Épisode 1 : Thomas de Pourquery solo.

Rencontre avec deux amis fidèles, le pianiste, compositeur et chef d’orchestre Andy Emler et Thomas de Pourquery, saxophoniste, chanteur, agitateur de neurones au service de la musique et de la vie.

Au cours d’un long entretien entre deux concerts "chez l’habitant" au début 2012 dans le bocage coutançais, nous avons pu évoquer les projets de l’un et de l’autre et converser autour de leur travail en commun, en duo mais aussi au sein du MegaOctet que dirige Andy Emler.

Andy Emler et Thomas de Pourquery, le 20 janvier 2012
Andy Emler et Thomas de Pourquery, le 20 janvier 2012
© CultureJazz.fr

Thomas de Pourquery a été sélectionné en mai 2011 pour devenir le nouveau résident de Jazz sous les Pommiers (Coutances - Manche).
Pendant trois années, il va pouvoir concrétiser un certain nombre de projets dans le cadre de la saison du Théâtre de Coutances, du festival (en mai) mais aussi en s’impliquant dans des actions en rayonnant autour de la sous-préfecture bas-normande.
Le leader de DPZ, du défunt Rigolus, de Supersonic ou de The Endless Summer, fut aussi un sportif de haut-niveau et en ex-rugbyman, l’entrée dans la mêlée ne l’effraie pas. Bien au contraire, il puise son énergie dans des rencontres organisées ou inattendues, parfois imprévues voire improbables et se donne à fond pour réussir l’essai.
Co-équipier fidèle en amitié, il n’oublie pas aussi ceux qui lui font confiance comme le pianiste et chef d’orchestre Andy Emler qui l’a intégré à son MegaOctet depuis belle lurette.

Alors qu’il inaugurait sa "résidence" artistique coutançaise, il nous confiait ses projets, ses envies et ses impressions en ce début de l’année 2012.

Les projets pour ce début de résidence à Coutances et dans la région ?

> Thomas de Pourquery : Je travaille avec l’école de musique de Granville [1] mais de manière très brève. On va se voir deux jours pour bosser. Je souhaite que ce soit une vraie rencontre. Ils vont travailler sur un morceau que j’ai amené plus un peu de matériel à eux...
Je leur ai demandé que le premier jour de notre rencontre ils jouent des choses qu’ils maîtrisent, que ce soit un morceau de violon classique de chorale ou un travail mené dans leurs ateliers [2].
Avec leur matériel et le mien, et de l’improvisation dirigée, on va voir comment on peut agencer tout ça et jouer tous ensemble à Coutances le dimanche 13 mai dans le cadre du festival Jazz sous les Pommiers.

La perspective de trois années de résidence : un vaste chantier ?

> Thomas de Pourquery : C’est un cadeau merveilleux et j’en profite ! C’est une grande chance et une opportunité unique de pouvoir monter des projets, venir jouer avec qui j’ai envie pendant trois ans.
Pour les deux premiers concerts, j’ai décidé qu’on joue en duo avec Andy Emler.
C’est une sorte de carte blanche de trois ans. Il y a assez peu de contreparties pédagogiques : je souhaite le faire régulièrement mais je n’ai pas envie que ce soit au détriment du reste. J’y mets tellement d’énergie ! Je n’enseigne pas et je me trouve très mauvais pédagogue mais j’adore les rencontres.
Rencontrer un orchestre, c’est très différent d’une situation d’enseignement. La pédagogie, c’est un vrai métier. Je préfère travailler dans un esprit de partage en prenant du matériel de l’orchestre avec lequel je vais bosser et amener des propositions en fonction de ce que je fais dans ma vie, de mon expérience.
J’ai la tête plongée essentiellement dans les projets que je mènerai tout au long de chaque année, mes projets.
Pour le prochain festival, je vais me produire avec mon groupe DPZ, un putain de super groupe ! Ce sont des musiciens que j’adore et qui sont mes amis depuis plus de 10 ans : Daniel Zimmerman au trombone, Maxime Delpierre à la guitare, Davin Aknin à la batterie et Sylvain Daniel à la basse. Que des musiciens avec lesquels j’ai grandi musicalement.

Thomas de Pourquery à Brest avec le MegaOctet.
Thomas de Pourquery à Brest avec le MegaOctet.
oct. 2011 - Photo © T. Giard

Je me souviens d’un conseil d’Andy Emler : "Si tu as un groupe à toi, ne le lâche pas, il faut développer au moins un projet dans ta vie !" . Je l’entends d’autant plus aujourd’hui ! Façonner, peaufiner un groupe, c’est difficile car on joue très peu. Ça nécessite de ne pas lâcher la barre et de continuer. Sans qu’on sache pourquoi, subitement, un jour on s’intéresse à toi. On se met alors à jouer un peu partout alors que c’est la même musique qu’un an plus tôt ...
Bon, ce n’est pas encore le cas avec DPZ mais j’espère le vivre un jour !
On l’a vécu avec le MegaOctet par exemple et c’est merveilleux. Quand on jouait trois fois par an, la musique n’était guère différente de maintenant où il nous arrive de jouer dix fois plus !
Pour le festival Jazz sous les Pommiers 2012, je prépare avec DPZ une création où nous invitons un quatuor de synthétiseurs monophoniques. Il sera pensé comme un quatuor à cordes, chaque instrumentiste ne jouera qu’une note à la fois comme un violoncelle ou un violon, mais avec un potentiel énorme dans les différentes couleurs de son. Une manière d’élargir l’instrumentation. C’est un truc très classique finalement. Je pense que ce ne sera pas une heure et demie de concert avec eux ; pour cette occasion, ce sera un groupe de neuf musiciens à géométrie variable toujours dans l’esprit d’une rencontre.
Avec les copains de DPZ, cette idée nous excite beaucoup.
À Coutances, il y aura aussi Fred Poulet (scénographe, réalisateur, auteur-compositeur-interprète) qui est en train de réaliser un film sur la première année de ma résidence.
Il va nous mettre en scène, s’occuper des lumières pour ce concert de DPZ & The Holy Synths. C’est un super scénographe et j’espère que ce sera un beau rendez-vous pour le festival 2012.

