Échos de Jazz sur la Ville 2016 à Marseille et ses alentours.

Cette manifestation a valeur de manifeste, fédérant des énergies parfois insoupçonnées, des lieux et des publics aux profils contrastés. « Jazz sur la Ville » confirme qu’il convient de ne pas quitter les territoires marseillais et affiliés à cette période automnale.

19 & 20 novembre : première étape à La Mesón, petite salle secrète du centre de Marseille. Si vous n’êtes pas dans la confidence des activités de ce local associatif où l’on peut se désaltérer et se restaurer au diapason des musiques à l’affiche, vous serez condamné à rester sur le trottoir et papoter avec d’heureux élus.
Rendu possible par une personnalité rare, Ulrich Edorh, tour à tour batteur, producteur et pourvoyeur de riches idées, La Mesón a présenté une résidence haut de gamme, celle du providentiel Reggie Washington. Deux concerts plus une master class soit un weekend de luxe en compagnie d’un discret maestro. Le luxe d’accueillir l’illustre chanteur et percussionniste Vinx désormais résident de l’Occitanie. Le duo inédit Vinx-Washington faisait tout le charme d’un samedi soir enfiévré et lorsque les deux amis attaquèrent «  Ain’t No Sunshine » on comprit instantanément que la fête serait belle, et elle le fût au delà de toute attente.
Le lendemain dimanche, Reggie Washington, ne se départissant pas de sa basse électrique, présentait un trio non moins inédit où brilla la guitare versatile d’Hervé Samb. Derrière ses futs Ulrich Edorh affirmait une forte identité sous l’œil conquis de son ancien employeur, le saxophoniste colossal Rémi Abram. Les trois compères enflammèrent petit à petit l’espace atteignant des sommets lors d’un second set héroïque.
Dorénavant soyez vraiment attentif à l’actualité de La Mesón.

samedi : Reggie Washington : basse / Vinx : vocal, percussion
dimanche : Reggie Washington : basse / Hervé Samb : guitare / Ulrich Edorh : batterie

22 novembre : Salon-de-Provence

Le salon de musique réunit la jeunesse locale connectée à la performante école Imfp où enseigne le leader du jour Michel Zenino. Le contrebassiste marseillais présente un quartet soudé où vibre la voix du saxophoniste Christophe Monniot. Le musicien normand revient très fort ses temps-ci et toutes ses apparitions captivent. La musique du quartet de Michel Zenino est maintenant documentée dans un disque à paraître et sa prestation salonaise fut nourrie par un répertoire identifiant la belle plume et les univers chantants d’un musicien de première envergure. À suivre !

Michel Zenino : contrebasse / Christophe Monniot : saxophones alto et sopranino / Leonardo Montana : piano / Jeff Boudreaux : batterie

23 novembre : No Drums trio à l’hôtel C2

C’est l’histoire de trois collègues jouant à fond le répertoire qui éclaire leur épopée commune. L’hôtel C2 se distingue par son luxe même si des adaptations seront nécessaires afin d’atteindre les 5 étoiles du jazz.
No Drums trio brille par la présence d’un grand aventurier en la personne du saxophoniste Thierry Maucci, trésor national comme aime à conserver à l’abri de la lumière la cité phocéenne. Claude Vesco est à lui seul la mémoire de la guitare marseillaise, à la fois éloquent du bop au blues et au service des plus intrépides initiatives du swing tonique. Les cinq cordes de la basse de Christophe Cuzzucoli expliquent en quoi il n’y a pas place pour un batteur dans ce No Drums trio.

Thierry Maucci : sax ténor / Claude Vesco : guitare / Christophe Cuzzucoli : basse

24 novembre : le Cri du Port accueille le Chicago Blues Festival.
Retour triomphal du Chicago blues au Cri du Port, cette vénérable association fait vibrer la musique en continu depuis 1981. Sur le podium : trois personnalités aussi différentes que complémentaires firent entendre leur voix dans un registre authentique au son des guitares étincelantes. La chanteuse Diunna Greenleaf ouvrit le show dans la puissance du band où brillaient Eddie Cotton Jr, tête d’affiche de la tournée et le torride harmoniciste et guitariste Grady Champion grand animateur du show. Diunna Greenleaf conclut les débats en un vibrant solo célébrant Thanksgiving. Standing ovation de la salle comble et comblée.

