Une fable pour se réjouir

  Le guitariste : JOHN McLAUGHLIN

Musicien de légende, il a frotté ses cordes au meilleur du Miles Davis électrique, au Lifetime de Tony Williams et ses groupes successifs ont compté dans la rockandrollisation du jazz, au même titre que le MAÎTRE et Weather Report. Il a contribué à l’essor de la world music au même titre que John Coltrane et Carlos Santana, le mystique en prime.

John McLAUGHLIN : "Now here this"
Abstract Logix / www.abstractlogix.com


Son nouvel opus, comme on dit chez les élites de Télérama par exemple, Now Here This, met toujours en scène les membres de la 4th Dimension, soit Gary Husband, Étienne M’Bape et cette fois-ci le batteur Ranjit Barot.

Fidèle à lui-même, John "kalachnikovise" tout ce qui passe à sa portée… celle de ses compositions. Il est le guitariste le plus rapide à l’ouest du Pecos et dégaine plus vite que son ombre. Comment peut-on jouer de si belles phrases à cette vitesse supersonique ? Charlie Parker n’est plus là pour nous donner la réponse.
Les morceaux 1, 2 et 5 illustrent parfaitement cette démarche, avec la batterie survitaminée du très personnel Ranjit B, Echos from then nous ramène aux racines du blues et Wonderfall qui suit est la très belle ballade que toute bonne séance se doit de programmer. Avec évidemment le sublime son de la basse fretless. Le calme voluptueux perdure avec Not here not there et Guitar love au lyrisme qui nous rappelle le temps des échanges avec Carlos Santana. Le final Take it or leave it nous donne le bulletin météo du week-end.

  Le premier pianiste : YARON HERMAN

Yaron HERMAN : "Alter Ego"
ACT records ACT / Harmonia Mundi.

Les mots qui reviennent sans cesse quand on écoute un disque de Yaron Herman - et le tout dernier, Alter Ego ne faillit pas à la règle -, sont lyrisme, inspiration, rêve, hymne, romantisme, nostalgie, son de cloches, racines, "obsé-dance".

Le titre phare du disque est à mon sens cette sorte de berceuse très enracinée qu’est Hatikva de Samuel Cohen. Le magnifique soprano d’Émile Parisien plane très haut au dessus de cette musique de rêve. Émile Parisien, avec qui tout le monde veut jouer, je le répète. Yaron, Daniel Humair, Jean-Paul Celea, et ce n’est sûrement pas terminé. Le bassiste Stéphane Kerecki semble suivre le même chemin, il excelle ici.
Les racines sont particulièrement présentes aussi dans les compositions de Yaron : Your eyes qui frise ce que Glenn Gould re-créait, From Afar, Homemade, Madeleine.


Son accompagnement, souvent obsédant par la répétition, met parfaitement en valeur le soliste : Sunbath, Madeleine. Il atteint au céleste dans From Afar.

Les compositions du pianiste sont de haut niveau : Atlas and Axis, Heart break through, le virevoltant La confusion sexuelle des papillons qui se termine dans un relâchement extatique très parlant : ça y est le papillon a pris son pied !

Monsieur Yaron Herman, ce que vous jouez est beau comme du Federico Mompou, continuez.

  Le deuxième pianiste : JACKY TERRASSON

«  Avoir la gouache » signifie avoir la pèche, avoir du bonheur, avoir la frite. Ce dernier vocable, une histoire belge institutionnelle, convenant mieux à certains titres de l’album, comme Try to catch me, Baby, C’est si bon. Le deuxième, le bonheur, c’est comme son nom l’indique le jubilatoire Happiness.

Jacky TERRASSON : "Gouache"
Universal / Universal Music France.

Mais les deux perles de ce disque sont bien Je te veux et Mother.

