Il y a des chanteuses partout. C’est fou !

Sarah McKENZIE : "We could be lovers"
Impulse !

Planquez-vous ! Comme les feuilles des platanes en face, les disques de chanteuses se ramassent à la pelle. J’ai écouté le dernier disque de Dida. Qui ça ? Dida. Et alors ? Alors quoi ? Ben alors ? Ah… Ouais, euh… C’est un peu comme ces trucs qu’on lit sans les lire dans les pièces de théâtre, les didascalies. À part ça, l’automne est là ; « Come to me, my melancholy baby » au coin du feu, etc. Alors j’ai jeté mes esgourdes affamées sur le disque de Becca Stevens (l’une des trois de Tillery, avec Rebecca Martin et Gretchen Parlato). On ne me fera pas le coup deux fois ; de la pop music inspirée certes mais incapable de retenir mon attention. Alors quoi ? J’ai essayé Laura Dickinson, chanteuse au service de Disney, entre autre. Un big band énergique et efficace, réglé comme une formule 1 gagnante : professionnel, parfaitement professionnel. En soi plutôt sympathique. Dommage que la chanteuse pousse un peu trop. Elle chante fort… fort fort. C’est dommage. Il lui manque un peu de la gouaille de Patti Page, de la grâce de Julie London, de l’inspiration de June Christy, du swing d’Anita O Day, de l’esprit aventureux de Sheila Jordan, de la perfection technique de Tierney Sutton, de l’indicible émotion que dégage le chant de Jeanne Lee, de la joie vibrante d’Ella… Bref, J’ai tenté Anne Carleton. Projet ambitieux et original avec la participation d’Edgard Morin. Questionner la liberté, tel est le thème de cet objet musical étrange. Je ne suis pas entré dedans. Je vous laisse juge. Et puis quoi d’autre ? Ah oui, nous nous sommes intéressés au dernier CD de Lizz Wright. Super Produit par Larry Klein (Madeleine Peyroux, Joni Mitchell, Tracy Chapman), vous entrez là dans l’autre dimension, celle du disque ultime, le blockbuster musical qui apeure les magasiniers des très grandes surfaces tant ils vont en promener des palettes et des palettes. Un coup de soul, une bluette so lovely, une once de rock, un duo avec Gregory Porter, une reprise de Nick Drake (décidémment, Misja Fitzgerald Michel a été un précurseur), une autre des Bee Gees ( ???). D’accord, d’accord, c’est l’automne. On ratisse large. Dommage, parce que sa voix demeure, sa belle voix, au milieu d’un flot sonore mercantile indigne. J’ai été si déçu que je me suis fait des pâtes au jambon. C’est bien ce qu’on fait aux gosses pour leur rendre le sourire, non ? J’allais commencer la vaisselle quand Sarah McKenzie a envahi l’espace (sa voix, quoi) avec le disque « We could be lovers ». Wow wow ! C’est qui cette fille ? J’ai laissé choir mon scotch-Brite vert. D’où sort cette voix parfaitement timbrée, ce swing si évidemment naturel ? Du corps d’une australienne à ce qui se dit, une australienne également pianiste, avec les doigts bien à plat sur le clavier comme un vieux pianiste de jazz autodidacte qui sait comment frapper l’ivoire pour que la note balance. C’est une pure interprète de ses compositions personnelles mais aussi une chanteuse capable de s’emparer avec un naturel désarmant de fraîcheur de standards usés jusqu’à la corde. Le truc foireux par excellence qui fait brillamment ressortir tous les défauts d’une vocaliste. Le pur piège à connes, quoi. Sauf que là, je suis sans voix. Rien à dire. C’est juste, en toute simplicité. La dame n’en fait jamais trop et fait bien tout ce qu’il faut bien faire. Les gens qui l’accompagnent ? Figurez-vous qu’ils font la même chose. Pas d’esbroufe, le groove à sa place, de l’espace pour que la voix s’exprime sans avoir à forcer le trait. Bon d’accord, ils sont bons mais pas transcendants non plus. Sûr qu’avec Ed Thigpen, John Heard, Kenny Burrell et Milt Jackson, on aurait touché au divin. Mais, bon, pas disponibles. Donc on s’arrange du combo tel qu’il est mais, croyez-moi, Sarah McKenzie a bien des atouts dans son jeu. D’ailleurs avec un pareil nom, il est aisé de tutoyer les sommets.... (facile, je sais) Signée chez Impulse !, on lui souhaite simplement de résister à la tentation afin de poursuivre sans compromission une carrière engagée avec un brio certain. Ceci étant écrit, faut que je finisse la vaisselle....


Sarah McKENZIE : "We could be lovers"

> Impulse ! 0602547421173 / Universal

Sarah McKenzie : piano, voix, arrangements / Alex Boneham : contrebasse / Marco Valeri : batterie /+ selon les plages/ Ingrid Jensen : trompette / Yosvany Terry : saxophone alto / Troy Roberts : saxophone ténor / Warren Wolf : vibraphone / Hugh Stuckey : guitare

01. Was Doing Alright (G. Gershwin/I. Gershwin) / 02. That’S It, I Quit (S. Mckenzie) / 03. We Could Be Lovers (S. Mckenzie) / 04. Tight (B. Carter) / 05. At Long Last Love (C. Porter) / 06. I Won’T Dance (Kern-Hammerstein) / 07. Love You Madly (D. Ellington) / 08. Quoi, Quoi, Quoi (S. Mckenzie) / 09.The Music Is Magic (A. Lincoln) / 10. Lover Man (Oh Where Can You Be ?) (Ramirez-Davis-Sherman) / 11. Moon River (Mancini-Mercer) // Enregistré à New York en mars 2014.


Et les disques des autres chanteuses citées dans cette chronique :

DIDA : "Modern Love Songs"
Sarah McKENZIE : "We could be lovers"
Laura DICKINSON : "One for my baby"
Becca STEVENS Band : "Perfect Animal"
Anne CARLETON : "So high"
Lizz WRIGHT : "Freedom & surrender"