L’auteur rectifie les erreurs de jugements...

On a beaucoup écrit sur Louis Armstrong, qui est le premier soliste de jazz à avoir atteint la renommée, et aujourd’hui peu d’ouvrages sont disponibles en français. On ne trouvera plus Leduc et Maillard, Louis Armstrong (Seuil, Solfèges, 1994), joli compendium abondamment illustré, ni Pour Louis Armstrong de Michel Boujut (Jazz-Magazine Hors-série 1968), mais restent toujours disponibles la belle rêverie d’Alain Gerber Louie, très fidèle à ce que l’on sait de la vie du jeune Louis (Fayard 2002) et le Louis Armstrong de Michel Laverdure (2000). On trouvera toujours en librairie la dernière édition du Louis Armstrong d’Hughes Panassié (Nouvelles Éditions Latines 1968), qui, après hagiographie mal documentée, comporte une étude très complète des œuvres enregistrées, toujours utile malgré quelques jugements curieux fondées sur l’idéologie musicale de l’auteur, comme de considérer qu’Oscar Peterson est un pianiste absolument pas adapté au style d’Armstrong (p. 195) -il suffit d’écouter l’Indiana du disque “Louis Armstrong with Oscar Peterson” (Verve), pour être convaincu du contraire- et l’on trouvera des exemples de ce style qui a beaucoup amusé du vivant de l’auteur : “N’importe qui peut se rendre compte que Trummy [Young] est une des trombones les plus puissants que le jazz ait connu” (p. 88).

Pour le lecteur anglophone sont toujours disponibles Louis Armstrong. An american Genius de James Lincoln Collier (1983), travail biographique considérable -malgré de nombreuses erreurs, selon le trompettiste Irakli-, mais qui considère que le Louis Armstrong postérieur aux enregistrements des Hot Five et Hot Seven -qui sont des orchestres de studio- s’est musicalement égaré et n’a plus rien fait d’intéressant, ce qui rend la lecture du livre assez désagréable. Laurence Bergreen Louis Armstrong, an extravagant life (1997) a écrit une bibliographie extrêmement détaillée, mais aborde peu la musique.

Terry Teachout (Cape Girardeau, Missouri 1956), qui n’a guère écrit sur le jazz, mais l’a pratiqué comme contrebassiste, a utilisé tout ce qui a été publié, ainsi que des écrits privés, actuellement conservés dans des universités (ceux de Louis Armstrong au Queens College), et une vaste documentation orale conservée à la Rutgers University (newarkwww.rutgers.edul) ; son ouvrage comporte un vaste appareil de notes et un index détaillé.

L’auteur rectifie les erreurs de jugements sur la personnalité de Louis Armstrong, vu souvent encore comme un simple amuseur, inconscient du racisme ambiant, grâce aux enregistrement réalisés par le trompettiste -dont c’est la première utilisation- et à sa correspondance. Le rôle de Joe Glaser est étudié en détail et le personnage n’en sort pas grandi. Le récit biographique est scandé par les analyses des oeuvres les plus importantes, l’a. redonnant particulièrement toutes leurs places aux enregistrements avec grand orchestre des années 30 et 40. Il étudie aussi Snafu, un enregistrement assez méconnu d’un orchestre réunissant les vainqueurs d’un referendum de la revue Esquire en 1946, où Louis Armstrong prend un solo stupéfiant par son originalité et dans un style très différent de celui des enregistrements pseudo- néo-orléanais de l’époque, évoquant un chemin qui s’est perdu.

Terry TEACHOUT en 2013.

On trouvera plus de détails sur la liaison Lil Hardin / Louis Armstrong dans Bergreen, plus d’informations musicales dans Louis Armstrong’s Hot Five and Hot Seven Recordings de Brian Harker (Oxford Studies in Recorded Jazz, 2011), mais cet ouvrage très documenté donne une version très juste à la fois de la personne et de l’artiste. On devra écouter en parallèle le coffret “The Complete Masters 1925-1945" (Emarcy) et les enregistrements des années suivantes : “At Pasadena”, “Ambassador Satch”, “Louis Armstrong plays WC Handy”, “Louis Armstrong plays Fats Waller”, “A Musical Autobiography”, “Louis Armstrong with Ella Fitzgerald”, “Louis Armstrong with Oscar Peterson”, “Louis Armstrong with Duke Ellington”, qui montrent quel formidable musicien Louis Armstrong a été tout au long de sa carrière jusqu’à son dernier grand succès “Hello Dolly”, qui fut la première occasion pour Teachout enfant de voir Louis Armstrong à la télévision.

Terry Teachout, Pops. A life of Louis Armstrong (Mariner books Boston 2009)


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