Un unique concert en France !

PRISM avec Dave Holland, Craig Taborn, Kevin Eubanks et Eric Harland était à Vitrolles le 6 juillet 2012... et seulement là (en France !)...

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’il y a des programmateurs de festivals qui se laissent porter par le chant des sirènes médiatico-promotionnelles et sombrent dans une relative banalité et d’autres qui ont le jazz au cœur et savent garder le cap contre vents et marées en suivant leur passion et en repérant les perles rares. On nous rétorquera, bien entendu, qu’il faut un peu de tout pour faire un festival car les recettes propres (donc le public présent), c’est tout de même la clé de la longévité. Soit, mais ça ne suffit pas.

À Vitrolles, comme dans la totalité des festivals français affiliés à l’AFIJMA (Association des Festivals Innovants en Jazz et Musiques Actuelles), on a l’assurance d’écouter des musiques qui font avancer le jazz dans un respect de la tradition ouvert à une grande modernité. C’est bien ce qu’on attend d’un réseau qui place la culture au-dessus du tiroir-caisse et/ou de l’animation estivale "jazzy".

PRISM : Dave Holland et Kevin Eubanks à Vitrolles.
6 juillet 2012 - © CultureJazz.fr

Nous étions donc à Vitrolles le 6 juillet pour l’ouverture du Charlie Jazz Festival, 15ème du nom, qui vient ponctuer une saison de concerts au Moulin à Jazz (consultez notre agenda toute l’année !).
Le lieu est formidable. Le domaine de Fontblanche est une vaste propriété agricole du milieu du XIXè siècle passée de l’agriculture à la culture tout court, bien protégée par des platanes monumentaux qui abritent la grande scène du festival. Dans cette même enceinte, on trouve le Moulin à Jazz, des terrasses et des espaces de verdure : tout ce qu’il faut pour créer une ambiance chaleureuse, sécurisante et propice au bouillonnement artistique (musique et arts visuels sont ici réunis).

Nous vous avons donné un premier aperçu de cette soirée débutée avec "La Nouvelle Collection" et Perrine Mansuy dans la carte postale publiée par ailleurs.

L’événement, ce fut bien sûr le seul et unique concert français (dans une tournée de 17 dates en Europe !) du nouveau quartet PRISM réuni autour du contrebassiste Dave Holland. Heureusement, l’équipe de Charlie Free a des références et a vite compris à la lecture du line-up que cette formation toute neuve (donc pas encore dotée d’outils promotionnels) pourrait créer de belles choses. Bien vu ! Ce quartet est, pour nous, la meilleure formation "dirigée/animée" par le contrebassiste depuis des lustres dans la mesure où ses formations avec vibraphone ne nous ont jamais totalement convaincu.

PRISM à Vitolles le 6 juillet 2012 (Charlie Jazz Festival)
© CultureJazz.fr

Le clé de la réussite repose sur la qualité indiscutable des instrumentistes mais surtout sur un esprit d’équipe exemplaire qui transparaît dans les constants échanges de sourires, les regards de connivence et l’expression du plaisir de jouer ensemble. Chacun a apporté sa patte à ce quartet en fournissant des compositions qui donnent une grande richesse au répertoire. Dave Holland veille au grain mais laisse vivre la musique, serein et visiblement heureux de se trouver dans ce contexte stimulant.
Il ne fallait pas se laisser influencer par le qualificatif "electric quartet" parfois employé à propos de cette formation. Certes, comme nombre de pianistes actuels, Craig Taborn utilise le Fender Rhodes et quelques effets, certes, la guitare de Kevin Eubanks est bien électrique mais cette musique inventive, mouvante, créative, n’a rien à voir avec les clichés du jazz "électrique".
On ne reviendra pas sur l’immense talent de Dave Holland qui reste un des plus grands contrebassistes actuels, riche d’une histoire et de rencontres exceptionnelles. Il compose aussi de très belles choses bien ancrées dans l’histoire du jazz comme A New Day (en ouverture) ou Memories, un blues pas du tout nostalgique et très souriant.
Par contre, nous insisterons à nouveau sur l’excellence du pianiste Craig Taborn, musicien ouvert et inventif qui surprend toujours sans jamais réciter de leçon bien apprise. Taborn ne veut pas être la énième réincarnation de pianistes du passé. Il regarde l’histoire du jazz à travers une fenêtre grande ouverte sur l’avenir et surprend sans cesse.
À la batterie, Eric Harland s’est montré aussi à l’aise ici qu’aux côtés du saxophoniste Charles Lloyd dont il est le complice habituel. Excellent rythmicien, il est aussi totalement concerné par l’invention mélodique, ce qui fait de lui un excellent compositeur comme en témoigne Brieve, thème sur lequel Craig Taborn s’est livré à une magnifique échappée en soliste sur une architecture harmonique exemplaire.

Craig Taborn, Dave Holland, Kevin Eubanks et Eric Harland : PRISM à Vitrolles
6 juillet 2012 - © CultureJazz.fr


Enfin, Kevin Eubanks a donné toute la mesure de son talent : un jeu fin, malicieux, surtout pas démonstratif. Avec lui, la guitare s’intègre parfaitement dans la jeu collectif en apportant une touche de couleur essentielle. Les compositions qu’il fournit au quartet (Evolution, The Watcher...) mettent en valeur un alliage des sonorités électriques acoustiques pensé avec beaucoup de finesse

Il fallait voir ces quatre musiciens savourer leur bonheur de lors du salut final, puis du rappel, et à nouveau de l’ultime salut pour comprendre que cette formation n’est pas une simple réunion de circonstance pour festivals d’été comme on en voit souvent (du moins, on l’espère !).

PRISM a le potentiel d’un vrai groupe et le public a chaleureusement et longuement salué cette réussite. On attend ses prochains passages en France... peut-être ?


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