Eddie Cotton Jr. : guitare et voix / Grady Champion : harmonica, guitare et voix / Diunna Greenleaf : voix / Darryl Cooper : claviers / Myron Bennett : basse / Kendero Webster : batterie

26 novembre : Louise & The Po’Boys suivi du film The Whole Gritty City

Il sera dit que les manifestations de Jazz sur la Ville firent le plein du public, ce fut le cas ce samedi soir à Saint-Henri dans les quartiers nord au cinéma Alhambra pour un double ticket. Traversant la salle déjà en action puis devant l’écran muet d’images, Louise & The Po’Boys ouvrirent la soirée sur des airs joyeux, ou moins, de la Nouvelle Orléans. Interprétations rafraichissantes et naturelles où Djamal Taouacht démontra qu’il n’est pas nécessaire d’être natif de Louisiane pour faire sonner un washboard.
Seconde partie : projection du puissant film documentaire The Whole Gritty City soit l’évocation à la fois ludique et cruelle de la vie d’une jeunesse à la Nouvelle Orléans marquée par la musique et la violence au quotidien. Un film bienvenu signé Richard Barber et Andre Lambertson, qui nous éclaire sur l’Amérique de tous les contrastes.

Alexandra Satger : voix, tom basse / Matthieu Maigre : trombone / Seb Ruiz-Levy : cornet / Renaud Matchoulian : banjo / Djamel Taouacht : washboard / Julien Baudry : soubassophone

27 novembre :

Hindi Zahra au Cabaret Aléatoire (Friche de la Belle de Mai)
Dimanche soir à Marseille, tandis que les plus de 50 ans remplissaient le Silo pour la venue événementielle du légendaire groupe King Crimson, fantastiques aux dires des experts, la Friche de la Belle de Mai accueillait la jeunesse locale et la captivante chanteuse berbère Hindi Zahra. Une présence forte, conclue dans une transe gnawa. Pour votre serviteur, l’occasion de voir sur scène aux côtés de la diva, un ancien pilier de Jazz Magazine (1997-2005) aujourd’hui guitariste chéri de belles dames : Jérôme Plasseraud !

Zahra Hindi : voixl / Jérôme Plasseraud : guitares / Paul Salvagnac : guitares / David Dupuis : claviers, trompette et saxophone / Jeff Hallam : basse / Raphael Seguinier : batterie / Ze Luis Nascimento : percussion

30 novembre : Geraldine Laurent 4t At Work à l’hôtel C2

Les mercredi se suivent et se ressemblent à l’hôtel C2 archi bondé pour la venue du quartet At Work de Géraldine Laurent. Public, on ne peut écrire audience, vraiment composite et parfois bruyant dans la grande tradition de certains clubs newyorkais. Géraldine et ses complices gèrent le tumulte avec maestria et forcent l’attention au plus intime quand l’auditoire se rend à l’évidence du jeu brillant du pianiste Paul Lay, le tout en acoustique. Magistral au coeur de la prolifique tradition post bop.

Géraldine Laurent : saxophone alto / Paul Lay : piano / Yoni Zelnik : contrebasse / Donald Kontomanou : batterie

3 décembre : Ciné-Concert avec le duo Akosh S & Gildas Etevenard
Samedi de conclusions pour Jazz sur la Ville et rendez-vous à la bibliothèque départementale Gaston Defferre [1]. pour un alléchant ciné-concert. Les improvisateurs Akosh S, maître du genre, et son partenaire Gildas Etevenard lancent très fortissimo les débats devant un grand écran encore dans l’obscurité.

Une partie du public semble pétrifiée ou désorientée par l’intensité de la musique mais tout le monde tient bon et entre dans l’univers des virtuoses de l’instant avant que les premières images du film « Les Saisons » éclairent la salle. Ce chef d’oeuvre du réalisateur Artavazd Pelechian est aussi épique que singulier. L’harmonie aurait pu régner mais un spectateur lance une vive protestation : « Arrêtez votre bruit, violeurs de film muet ! ». Nous sommes à Marseille et ce genre d’intervention n’est pas rare, elle relève de la libre expression chère aux locaux. Hélas, le protestataire persiste comme s’il n’avait pas été compris par Akosh S & Gildas Etevenard. Son injonction : que cesse l’action des profanateurs. Il finit par être exclu par la sécurité ce qui laisse encore l’opportunité à ce spectateur outré d’invectiver les deux artistes au plus près, tandis qu’on l’oblige à quitter les lieux.
À l’ issue du spectacle, et c’en était un, on apprend que c’est Jean Kéhayan qui a ainsi perturbé la représentation, comme lui-même a été outré que l’on puisse discourir musicalement sur ce film culte. Jean Kéhayan n’a pas cru bon de s’excuser depuis l’incident auprès des artistes qu’il tient pour responsables, avec les organisateurs, d’avoir bafoué le droit moral de Artavazd Pelechian. Ainsi va la vie du jazz et des musiques improvisées, à la marge de tout confort.

Akosh S : saxophone ténor, clarinette, bombarde, ocarina, flûtes, kalimba, madcopte, cloches, harmonium, … / Gildas Etevenard : batterie, gordon,daf, gongs, cloches, …


[1orthographié à tort Deferre et non Defferre comme il convient, aucun document d’information de Jazz sur la Ville ne partit au pilon. À Marseille le defferrisme a sans doute vécu et Edmonde Charles-Roux n’est plus présente pour défendre la mémoire de Gaston