Thomas de Pourquery avec Supersonic, à Coutances, le 29 mai 2011.
Thomas de Pourquery avec Supersonic, à Coutances, le 29 mai 2011.
Photo © CultureJazz

J’aborde cette résidence très simplement. C’est ainsi que ça se passe avec tout le monde ici. C’est très chaleureux et très évident : on ne se prend pas la tête. Il y a une envie bien présente, elle est exprimée, tout de suite partagée par toute l’équipe. Donc pour le moment c’est génial

On m’a aussi proposé des choses qui m’ont touchées et que je vais faire ; comme la "battle", une bataille d’orchestres musicale France/Canada. C’est vraiment un délire. Ça va être assez rigolo, mais ça va être la guerre, il faut absolument qu’on batte les canadiens, nous serons les plus fourbes et sournois (rires) !

Thomas de Pourquery Supersonic - Jazz sous les Pommiers 2011
Thomas de Pourquery Supersonic - Jazz sous les Pommiers 2011
© Christian Ducasse
DPZ : prêt Jazz sous les Pommiers 2012
DPZ : prêt Jazz sous les Pommiers 2012
© Christian Ducasse

Christian Ducasse suit de près les projets de Thomas de Pourquery à Coutances : Supersonic en 2011 et les préparatifs de DPZ & The Holy Synths pour 2012.

Je suis touché aussi par la dimension très locale des interventions. Par exemple le petit set à l’hôpital en duo avec Andy Emler puisque nous étions sur place.
Je vais y jouer car je pense aux gens qui souffrent là-bas et qui ne voient jamais de concert. Le personnel de soins est super mais ils sont coincés malgré eux dans la structure de leur hôpital. Si on est à Coutances, à deux minutes de ce lieu, c’est très simple d’aller jouer une demi-heure pour eux. J’encourage d’autres musiciens à le faire, simplement. Ce n’est pas se prendre pour Mère Teresa, c’est juste un moment de partage simple qui ne coûte rien. Ce n’est pas du temps perdu, ce sont des instants qui permettent à coup sûr de se faire plaisir et de partager un moment fort avec des gens qui n’ont pas accès à la musique.
La maladie nous fait peur, mais les personnes malades ou handicapées sont bien souvent beaucoup plus fortes et sensibles à l’instant présent que nous, les "valides", et ils ont énormément à nous apporter, alors je prêche pour notre paroisse commune : la vie, l’échange, la rencontre, en somme rien d’autre que de la musique !

Il n’y a pas que cette résidence dans ton actualité ! Quels autres projets ?

> Thomas de Pourquery  : Je prépare la seconde édition du Brain Festival, festival caritatif pour aider la recherche sur les maladies neuro-dégénaratives. Elle aura lieu de fin septembre jusqu’au début novembre 2012.

Je prépare aussi l’enregistrement cette année du 2ème album de DPZ ainsi que de mon sextet "Supersonic, A tribute to Sun Ra".

En décembre, premières représentations de l’opéra du chanteur John Greaves sur Verlaine, avec Élise Caron Jeanne Added, Ève Risser, Olivier Mélano, John et moi dans lequel je vais jouer le rôle de Verlaine.

En octobre je jouerai le premier rôle dans un long métrage pour le cinéma : le rôle d’un mec qui n’a jamais été acteur et qui joue dans un film, cqfd !
À partir de Septembre, avec le collectif Beautiful Freaks un rendez-vous mensuel tous les derniers jeudiS du mois dans un nouveau lieu à Montreuil, "Le Chinois".
Ajoutons à cela une tournée à l’automne avec The Endless Summer.

Propos recueillis par Thierry Giard le 20 janvier 2012 à Coutances.

À suivre prochainement...

  • Andy Emler entretien "solo" : "En Mi total" et autres projets...
  • Thomas de Pourquery & Andy Emler : propos en duo.

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> Quelques disques ?

  • DPZ : "He’s Looking at you, kid" - E-Motive Records EMO901 - distribution Orkhêstra
  • Andy Emler MegaOctet : "Crouch Touch, Engage" - Naïve (2009)
  • Frédéric Monino : "All The Way" - PypeLine - Continuum CD FM02 - distribution Socadisc (septembre 2011) - OUI ! CultureJazz
  • Andy Emler MegaOctet : "E total" - Label La Buissonne / co-production Compagnie Aime L’air - distribution Harmonia Mundi (parution le 2 mai 2012)
  • The Endless Summer : "The Endless Summer" - Mosaïc (parution en mai 2012 - (la suite de Rigolus !)

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> Liens  :

[130 km au sud de Coutances

[2Le trompettiste Samuel Belhomme est leur professeur attitré.