponse de Miles Davis : ÊTRE BLANC ! )… ou comme le saxophoniste J.R.Montrose : jouer, jouer, jouer… curieuse celle du batteur Eddie Locke : 1. je ne veux pas ressembler à Blue. 2. je ne veux pas ressembler à Blue. 3. je ne veux pas ressembler à Blue (il s’agissait du trompettiste Blue Mitchell)… sage du saxophoniste James Moody : atteindre la sagesse (si j’avais ça je n’aurais pas besoin des autres vœux)… raisonnable et drôle, celle de Louis Armstrong : la santé, c’est la vraie richesse… moi !, je n’ai jamais eu à subir la moindre opération de ma vie parce que j’ai fait attention à ne jamais être constipé !...
Ces archives précieuses ont pu voir le jour grâce à sa petite-fille et au pianiste Barry Harris qui vit toujours dans la célèbre maison. Rappelons ces quelques paroles prononcées par Clint Eastwood lors du service commémoratif en l’honneur de Nica à l’église Saint Peter’s le 9 décembre 1988 : je n’ai connu Nica que peu de temps (la préparation de son film Bird) mais j’ai découvert une femme remarquable… c’était véritablement une grande dame…
Un beau livre qui tombe à pic pour faire plaisir à tous les amateurs de jazz à l’approche du Nouvel An… que je vous souhaite heureux et plein de (bonnes) musiques et de petits bonheurs comme celui-ci.