Le génie de la fabrique ou la fabrique du génie ?

Vous ignorez qui est King Crimson, vous ne connaissez pas plus Charlemagne Palestine qu’Arvo Pärt. Et alors ? On s’en fout !! Que ça ne vous empêche pas d’aller écouter le dernier opus de Médéric COLLIGNON : Jus de Bocse joue King Crimson.

  • Vous DEVEZ aller écouter ce concert. Il n’y a rien de plus important. C’est ce qu’ont pensé tous ceux et celles qui sont venus au Triton [1] vendredi 17 et/ou samedi 18 juin. Si nombreux que c’était affiché COMPLET et que les derniers arrivés cherchaient désespérément des places ( mais à pas à n’importe quel prix quand même ).
Médéric Collignon
Photo © Yves Dorison

Donc, Médéric COLLIGNON ( direction, arrangement, trompette, voix, commentaires ) et son quartet Jus de Bocse : Fred CHIFFOLEAU à la contrebasse, Franck WOESTE au Fender Rhodes et Philippe GLEIZES à la batterie, accueillaient un double quatuor à cordes : le premier, QDS, formé de Anne LEPAPE et Youri BESSIÈRES au violon, Olivier BARTISSOL, alto et Valentin CECCALDI au violoncelle, le second issu de l’atelier " cordes " de la classe de jazz du CRR d’Aubervilliers-La Courneuve ( mais comment s’appellent-ils, ces musiciens pleins de bravoure ? ).

Ils ont été fabuleux !!! Tous les huit !!! Rudement mis à l’épreuve par l’écriture et les arrangements de Collignon, leur contribution fut exemplaire, dense, soutenue, magnifique et à la hauteur de l’événement. Parce qu’événement il y eut. Bizarrement, ce n’est pas l’octuor qui a semblé une greffe parfaite mais Jus de Bocse tant ces violoneux ont mis d’ardeur à la tâche.

  • À gauche de la scène les huit cordes, à droite et au fond, les acolytes de Jus de Bocse et au milieu, COLLIGNON. Comme un boxeur pacifique en plein shadow boxing : jeu de jambes, allonge, rotation du buste, swing, feintes des bras, direct, …. en plus remuant qu’un lombric coupé par une pelle malhabile. « Je voulais huit cordes, on-m’a-déconseillé-de-le-faire-ça-ne-se-fait-pas. J’emmerde la théorie » a-t-il annoncé d’entrée de jeu. « Mon arrangement se nourrira des mesures impaires, des décalages et des riffs, en conservant tout le poids du rock, toutes les suspensions de l’improvisation, toutes les richesses des timbres » a-t-il écrit dans la présentation de cette œuvre.
    Médéric Collignon
    Photo © Yves Dorison
  • Ce qui semble de la démesure pour le commun des mortels est ici la norme. Tout est plus vite, plus plein, plus sensible, plus plus plus plus. La vie semble plus intense, comme si on avait réchappé d’un accident mortel et qu’il n’y a pas une seconde à perdre. Mais jusqu’où s’arrêteront-ils ? Avis à ceux qui aiment la répétition inlassable du bon vieux jazz régressif et coulé dans le formol : accrochez-vous au banjo, ce n’est qu’un maelström d’énergie, une copulation effrénée (à 12 !!! ) doublé d’un coït musical avec le public. La débauche totale. Mais que fait la police des mœurs ? Oskour !!

Le second set nous a ravi et outre les magnifiques soli trompétueux de Collignon, ses moments de vocaliste : qu’il chante ou qu’il explore des voies vocales inouïes, c’est beau à tomber de sa chaise en entraînant ses voisins.

Ovation debout, rappel, bis de rappel. Se quitter ? Déjà ?

  • À la sortie, le cerveau survivant teste sa procédure d’urgence en annonçant : essorage terminé, ouvrir la porte, détendre les neurones, relâcher les épaules, poser les pieds sur le sol, marcher.

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93260 Les Lilas - tél : 01 49 72 83 13 - Mél : contact@letriton.com - www.letriton.com...