Où il s’avère que le Jazz West Coast des années passées est temporairement exhumé dans l’Ain et que le jazz orné d’électronique continue son bonhomme de chemin, So what ? What a blast !
Douzième étape
De retour sur les bords de Saône (qui n’a pas encore débordé) pour la soirée West Coast / Bœuf-Carottes de Jazz à Fareins 2014, nous fûmes satisfaits d’être là bien que demeurait encore dans notre esprit les chantonnements essoufflés du Bon vieux Lee K.
Michael Chéret bénéficiant d’une carte blanche pour la soirée du samedi 29 novembre 2014 ̶ jour où l’archéologue Howard Carter et son mécène Lord Carnarvon ouvrirent le tombeau de Toutânkhamon (1922) ̶ il avait convié le quartet d’Ivan Baldet avec le ci-avant nommé au saxophone ténor accompagné par Olivier Truchot (piano) Cédric Perrot (batterie) et Malcolm Potter (contrebasse). L’objectif était d’interpréter quelques unes des meilleures compositions de Al Cohn, l’un des plus brillants représentants du genre dont le haut-lieu fut le Lighthouse à Hermosa Beach, à une trentaine de kilomètres de Los Angeles. Ah le soleil, le sable dans les sandales, les palmiers qui ondulent et l’Océan Pacifique...Ce que je préfère dans cet océan-là, c’est l’adjectif. La paix soit avec lui ! Ceci dit, cela n’a pas suffi à Al Cohn pour être le plus émérite compositeur de sa génération. Dans l’ensemble, le quartet augmenté fut agréable à écouter, comme une bande son en soirée avec des amis.
En seconde partie de soirée, Michael Chéret eut la bonne idée de jouer dans son intégralité le + eleven du regretté Art Pepper. Ils étaient donc douze sur scène (Michael Cheret , lead sax alto, Aurélien Joly (excellent), trompette, Vincent Stefan, trompette, Gaby schenke (très bien), sax alto, Robinson Khoury, Sylvain Thomas, trombones, Vincent Perier, sax ténor, clarinette, Jean Marc Gomez, sax baryton, Mickael Ourliac, cor, Olivier Truchot, piano, Cédric Perrot, batterie, Patrick Maradan, contrebasse) pour une relecture à l’identique du disque si ce n’est qu’avec élégance, le saxophoniste invité par le festival avait équitablement répartis les soli d’Art Pepper entre les différents saxophonistes présents. Une attention louable qui ne suffit pas à faire décoller l’ensemble. Et même si les musiciens présents firent preuve d’allant, peut-être leur en manquait-il un peu sous la pédale pour rivaliser avec leurs ainés. Trop sage et linéaire, notamment du côté de la rythmique. Là encore, ce ne fut pas désagréable et à peiné rentré dans nos pénates, une irrésistible envie d’écouter l’original nous saisit. Envie à laquelle nous ne résistâmes pas.
Treizième étape
De nouveau dans la région. Montmerle sur Saône, au Pêle-Mêle Café pour être précis, un des deux lieux d’activité du Chien à 3 pattes, association qui perdure depuis 2007 malgré les difficultés. C’est louable bien évidemment et éminemment nécessaire en ces temps de flingage organisé de la culture sous toutes ses formes et du jazz en particulier. La France du petit Nicolas n’était pas brillante, celle de Hollande devient un pays bas. Michel Dugelay et ses acolytes, eux, continuent de programmer de jeunes musiciens créatifs et c’est tant mieux.
En ce samedi 6 décembre 2014, jour de naissance de Dave Brubeck (1920) et jour de fin de parcours pour Roy Orbison (1988), Remember donc enfin ! « Pretty woman, walkin’down the street, pretty woman the kind I lke to meet… » Qui oserait affirmer qu’il n’accole pas ces quelques mots au visage juvénile de Julia Roberts, hein ? Et si l’un d’entre vous ose illico nous dire que le rapport avec le trio Blast pour lequel nous nous sommes déplacés est inexistant, il aura prestement raison ; ce dont nous nous moquons éperdument, nonobstant la véracité du fait établi.
Alors Blast. Trio electronico-acoustico-musical. Notez bien le dernier terme de la trilogie, ce n’est pas si souvent. Anne Quillier, Fender Rhodes, Moog basse, Pierre Horckmans, clarinettes, effets, Guillaume Bertrand, batterie, effets, le compose. Le saviez-vous, nous en voyons beaucoup des formations de ce type dans la génération montante, ancrées dans l’urbain et se référant quelquefois à des codes dont le secret nous échappe (oui, oui). Plus qu’il ne nous en faudrait à vrai dire. Le plus souvent, à leur écoute, la sensation première qui nous accapare est un désir immédiat de fuite et d’air pur. Le nombrilisme organique se focalisant sur l’obscur, le sale et le nauséabond, exprimés en assemblages de notes et autres bruissements, bruits et grincements, qui ignorent l’essentiel, la mélodie, nous fatiguent. Et sachant que pour nous la mélodie, c’est l’humain, nous vous déclarons que, n’étant ni neurasthéniques ni chimiquement assistés, les borborygmes sans visage et sans rêves nous emmerdent, c’est le moins que l’on puisse écrire. De la ville, chacun retient ce qui lui convient. Nous, on sait qu’il y pousse aussi de l’espoir.
Alors Blast, disions-nous. Des compositions d’abord. Un ensemble homogène bien qu’il puise son inspiration à diverses sources, qui lorgne en permanence sur l’essentiel grâce à une écriture qui ne recherche pas la complication inutile, ce qui permet à l’auditeur de pénétrer l’univers du trio. Des histoires ensuite. Et ces musiciens-là savent les raconter car ils n’ignorent pas le chant propre à la mélodie et son lyrisme intrinsèque. Si la modernité urbaine est leur décor, elle n’existe pas sans la présence de personnages qui lui donnent sens. D’un morceau l’autre, le jeu d’équilibre entre les couleurs est subtil et l’on est captivé. Assez rare pour être signalé. Que ce soit avec ce trio ou son sextet acoustique, Anne Quillier (et ses musiciens) apporte au paysage musical actuel l’expression d’une voix singulière qui s’oppose à l’affadissement ambiant, une voix qui porte et qui dénote par sa clarté et son originalité.
Humain, trop humain, écrivait le vieux Friedrich. L’humain, le genre de truc auquel on n’a pas envie de renoncer dont on veut connaître la fin (alors même qu’on sait la détester). C’est également ce que nous recherchons en musique. Et l’effet de souffle (blast en anglais) n’est pas forcément mortel. Il peut être salvateur. Il suffit d’ouvrir les fenêtres tant qu’on est vivant. Après, c’est une autre histoire. On passe notre tour pour l’instant, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. Blast !
A suivre...
Dans nos oreilles :
Dreisam : Source
Franco Ambrosetti : The wind
Sous nos yeux :
Pascal Quignard : Mourir de penser
Alain Gerber : Longueur de temps