Au Triton, le 4 décembre, le pianiste Jean-Marie Machado retrouvait le saxophoniste Dave Liebman pour le projet « Painting notes in the air » en septet avec cordes.
On connaissait le talent indiscutable de Jean-Marie Machado en tant que compositeur et pianiste, révélé dans ses formations de différentes tailles : solo « Solideao », trio « Time », quartet et quintet « Lyrisme », sextet « Andaloucia », quintet « Les âmes papillons », les différentes versions de l’orchestre « Danzas » dont le célèbre hommage à Boby Lapointe récemment paru sur le label Bee Jazz. Les amateurs reconnaissent aussi ses qualités de soliste dans ses duos lorsqu’il s’entoure de grands saxophonistes de la scène du jazz actuel (Dave Liebman, Andy Sheppard, Jean-Marc Padovani) ou avec le conteur Jean-Jacques Fdida, le chanteur et poète Antonio Placer et le pianiste Claude Terranova.
Les plus chanceux qui détiennent le disque « Vibracordes » enregistré en 1990 avec Nana Vasconcelos et les cordes de l’Orchestre Philharmonique de Radio France admettront très rapidement que Machado dispose d’une certaine facilité à écrire pour les instruments à cordes. Quant à Dave Liebman, saxophoniste de renom et figure mythique de jazz sur la scène internationale depuis les années 70, les fins connaisseurs de sa musique ont peut-être entendu parler, parmi ses multiples expériences, du disque (« Dedications ») dans lequel il apparaissait comme un compositeur particulièrement fin et subtile avec les instruments à cordes. Nous connaissions peut-être moins les facilités de Machado à « peindre des sons dans l’espace », comme il aime le dire lorsqu’il parle de ce nouveau projet. Il précise : « C’est en jouant auprès de Dave que j’ai appris à utiliser mon instrument comme un pinceau, les sons comme une multitude de couleurs et l’espace comme une toile sans fin où se dessine une musique vivante en mouvement. Ce projet est un hommage à ce grand artiste américain qu’est Dave Liebman avec la chance de l’avoir à nos côtés pour porter ce rêve artistique dont il a tracé le chemin. »
Cette formation est la réunion du quatuor à cordes Psophos, à la configuration instrumentale très classique (deux violons, un alto et un violoncelle), du duo Machado/Liebman qui dispose déjà d’une longue route musicale en commun avec deux disques (« Caminando » en 2007 et « Eternal Moments » en 2010) et du trompettiste allemand Claus Stötter qui a côtoyé le pianiste dans les années 80 au sein de l’orchestre franco-allemand dirigé par Jean-François Jenny-Clark, puis dans le sextet « Andaloucia » et par la suite dans l’orchestre Danzas.
Ce septet n’a donc rien d’étonnant dans le parcours du pianiste mais il a, pour le moment, plus intéressé les scènes des pays voisins (Allemagne, Belgique) que celles de France (une seule date au Triton, preuve de l’ouverture musicale de ce lieu). On reconnaît en cette nouvelle formation une volonté de tisser des liens forts avec d’éminents solistes, dans la continuité de certains de ses projets (le duo s’ouvre à un ensemble plus étoffé) et enfin de faire se rencontrer au sein d’un même orchestre des musiciens de cultures musicales assez différentes.
Il en résulte un admirable tableau aux couleurs originales, qu’il est bon d’observer dans ses moindres recoins, loin des quelques expériences qui ont pu associer des pianistes à des quatuors à cordes (on pense à Thierry Maillard, Jean-Sébastien Simonoviez et Yaron Herman...) ou d’autres musiciens ayant beaucoup écrit pour les instruments à cordes au cours de leur carrière (Didier Levallet, Denis Colin, Gérard Marais...).
La musique qui nous est proposée est très précise, extrêmement subtile et exigeante dans son écriture comme dans son interprétation. Elle a été écrite sur mesure par Jean-Marie Machado.
Claus Stötter apporte une chaleur et un ton particulier, de par le choix d’utiliser majoritairement le bugle mais aussi le son unique de cet excellent trompettiste, trop peu vu sur nos scènes françaises. Le son du saxophone soprano de Dave Liebman et de sa flûte à bec en bois apporte une certaine finesse sur cette toile peinte sous nos yeux. On pourrait croire qu’il s’agit d’une symphonie spécialement écrite pour un saxophoniste et un trompettiste car Machado sait donner à peu de musiciens un espace suffisamment important pour faire sonner l’ensemble comme un grand orchestre. Cette musique n’a certes rien de poignant dans l’énergie véhiculée, il n’est pas non plus question de rechercher un quelconque rapport direct avec des formes swinguantes et traditionnelles du jazz.
L’originalité réside dans la conception même de l’espace sonore, la concision des propos, l’approche instrumentale donnée à la formation, l’art de créer une atmosphère par l’articulation des traits et le choix des nuances. Des lignes mélodiques simples guident l’auditeur dans cette magnifique peinture sonore.
Le pianiste signe l’essentiel des arrangements et des compositions, dont une sonate en trois mouvements, un thème inspiré du fado et du tango... Dave Liebman met aussi sa plume (ou devrait on plutôt dire son pinceau) à l’œuvre.
Ce concert unique en France a attiré la curiosité de quelques aficionados assez influencés par le saxophoniste, comme Éric Séva, Jean-Charles Richard et le producteur Jean-Jacques Pussiau, directeur du label Out Note. Une nouvelle découverte qui nous force à reconnaître une fois de plus la démarche artistique singulière du compositeur Jean-Marie Machado.
mardi 4 décembre 2012 - Le Triton - 11 bis, rue du Coq Français ; 93260 Les Lilas
Jean-Marie Machado : piano, compositions, arrangements / Dave Liebman : saxophones, flûte / Claus Stötter : trompette, bugle
Le Quatuor Psophos avec : Eric Lacrouts : violon / Bleuenn Le Maître : violon / Cécile Grassi : alto / Guillaume Martigne : violoncelle
> Liens :
Discographie de Jean-Marie Machado :
> Pour des éléments discographiques de Dave Liebman, se rendre sur son site internet.
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