D’autres routes ? Ça existe ?

D’accord, la rue du Plateau, ce n’est pas le plateau des Glières mais quand même. Devant la maison de Ben Ali, une poignée de tunisiens énervés hurle des slogans et a le projet de faire des courants d’air dans les fenêtres face à un chien policier énervé lui aussi ( non, il n’y avait pas de chat policier ) et une rangée de forces de l’ordre rejointe plus tard par de nombreux collègues lourdement équipés en gardiens de la paix ( casque à protège-nuque, visière en multiplexoskour, jambières, gazeuse, tonfa, … ) bref : tout ce qui donne envie de les approcher pour leur claquer des bises.

Claude Tchamitchian
Photo © Christian Ducasse

L’Atelier du Plateau, lui, se cache au fond d’une impasse ( masculin : un nain passe ) et d’aucuns pensent déjà : impasse = voie de garage = le mur du fond comme horizon. Ceux-là ont tout faux : c’est un atelier paradoxal. Si, à Tokyo, quand t’as la tête au nord, t’as le sud au cul, dans une impasse, le dos au mur, c’est la Puerta del Sol. Et ton projet d’indigné, c’est de partager, écouter, penser, réfléchir, douter. Ici point de MAM ( la Mouvance Absolument Médiocre ) mais des hommes et des femmes épris de liberté et qui le font savoir.

L’atelier a tout d’un ancien atelier : une verrière façon jardin d’hiver, une hauteur sous plafond propice aux sauts périlleux des artistes qui s’y produisent, du ( vrai ) salpêtre ( bio ) sur les murs et deux longs bars à la hauteur des coudes et des verres qu’on y pose. Les sièges n’offrent pas l’uniformité triste d’une salle clé en mains : ça sent la récupération maline.

Dans le cadre de sa carte blanche, Claude TCHAMITCHIAN ( contrebasse ) revient en seconde soirée avec son quartet Ways Out : Rémi Charmasson, guitare, Régis Huby, violon et Christophe Marguet, batterie, sans oublier les bidouilles électroniques.

La première suite s’avère tonitruante, pleine de bruit et de fureur et n’est pas sans rappeler le Grand Lousadsak où les musiciens donnaient l’impression de jouer ensemble des morceaux différents. N’est-ce pas le comble de la liberté : d’accord pour jouer ensemble mais chacun joue ce qu’il veut ? La réalité est pire encore : comme l’explique Tcham, il fait quelques suggestions mais personne n’est obligé de les suivre. Quoi ? Pas de chef ? Pas de premier violon ? Ben non, Madame Michu, le hasard et quelques synchronicités, Monsieur Gégé. Au cœur de leur prestation, une énorme écoute mutuelle (oui, ça aussi, c’est révolutionnaire, la mutualité ) qui fait qu’ici et là se glisse un petit bout de quelque chose qui ressemble à un thème et leur permet de terminer un grand moment d’improvisation collective tous ensemble. C’en est presque étonnant.

Claude Tchamitchian
Photo © Christian Ducasse

La seconde suite, maintenant que le trop plein d’énergie des musiciens est évacué et que la température du lieu a sensiblement augmenté ( oui, ça s’appelle le partage thermique ) nous emmène dans un long voyage paisible, méditatif, BEAU. TRÉS BEAU.

Ces mecs-là sont épatants. Le rappel nous vaudra une courte pièce qui commence en impro collective et qui finira de même. Pourquoi changer un truc qui marche si bien ?

Dans la salle, de nombreux membres de la famille musicale des Fieffés Improvisateurs ( et -trices, excuse Hélène ) sont venus en voisin et c’est beaucoup plus sympa qu’un déj dominical gigot-flageolets.

Dehors, les nombreux gardiens de la paix ont gagné : y’a plus un chat. -Dormez braves gens, nous contrôlons la situation et votre vie. Ne pensez jamais !!

> Concert du jeudi 16 juin 2011, dans le cadre de la carte blanche à Claude Tchamitchian organisée à l’Atelier du Plateau (5, rue du Plateau 75019 PARIS) les 15, 16 et 17 juin 2011.

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