Rétrospective de l’orchestre de Franck Tortiller après dix ans d’existence et à l’occasion de la sortie de son nouveau disque "Janis The Pearl". 1er épisode...
Une rétrospective de l’orchestre de Franck Tortiller après dix ans d’existence et à l’occasion de la sortie de son nouveau disque "Janis The Pearl". (1er épisode)...
Après avoir été le vibraphoniste du Vienna Art Orchestra pendant plusieurs années et dirigé quelques projets qui l’associaient à des orchestres symphoniques et d’harmonie, Franck Tortiller décide en 2002 de monter son propre orchestre avec des musiciens qui, pour la plupart l’accompagnent depuis ses débuts, une idée qu’il avait en tête depuis quelque temps.
Considérant que dans le jazz il n’y a pas de forme orchestrale préétablie contrairement à la musique classique, il fait le choix de sortir de la couleur du big band pour se rapprocher de la notion de grand groupe et défend la volonté de diriger non pas un orchestre à part entière mais un collectif évolutif (une idée acquise lors de sa collaboration avec Mathias Rüegg, alors directeur du Vienna Art Orchestra). Il insiste dans un premier temps sur l’aspect rythmique, en associant deux batteurs au rôle complémentaire (Patrice Héral et David Pourradier-Duteil) et deux percussions claviers, une idée qui lui vient de son attache particulière à la musique de Jaco Pastorius, qui ne présentait pas spécifiquement d’instruments harmoniques dans ses orchestres.
Il décide de suivre cette voie et refuse la présence d’un piano ou d’une guitare. Il se réserve pour rôle principal de jouer les harmonies et accompagnements, laissant à Vincent Limouzin la coloration des sons et le développement des traits avec ses différentes percussions claviers. Quant aux soufflants, un représentant de chaque instrument lui suffit à faire sonner ce groupe comme un grand orchestre de jazz : une trompette (Matthieu Michel, également bugliste), un trombone (Jean-Louis Pommier, un habitué des grandes formations de jazz), un corniste (Claudio Pontiggia, un instrument souvent présent dans le Vienna Art Orchestra) et un saxophoniste (Eric Séva). Grâce au soutien de deux festivals français (Coutances, Couches), il dévoile en 2003 la première création originale intitulée And drums... pour jouer un répertoire de compositions personnelles, qui portent toutes un nom de cépage. La rythmique est mise au service de mélodies simples qui laissent à l’orchestre l’occasion de développer des couleurs orchestrales originales, au cours desquelles chaque musicien est mis en valeur lors des improvisations et du son d’ensemble.
En 2004, Franck Tortiller décide de créer un répertoire autour des années 70, période musicale riche durant laquelle tous les genres, styles et traditions se sont entremêlés. Roger Fontanel (directeur du festival de Djazz de Nevers) lui laisse la carte blanche d’une création sans lui imposer d’idée. L’inspiration du groupe mythique Led Zeppelin vient naturellement à l’esprit du chef d’orchestre. Trois festivals co-produisent ce répertoire. L’orchestre se renouvelle : Michel Marre (euphonium) succède à Claudio Pontiggia et Jean Gobinet (trompette, bugle) à Matthieu Michel. Franck Tortiller renonce à l’idée d’inviter un guitariste, pour ne pas tomber dans l’imitation trop tendancieuse de Jimmy Page, et préfère faire appel aux samples de Xavier Garcia, pour se rapprocher de l’esprit rock de ce guitariste légendaire en y apportant une touche nouvelle (à écouter en solo dans Dazed And Confused et Kashmir).
C’est en 2005 que cet ensemble devient l’Orchestre National de Jazz. Le programme Close To Heaven rôdé depuis un an attire l’attention de nombreux programmateurs de festivals, scènes nationales et même jazz clubs au delà de la scène hexagonale (Italie, Suisse, Allemagne, Etats-Unis, Turquie...). Le disque est vendu à plus de 15000 exemplaires, les salles sont combles et le public ravi à chaque concert avec plus de 130 représentations. Les titres Black Dog, Dazed And Confused, Stairway To Heaven et Kashmir montrent une relecture personnelle de cette musique et donnent à cet orchestre de jazz l’occasion de retransmettre l’énergie d’un groupe de rock, tout en gardant dans d’autres titres un climat plus apaisé (The Rain Song, Black Mountain Side).
Franck Tortiller profite de son mandat de trois ans à la direction de l’ONJ pour écrire trois nouveaux programmes. Sentimental 3/4 voit le jour en 2006 avec un orchestre de onze musiciens dans lequel on retrouve l’accordéoniste bourguignon Eric Bijon (un ancien élève du vibraphoniste), le saxophoniste alto Bruno Wilhem (un compagnon de route des orchestres de Jean-Marc Padovani) et le trompettiste allemand Herbert Joos (une figure emblématique rencontrée au sein du Vienna Art Orchestra, au son velouté unique au monde). L’ensemble s’inspire non plus d’un répertoire mais d’une forme musicale dont beaucoup de musiques se sont nourries : la valse sous ses différentes formes, dont principalement la musette, qualifiée comme "le blues de l’Europe" par Toots Thielemans. Les musiciens qui inspirent le chef d’orchestre sont Joë Rossi, Francesco Cariolato et il consacre des arrangements à Louis Ferrari (Domino), Gus Viseur (Douce joie et Tony Murena (Impasse des vertus), en plus de sept valses originales qu’il signe de sa plume.
Cette même année, le compositeur rend hommage à la période électrique du jazz des années 70 (Miles Davis, les Headhunters d’Herbie Hancock, les derniers disques du Mahavishnu Orchestra, Weather Report...) sans emprunter pour autant la musique de ces noms phares de cette époque. L’album Électrique sort en 2007, avec comme nouveaux venus Claude Gomez (samples) et Joël Chausse (première trompette dans le Paris Jazz Big Band et l’orchestre de Michel Legrand). L’alternance des climats et la puissance de l’orchestre découverts lors du programme Close To Heaven sont toujours là, comme en témoignent les titres Electrique, Ouverture, et un admirable arrangement écrit à partir d’une chanson de Prince (Sometimes It Snows In April).
L’orchestre redonne vie à l’opérette française de l’entre-deux-guerres dans un spectacle créé en 2007 au Théâtre du Châtelet, avec l’Orchestre Pasdeloup (Franck Tortiller avait déjà travaillé avec cet ensemble dans le cadre d’un programme autour de George Gershwin). Un hommage à Moyses Simons, Raoul Moretti, Sigmund Romberg, Maurice Yvain… des compositeurs qui bouleversèrent le genre pour en faire un espace de création foisonnant. Le programme Opérettes revient sur une période musicale unique et donne à entendre un répertoire fascinant issu du riche mariage du jazz, du swing, de la musique savante, des rythmes latinos comme de l’opérette autro-hongroise. Certaines œuvres ont bénéficié d’une restauration complète et minutieuse, d’autres sont interprétées dans leur orchestration originale, ou revisitées.
L’ONJ version Tortiller se termine le 31 août 2008 et l’orchestre jouera jusqu’à cette date, preuve d’une intense activité.
Prochainement : Orchestre Franck Tortiller #2. Deuxième période 2009-2012 : de l’après ONJ à Janis the Pearl.
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