Il est des artistes discrets dont on déteste manquer les rares concerts. Phil Markowitz en fait partie.
> Chorus, samedi 24 novembre 2012, Lausanne
À la croisée des genres, l’art de Phil Markowitz s’est construit au fil du temps entre classicisme et avant-garde. Compositeur remarqué, il n’hésite cependant pas à pratiquer les standards, quitte à leur offrir de nouveaux apprêts surprenant quelquefois l’auditeur épris de mélodies accessibles. Pourtant, si l’on écoute attentivement les enregistrements réalisés avec Chet Baker (Live at nicks, Broken wing, Two a day, Oh you crazy moon...) dans les années quatre-vingts, on ne devrait pas s’étonner de le voir aujourd’hui dans un univers contemporain où la recherche et la créativité sont une priorité tant son originalité était déjà perceptible à l’époque.
À Chorus, l’autre soir, accompagné par la contrebasse d’un Jay Anderson remarquablement juste et profond et par Obed Calvaire, batteur concis, dynamique et inventif, il a illuminé le club avec une esthétique musicale sensible et chatoyante. Le trio oscillant entre un swing élastique et des phrasés plus aventureux a démontré avec une rare maturité ce que doit être l’écoute active entre musiciens complices de haut rang.
Qu’ils aient abordé la ballade ou des compositions plus rythmiquement marquées n’a nullement empêché le trio d’aller vers toujours plus de cohésion, démontrant au passage un art consommé de la variation et du sous-entendu. Et d’un morceau l’autre, la qualité du jeu, comme la richesse harmonique, a supplanté avec une aisance stupéfiante la technique et n’a laissé paraître que l’essentiel : la musique.
Des deux sets égaux en qualité qui ont constitué la soirée, on ne peut que retenir l’homogénéité patente de l’ensemble et son inventivité. Synthétisée en quelques mots, la prestation de ce trio fut ce qu’il est convenu d’appeler « une leçon ». Rien moins.
Dommage que le club n’ait été comble car, à soixante ans, Phil Markowitz est au sommet de son art. Un art hélas discret et insuffisamment reconnu qui mériterait d’avoir sa place sur bien des grandes scènes où l’on nous abreuve de « nouveautés géniales » insipides ou de vieilles gloires en mal de retraite complémentaire.
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