Le premier, dû à la plume d’Erik Satie ( waoh ! ), est distillé de voix de maître par la succulente chanteuse Cécile McLorin Salvant. Cette franco-américaine, lauréate du Prix Thelonious Monk 2010 est une véritable révélation. Le registre de sa voix, suave, sa diction, sa maîtrise mélodique et harmonique font de cette interprétation un "gâté" de rêve. Tout émoustillé, Jacky nous délivre LE solo de piano.
Le second est une sublime quintessence de feeling. On pense à Funeral for a friend d’Elton John, rien que ça. Il serait temps que les pianistes de tout poil revisitent ce génie, et pas seulement Radiohead. Ou Lady Gaga et Justin Bieber, tous deux plus connus sous le pseudonyme de "la gerbe". On y entend de plus un gigantesque solo de bugle de Stéphane Belmondo. Une phrase en particulier. Je ne saurais vous indiquer à quelle mesure car je ne déchiffre pas la musique, je suis le Django Reinhardt du pauvre !

Deux autres morceaux somptueux illuminent/enluminent Gouache. Oh my love du glorieux tandem John Lennon/Yoko Ono, redimensionné par ma copine Cécile et orné d’un piano idyllique, intro et solo. Happiness ensuite, tellement jouissif qu’il mériterait d’être numéro 1 sur le CD au lieu du regrettable Try to catch me . Et numéro 1 au paradis, comme le chantaient mes potes les Sparks. Bon, on se contentera de la France pour ce qui est de la liaison habituellement dangereuse de la qualité artistique et du populaire. C’est notre Don’t Worry be happy à nous.

Au rez-de-chaussée de cet immeuble Terrasson, on trouve trois BOF : Rehab, un blues basique qui n’a d’autre prétexte que d’avoir été interprété par Melle Winehouse, Valse hot de Rollins et Gouache qui déboule bien mais reste dans le primaire.

Au sous-sol, tant cela frise le ridicule, Try to catch me ( dire que l’on a déplacé le grand Portal pour couiner deux ou trois notes ) et Baby. Ces deux titres ouvrent malheureusement le disque, au lieu de l’évident Happiness. Je viens de le dire et j’y ajouterai C’est si bon, un triste summum.

Mais cela ne doit pas nous faire oublier les richesses que recèle cet album.

PS : si vous ne savez pas ce qu’est un « gâté », demandez à notre éminent marseillais Ducasse !


  Les références et les liens :

> John McLAUGHLIN : "Now here this" - Abstract Logix - www.abstractlogix.com

John McLaughlin guitar, guitar synthé Gary Husband piano, synthés, drums Etienne M’Bapé bass Ranjit Barot drums

01. Trancefusion / 02. Riff Raff / 03. Echos from then / 04. Wonderfall / 05. Call and answe / 06. Not here not there / 07. Guitar love / 08. Take it or leave it

> Liens :

> Yaron HERMAN : "Alter Ego" - ACT records ACT 9530-2 - distribution Harmonia Mundi.

Yaron Herman : piano / Émile Parisien : saxophones soprano et ténor / Logan Richardson : saxophone alto / Stéphane Kerecki : contrebasse / Ziv Ravitz : batterie

01. Atlas and Axis / 02. Mojo / 03. Heart break through / 04. Your eyes / 05. La confusion sexuelle des papillons / 06. Ukolébavka/Wiegenlied / 07. From Afar / 08. Sunbath / 09. Homemade / 10. Atikva / 11. Mechanical brothers / 12. Madeleine / 13. Kaos

> Liens :

> Jacky TERRASSON : "Gouache" - Universal - distribution Universal Music France.

Jacky Terrasson : piano, Fender Rhodes / Burniss Earl Travis II : basse / Justin Faulkner : batterie, percussions / Minino Garay : percussions / Cécile McLorin Salvant : vocal / Michel Portal : clarinette basse / Stéphane Belmondo : bugle, trompette.

01. Try to catch me / 02. Baby / 03. Je te veux / 04. Rehab / 05. Gouache / 06. Oh my love / 07. Mother / 08. Happiness / 09. Valse hot / 10. C’est si bon

> Lien :