The John Coltrane interviews, par Chris De Vito

Rarement musicien a autant suscité d’intérêt pour ce qu’il avait à expliquer de sa musique que John Coltrane.

Il se prêtait toujours de bonne grâce au rituel de l’interview et parlait toujours de l’évolution de sa musique avec le plus grand sérieux, sans pour autant SE prendre au sérieux. Je n’ai jamais rencontré musicien aussi humble que John Coltrane.

Le livre de Chris De Vito, par ailleurs le principal contributeur à la monumentale "bible" The John Coltrane Reference, reproduit ici toutes les interviews connues de l’auteur du manifeste mystique A Love Supreme.

"Coltrane on Coltrane : The John Coltrane Interviews" - Chris DeVito
A Cappella Books / Chicago review Press

On y relève principalement les noms de August Blume (1958 ), Karl-Eric Lindgren ( 60 ), Ralph J. Gleason, François Postif ( 61 ), Benoît Quersin ( 61 et 62 ), Valerie Wilmer, Don De Micheal ( 62 ), Michiel De Ruyter ( 62 et 65 ), Randy Hultin ( 63 et 65 ), Leonard Feather ( 64 ), Michael Hennesy ( 65 ), Nat Hentoff ( 65 et66 ), Frank Kofsky ( 66 ), ainsi que votre serviteur ( 62, 63 et 65 ).

Chaque fois que cela a été possible, Chris De Vito a transcrit les enregistrements encore existants, sinon il a utilisé les interviews publiées. Il lui a fallu faire traduire toutes celles qui n’étaient pas en anglais. Par une ironie de l’histoire, si vous prenez le cas de celles que j’ai réalisées, elles ont été traduites en français par mes soins lors de leur parution et retraduites ici en anglais.

Coltrane on Coltrane contient également des documents inédits : articles, souvenirs, textes de pochette ( Nat Hentoff, Stanley Dance ) utilisant des interviews spécialement réalisées à cet effet.

On y trouve encore des écrits et de la correspondance de Coltrane lui-même.

Chaque interview est replacée dans son contexte par une introduction précise de Chris De Vito. Il en est de même pour tous les autres chapitres. À noter le blindfold test mené par Leonard Feather en 1959 pour Down Beat, Coltrane trouve tout. Passionnants également les récits de Randy Hultin, une amie proche de John qui le côtoya à Antibes, Paris et chez elle en Norvège. Des propos incroyables sont rapportés, par exemple dès 1960 : "Il y a des choses que j’ai peur de jouer, je ne m’en tirerais pas comme ça avec le public", ou en 62 "Si j’en avais le pouvoir, je jouerais un air et un ami malade serait guéri, j’en jouerais un autre et un ami fauché aurait de l’argent...", en 65 encore "Je ne peux pas aller plus loin, artistiquement et physiquement...". Quelle humilité quand on pense à ce qu’il a joué et enregistré entre 65 et 67 !

J’ai eu l’immense privilège de rencontrer trois fois John Coltrane, passant à chaque fois le maximum de temps avec lui, allant l’accueillir aux aéroports, le conduisant là où il voulait aller – en dehors des aller-retours de son hôtel à la salle de concert – allant faire des achats pour lui car il passait tout son temps à pratiquer son instrument. En 65 à Antibes, il jouait sur une bande de concert d’Albert Ayler.

Il s’est toujours montré très reconnaissant, comme si ce n’était pas pour moi le plus grand des bonheurs. À Daniel Filipacchi qui voulait me barrer l’accès aux coulisses alors que j’avais amené John à Pleyel, il dit : "Excusez-moi mais il s’est occupé de moi toute la journée, lui".
Quand on était en sa présence, il se dégageait de lui une aura incroyable. On pensait irrésistiblement à un grand fauve au repos.

L’ouvrage de Chris De Vito n’est pas un ouvrage comme les autres, il se lit comme un super Da Vinci Code. En fait c’est une mine d’or.

Il est disponible sur Amazon pour la modique somme de 21 euros.


> Coltrane on Coltrane : The John Coltrane Interviews - Chris DeVito - Éditeur : A Cappella Books / Chicago review Press (en anglais) - 2010


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