Cris et chuchotements

Kollektif#2 le jeudi 11 décembre au Big Band Café d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados) avec IRèNE (du collectif Coax) et le Quartet Base (du collectif Muzzix) dans le cadre de Jazz en Scènes.
Décryptons :
Jazz en Scènes (16ème édition) est un festival national qui fédère les scènes de jazz et de musiques actuelles un week-end du début décembre. Un festival qui fait scintiller le jazz de toutes les couleurs sur l’ensemble du territoire avant Noël ! Remarquable initiative !
À Caen, le Collectif Jazz de Basse-Normandie a choisi d’inviter deux formations venant d’un autre collectif : les "parisiens" de Coax et les lillois de Muzzix. Une belle manière de montrer la diversité des approches avec un point commun : pour eux, le jazz est un fil pilote qui reçoit les courants incidents de musiques périphériques aux énergies électrisantes.

Bien (trop) peu de spectateurs dans la salle... Où sont ceux qui se ruent sur les billets des festivals médiatisés de la région et regrettent "en société" qu’on entende bien peu de jazz dans l’année ? Ils sont trop frileux sans doute, fragiles peut-être, car les musiques écoutées ce 11 décembre sont engagées, secouent les tympans mais réveillent les neurones en hibernation.

IRèNE - Caen, dec. 2014
© Thierry Giard - dec. 2014

IRèNE, ce sont quatre garçons. Yoann Durant est aux saxophones comme Clément Édouard qui assure par ailleurs le nappage électronique. Julien Desprez, guitare blanche et chevelure bouclée, semble toujours imperturbable dans son monde de stridences électriques à la gauche de Sébastien Brun, batteur-percussionniste en charge de structures rythmiques qui ne se figent jamais.
Attention les secousses ! Ça démarre très fort et il faut parfois s’accrocher pour franchir la porte de leur univers mais quand les tempêtes se calment, une brise douce et envoûtante emporte le spectateur brusqué qui devient auditeur captivé.
Fidèles aux principes du collectif Coax, IRèNE "crée le doute, la surprise et stimule l’écoute dans une musique non formatée." disent-ils.
Stimulant ! Voilà le mot. Quand le concert s’achève, on en vient à regretter que ce soit déjà fini. Preuve que dans leurs modes de jeu totalement atypiques, ils ont acquis une indiscutable maîtrise.

Quartet Base - Caen, dec. 2014
© Thierry Giard - dec. 2014

Les Trois Mousquetaires étaient quatre, le Quartet Base compte, lui, cinq musiciens ! Christophe Motury (alias Pher) est trompettiste et chanteur. L’apport d’une seconde trompette, leur copain Christian Pruvost, permet ainsi un enrichissement des couleurs : trompette et voix, deux trompettes... !
Le guitariste Sébastien Beaumont écrit textes et musique pour des chansons qui deviennent la spécificité de Base, taillées sur mesure pour le grain de voix de Christophe Motury, sorte de Joe Cocker nordiste qui aurait écouté Phil Minton et Tom Waits.
À la base de Base, une rythmique soudée par de longues années de travail commun : Nicolas Mahieux (contrebasse) et Peter Orins (batterie et quelques touches d’électronique).
La musique jouée ce soir-là puise dans le répertoire du tout nouveau disque intitulé "Le diapason". Une histoire d’accord brisé, d’un diapason boiteux amputé d’un de ses bras. Une manière aussi de poser cette musique dans un espace flou et diffus entre jazz et rock, entre pop et blues, entre codes et improvisation.
À la différence d’IRèNE qui évolue sur une structure mouvante, la musique de Sébastien Beaumont reste attachée au rythme, à la mélodie pour mieux nous emporter dans des espaces étranges. Une stratégie qui fonctionne et devient capte l’auditeur pour mieux le faire cheminer dans les méandres de cette musique.
On comprend alors ce que veut insinuer Sébastien Beaumont avec une de ses compositions intitulée : "Or, les sirènes ont une arme plus terrible encore"...

Nous n’étions pas en perdition, bien au contraire : le Quartet Base a plus de quinze ans d’âge, une solide expérience des musiques turbulentes et de l’improvisation contrôlée. On peut leur faire confiance et les écouter sans hésiter !